Nous
fêtons
aujourd’hui la fête du Christ Roi de l’univers, instituée en 1925 par le
Pape Pie XI, fête qui clôture notre année liturgique.
En
France,
le mot Roi a une connotation particulière. République et Monarchie ne
font pas très bon ménage. Jésus nous parle aujourd’hui de son royaume.
De quel
royaume, de quel roi s’agit-il ?
Et
puis
si l’on regarde les Evangiles des derniers dimanches, nous voyons bien
que
c’est la fin : fin de l’année, fin du monde. Et pour Jésus
aujourd’hui,
tout semble fini : il est sur la Croix.
Si
l’Eglise
nous propose ce chemin c’est pour que nous regardions plus loin que
l’apparence. Le chemin de Jésus est un peu caché. Je vous propose de le
parcourir.
Vous
connaissez
les noms de grands rois en Israël, Saül, David et Salomon. Mais
avant ? Avant il n’y en avait pas. Dieu seul guidait son peuple.
Les juifs
vivaient dans des pays différents (Canaan, Egypte) mais leur guide
c’était Dieu
lui-même. Et puis comme un enfant qui grandit et devient adolescent, le
peuple
d’Israël à commencer à prendre une certaine indépendance par rapport à
la Loi
divine. Il a fallu y mettre le Holà. Dans les périodes critiques, pour
le
peuple ou pour sa sécurité, on nomma des juges : peu connus,
Gédéon,
Samson, ou Samuel dont nous parle la première lecture ; ils étaient
autant
gardiens de la Foi que chef de guerre.
Mais
le
peuple continuait à vouloir un roi, ils voulaient être « comme les
autres
peuples » et Dieu (par l'intermédiaire du prophète Samuel) accepte le
principe
d’un roi qu’il choisit. Mais il les avertit : le roi que vous allez
avoir
fera de vous des serviteurs, des soldats, et ses impôts vous pèseront
(vous
pourrez relire le chap. 8 du 1er livre de Samuel).
Mais
les
Israélites insistent et Samuel choisit Saül. C’est cette royauté qui est
le
contexte de la première lecture où David est reconnu comme roi de toutes
les
tribus d’Israël.
Cela
ne
durera pas très longtemps : après Salomon, le fils de David, les
tribus
se déchireront à nouveau en 2 royaumes : le Nord et le sud, Juda et
Israël.
Quand
Jésus
prêche, 1000 ans plus tard, les juifs qui attendent un roi pour les
libérer de l’occupant romain et redonner la grandeur à son peuple, c’est
à cela
qu’ils pensent.
Alors
sur
la Croix quand Jésus dit au bon larron qui lui
demande : « Jésus,
souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne. » et
que Jésus répond :
« Amen, je te le déclare : aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le
Paradis
», les personnes présentes voient bien l’écriteau qui dit « Roi des
juifs ».
Ce
roi
terrestre tant attendu qui meurt sur la Croix comme un esclave a de quoi
les désorienter. Beaucoup penseront que tout est fini et la résurrection
de
Jésus ne va pas changer cela comme d’un claquement de doigts : il
faudra
du temps pour que les Apôtres, les premiers disciples, tous les
missionnaires,
réussissent à faire passer leurs auditeurs d’une déception, d’un moment
de
découragement à une espérance qui change le regard : cette fin
n’est pas
la fin de tout.
Rappelez-vous
le découragement des pèlerins d’Emmaüs.
Dans
l’évangile
entendu dimanche dernier, Jésus parle de « guerres et de
désordres
[…] des famines et des épidémies, » et il aurait pu ajouter,
des
scandales, Il nous demande de ne pas croire que tout est fini.
Dans
la
deuxième lecture extraite de la 1ère épitre aux habitants de
Colosse, St Paul nous présente un Fils de Dieu, tout puissant, par qui
les
merveilles de l’Univers ont été créées. « C’est en lui que tout
a été
créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les
puissances
invisibles : tout est créé par lui et pour lui. Il est avant tous les
êtres, et
tout subsiste en lui. »
Mais
ce
Fils bien aimé qui meurt sur la Croix, c’est paradoxal !
Saint
Paul
nous dit que le sang de la croix du Christ nous réconcilie avec Dieu.
Dieu
aurait voulu que Jésus souffre beaucoup pour mériter l'effacement de nos
péchés... ? Mais on sait bien qu'il ne s'agit pas de payer une
dette à
Dieu.
Je
vous
propose une autre manière de comprendre ce texte : c'est la haine des
hommes qui tue le Christ, mais, par un mystérieux retournement, cette
haine est
transformée par Dieu en un instrument de réconciliation, un instrument
de paix.
A
l'échelle humaine, nous avons parfois des exemples de cet ordre : pensez
à des
hommes comme Itzak Rabin, Martin Luther King, Gandhi, Sadate... Ils ont
prêché
la paix, l'égalité entre les hommes, et cela leur a coûté la vie ; ils
ont été
victimes de la haine des hommes ; mais, paradoxalement, leur mort a
inauguré un
progrès de la paix et de la réconciliation : Un témoignage d'amour
et de
pardon, qui va parfois jusqu'au sacrifice de sa vie, est un ferment de
paix.
Mais
cela
ne suffit pas à réconcilier l'humanité tout entière avec Dieu car ils
n’étaient
que des hommes.
Jésus,
lui,
est l'homme - Dieu : il est à la fois le Dieu qui pardonne et
l'humanité qui est pardonnée ; ce qui nous réconcilie, c'est que le
pardon
accordé par le Christ à ses bourreaux, est le pardon même de Dieu. C'est
Dieu
qui pardonne... par pure miséricorde de sa part.
Comme
dit
Saint Paul, il a plu à Dieu de nous pardonner à travers Jésus-Christ : «
Il
a voulu tout réconcilier par lui et pour lui, sur la terre et dans les
cieux,
en faisant la paix par le sang de sa croix. » Au jour du
Vendredi-Saint sur
le Calvaire, celui que nous appelons « le bon larron » fut le premier
bénéficiaire de cette réconciliation (c'est l'évangile que nous venons
d’entendre).
Jésus
a
souvent proposé un renversement des valeurs :
-
les
premiers seront les derniers,
-
que
celui qui veut être le plus
grand soit le serviteur de ses frères,
Et
il
est allé jusqu’à le vivre : Celui qui est le plus grand accepte de
descendre au plus bas pour nous relever. (Vous pourrez relire l’hymne
aux
Philippiens au chapitre 2).
Ce
roi
de l’univers, c’est un roi qui ne veut perdre personne. Qui veut que
tous entrent
dans son royaume. Et il donne sa vie pour cela. Pour être sûr que chacun
ait
une place avec Lui. Il donne sa vie, et ainsi nous donne la vie
éternelle car
son Royaume n’a pas de fin. C’est ce que nous allons proclamer
maintenant dans
le Credo.
Philippe ARRIVÉ
Couvent
N-D de Lumière
20 Novembre
2022