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Christ, Roi de l'Univers

2 S 5, 1-3 ;  Ps 121 ; Col 1, 12-20 ; Lc 23,35-43

       Ce dernier dimanche de l’année liturgique, c’est donc celui qu’on appelle le dimanche du « Christ-Roi ». Si on a l’habitude de désigner Jésus par Christ, c’est souvent plus difficile de le voir comme un roi. Il faut dire qu’en France, l’image des rois est plutôt négative depuis la Révolution. Alors, quand on dit que le Christ Jésus est roi, de quel espèce de roi s’agit-il ?

« Si tu es le roi des juifs… » se moquent les soldats romains. En effet, c’est le motif de condamnation que Pilate avait fait inscrire au-dessus de la croix. « Celui-ci est le roi des juifs ».
Mais le malfaiteur à côté de Jésus sur la croix, lui qui est juif, ne parle pas de roi. Il lui demande : « n’es-tu pas le christ ? » (En fait il a dit « n’es-tu pas le Messie ? » puisque christ est la traduction en grec du mot hébreux messie). On retrouve ici que, pour les juifs de cette époque, dire « roi des juifs » ou « messie », donc « christ », c’est la même chose. Cette identité entre le messie et le roi traverse toute l’histoire du peuple juif. Dans la première lecture, on entend que les anciens du peuple « donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël ». Et le mot qui désigne « celui qui reçoit l’onction d’huile », c’est justement le mot « messie ». Le messie, c’est donc le roi ; et inversement, le roi, c’est un messie.
A ce propos, si vous avez déjà assisté à un baptême, vous avez certainement remarqué que dans la liturgie du baptême, juste après le geste de l’eau, le célébrant procède aussi à une onction d’huile sur le front du nouveau baptisé. Et en même temps, il lui dit : « désormais tu es membre du corps du christ, et tu participes à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi ». En effet, chaque chrétien, par le baptême, est appelé à imiter le Christ. Il est prêtre en ce sens qu’il est une personne qui donne à voir Dieu et le propose au monde. Comme un prêtre. Il est prophète parce qu’il parle, en tant que baptisé, de la part de Dieu, en son nom. Comme un prophète. Et il est roi, au sens non-pas de celui qui détient le pouvoir, mais de celui qui est responsable des personnes vers lesquelles il est envoyé, et qui doit tout mettre en œuvre pour le bien de ces personnes. C’est la responsabilité du roi. Prêtre, prophète et roi, comme une incarnation de la foi, de l’espérance et de la charité : le prêtre est le garant de la foi, le prophète annonce l’espérance, et le roi, même si ça peut étonner, c’est celui qui pratique la charité.
Si certains ont du mal à accepter que le christ soit un roi, c’est peut-être ainsi, aujourd’hui, que l’on peut le plus facilement accepter la royauté de Jésus : un roi venu pour servir son peuple et non pour être servi par lui.
Donc, pour les juifs, le roi, c’est le messie, celui qui reçoit une onction d’huile pour signifier un envoi en mission de la part de Dieu.
Mais un roi, c’est aussi le garant de l’unité, le faiseur d’unité. La première lecture est le passage du Livre de Samuel où les 12 tribus d’Israël choisissent David pour être un roi désormais commun à tout le peuple d’Israël, au lieu d’avoir un chef pour chacune des tribus. Après avoir conquis Jérusalem, qu’il choisit comme capitale, et par l’onction qu’il reçoit, David fait l’unité de tout le peuple d’Israël. C’est à cela que le psaume 121 fait allusion : « Jérusalem, ville où tout ensemble ne fait qu’un ». Les douze tribus divisées sont désormais unifiées en un seul peuple. Cette unité ne peut exister sans un roi à sa tête.
Un roi, c’est un envoyé de Dieu pour une mission d’unification, d’unité, et donc aussi de paix. Et de la paix seulement pourra naître le bonheur, je pense que nous en sommes tous convaincus. Les douze tribus peuvent espérer le bonheur : désormais unies dans un même royaume, elles n’ont plus de raison de se faire la guerre entre elles. C’est pourquoi le psaume 121 dit : « appelez le bonheur sur Jérusalem : « paix à ceux qui t’aiment » »

Voilà ce que nous disons quand nous parlons du Christ-roi : Avec le Christ Jésus à sa tête, le peuple de Dieu : 1, est uni ; 2, il vit en paix, et 3, il peut ainsi espérer le bonheur.

On le voit donc, notre image du roi est quelque peu bouleversée par cette approche. J’ai justement appris récemment que ce serait le roi de France Louis Neuf, Saint Louis, qui aurait « inventé » le terme de ministre pour désigner ses conseillers. Ministre, du latin minister, serviteur, qui aide, qui sert, qui exécute. L’idée était de leur rappeler que leur fonction n’est pas le pouvoir sur le peuple, mais le service du peuple.
De même que le roi est à la tête d’un peuple pour le servir, les ministres sont par définition les serviteurs de ce peuple. La fonction politique est donc une fonction de service, non de pouvoir. Servir, non asservir.
Tout ceci peut évidemment nous faire penser à la réalité de notre monde d’aujourd’hui, en ces temps où l’image de la politique en général est tellement dévalorisée. Cette conception du roi serviteur, du ministre serviteur, peut-elle s’appliquer à nos dirigeants et à nos hommes politiques ?  Elle le devrait, en tout cas ! Car l’engagement politique, pas nécessairement dans l’adhésion à un parti, mais au moins comme engagement dans la vie publique, dans la gestion des affaires quotidiennes, dans la participation aux réflexions sur la manière de diriger une commune, une région, un pays, et bien sur, en donnant son avis en allant voter, relève du devoir de chaque chrétien. Voter, c’est aussi servir.
« Un catholique ne peut pas se contenter de regarder du balcon » a rappelé une nouvelle fois le pape François. Si les catholiques ne votent pas, qui va décider à leur place ? Les évêques de France, eux aussi, ont publié très récemment une lettre de presque cent pages dont le titre révèle bien le malaise actuel : « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique » Voici comment ce texte est présenté : « Si nous parlons aujourd’hui, c’est parce que nous aimons notre pays, et que nous sommes préoccupés par sa situation », nous disent les évêques […].
Ils prennent la parole parce que les catholiques, citoyens à part entière au milieu de leurs contemporains, ne peuvent se désintéresser de ce
qui touche à la vie en société, à la dignité et à l’avenir de l’homme. Ils s’adressent à tous les habitants de notre pays parce qu’il est fragilisé.
Et que c’est ensemble que nous pourrons nous atteler à le refonder. »
Ainsi, nos évêques proposent une parole au service de la société toute entière. C’est le cœur même de leur mission, eux qui sont les successeurs des apôtres.

Oui, le Christ est Roi, le Christ et serviteur, il est roi au service de tous. Gardons cette image et appliquons-la à nous-mêmes. Imitons le Christ. Notre mission de baptisé, prêtre, prophète et roi, consiste à nous mettre nous aussi, à notre mesure, là où nous sommes, au service de tous. Ne nous dérobons pas face à cette mission qui nous est confiée.
Amen.

Daniel BICHET, diacre permanent
St Hilaire de Clisson, Maisdon sur Sèvre, Clisson
20 novembre 2016


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