Homélies pour des funérailles


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Le contexte :

Homélie pour les obsèques de Charles

Textes choisis : I Th 4,13-14.17d-18 - Psaume 129 - Matthieu 11,25-28

Homélie :

     Sœurs et frères dans la foi, Chère famille en deuil,
« Te voir souffrir et demeurer impuissants a été pour nous un profond chagrin », c’est ce que vous avez exprimé en exergue au faire-part de décès de Charles. Nous sommes tous démunis devant la souffrance, qui plus est devant la souffrance d’un proche, que ce soit une souffrance physique ou morale. Devant la souffrance, nos pauvres mots sont dérisoires. C’est avec une grande lucidité que le cardinal Pierre Veuillot sur son lit de souffrance, atteint d’un cancer en phase terminale  confie à Mgr Lallier : "Nous savons faire de belles phrases sur la souffrance. Moi-même, j'en ai parlé avec chaleur. Dites aux prêtres de n'en rien dire : nous ignorons ce qu'elle est. J'en ai pleuré".
    Oui, sœurs et frères en Christ,  devant la souffrance d’autrui, aux côtés d’un malade atteint d’un mal incurable nous sommes impuissants. Nous avons tous du mal à entendre les cris de souffrance. Au cœur de nos souffrances, avec le psalmiste, nous ne pouvons que prier : « Des profondeurs, je crie vers toi Seigneur ». Rappelons-nous les paroles de Jésus au jardin de Gethsémani : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. ».
    Chère famille, Charles s’en est allé prématurément. La mort de ceux qu’on a aimés, côtoyées, nous jette dans un profond désarroi ! Toute une part de nous-mêmes nous est enlevée. La mort reste pour nous tous un mystère. Nous sommes alors dans le doute et l’incompréhension. A la mort prématurée de l’un de mes frères  son épouse, révoltée, me disait « er het’s net verdient – Il ne l’a pas mérité ». Non, frères et sœurs, personne ne mérite la mort, car la mort n’est pas un châtiment – sauf dans les pays qui pratiquent encore la peine de mort. La mort fait partie de notre condition humaine. Devant la mort de quelqu’un de jeune, devant la mort d’un enfant, d’un innocent, nous sommes révoltés et comme chrétiens nous avons envie de faire de grandes remontrances au Bon Dieu. Nous nous interrogeons sur le sens de la vie. Oui la mort reste pour nous un mystère !
    Mais notre foi en Jésus ressuscité nous fait porter un autre regard sur la mort. Celle-ci devient un passage vers l’ailleurs en Dieu, vers les rives inconnues de l’éternité, une ultime étape avant d’entrer dans la vie de l’au-delà, dans le paradis où il n’y a plus ni pleurs, ni deuil. Le chagrin, la tristesse à la mort d’un être aimé, c’est normal et naturel, y compris chez les croyants. Notre foi en Celui qui a terrassé la mort donne à notre tristesse les couleurs de l’espérance. Saint Paul nous le rappelle dans sa lettre aux Thessaloniciens : « Il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance ».
    Il y a quelques années, je me suis rendu au cimetière avec Justine, 22 ans,  qui venait de perdre coup sur coup sa maman morte par accident, puis sa grand’mère décédée quelques mois plus tard. Après nous être recueilli sur la tombe de sa maman et de sa grand’mère, Justine m’interrogea : « Arsène, peux-tu me dire où se trouvent maintenant maman et grand’mère ? Crois-tu qu’elles sont près de nous ? » Ce fut difficile pour moi de lui expliquer l’inexplicable. Il n’y a pas d’explication au mystère de l’au-delà de la mort. Pas de démonstration scientifique ou mathématique. Il n’y a que notre foi en Jésus Christ, mort et ressuscité pour nous, qui nous fait entrer dans l’espérance de la résurrection. Des années après, je pourrais lui répondre : Je suis en lien quasi quotidiennement avec ceux qui sont entrés au royaume de la lumière, avec celles et ceux que j’ai aimés, mes parents, mes frères, les personnes qui ont croisé mon chemin. Je m’adresse à eux, ils sont présents mais autrement. Leurs visages resurgissent dans mon cœur. Ça s’appelle la communion des saints.
    Cher Antoine, chère Marie-Josée, chère famille et amis de Charles, dans l’accablement du deuil, ayez confiance en Celui qui vous manifeste sa tendresse et qui vous dit aujourd’hui : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous procurerai le repos ». Le Maître du bonheur et de la Vie nous aide à porter nos croix, plus ou moins lourdes. Au cœur de nos détresses, il allume en nous les flammes de l’espérance. Les cierges autour du cercueil ont été allumés à la flamme du cierge pascal (qui représente le Christ). Elles sont l’affirmation que notre cher défunt Charles « repose maintenant en paix » qu’il est toujours parmi nous, mais autrement.
    A nous, qui sommes encore sur les chemins de cette terre d’être, humblement,  les artisans d’une vie plus fraternelle. A nous d’être, quotidiennement et concrètement, les témoins de la tendresse de Dieu pour tous les hommes. A nous de manifester par notre vie que Dieu aime d’un amour de prédilection ce qui est faible et petit. Par nos gestes, par nos paroles ou par nos silences, allumons de petites étoiles d’espérance au cœur de nos sœurs et frères en humanité, particulièrement dans les cœurs des plus fragiles d’entre eux. A nous, chrétiens, de faire étinceler dans nos cœurs et sur nos visages le soleil sans déclin de la résurrection.  AMEN   


Arsène BUCHHOLZER, diacre permanent9/1/18
9 janvier 2018