Homélies pour des funérailles


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A Dieu à Pierre MERIAUX – Verrières le Buisson le 11 février 2022

Un saint homme nous a quittés. Pierre s’est endormi dans la mort dimanche matin, et nous avons encore du mal à réaliser qu’il a quitté la vie. Lui qui était si vivant, qui aimait tant la vie, et qui faisait aimer la vie à tous ceux qu’il rencontrait, c’est-à-dire chacun de nous.
Nous pleurons un père, un grand-père, un grand frère, un tonton, un ami, un voisin, un parrain : nous ne verrons plus son éternel sourire aux lèvres, nous n’entendrons plus sa voix tonique et chaleureuse, il ne nous étreindra plus de sa vigoureuse poignée de main.
Nous sommes réunis dans le chagrin de la séparation : nous sommes tous orphelins de Pierre aujourd’hui, et de sa chère Thérèse, Mamithé, Tantine qui nous a quittés il y a 6 mois.
Nous sommes rassemblés dans la peine, mais aussi dans son Espérance en la Vie éternelle : nous croyons avec lui que cet enterrement est un « enciellement » pour Pierre aujourd’hui.
C’est pourquoi nous nous trouvons cet après-midi dans une église autour de lui, dans cette belle église de Verrières où il est venu prier si souvent, et qu’il pouvait contempler de chez lui chaque jour, depuis la terrasse, ou la fenêtre de la cuisine.
Nous sommes rassemblés dans la maison de Dieu, pour dire A-Dieu à Pierre dans l’Espérance, pour faire mémoire de tous les beaux moments de vie qu’il nous a donnés, et pour rendre grâce au Seigneur d’avoir partagé un peu, ou beaucoup de sa vie sur terre.
Dans la Parole de Dieu que nous venons d’entendre, Jésus nous livre le préambule de son Testament :
Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ;
mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.

Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle.
Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur.
Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.                                                                        (Jean 12, 24-26)

Pour nous tous qui avons connu et aimé Pierre, il n’y a pas grand’ chose à ajouter...
Le jésuite François Varillon raconte une petite parabole que vous connaissez peut-être : un grain de blé aimait sa petite vie de petit grain de blé au chaud dans son grenier ; il ne pleut pas dans ce grenier, il est avec ses amis les autres grains du tas de blé, dans la pénombre, tranquille. Quand brutalement une pelletée vient le sortir de la tiédeur et du silence de son petit confort ; il est versé sans ménagement dans une charrette qui l’emporte dehors, au grand jour. Après avoir été ébloui par le soleil, le voilà jeté à terre et enfoncé sous terre, seul, dans le froid, l’humidité, et le noir. Il est semé pour mourir, pour mourir  à lui-même, et pour porter la tige, qui fera naitre l’épi. C’est pour cela qu’il existait : pour produire un bel épi, qui produira beaucoup de nouveaux grains. Pour cela, il doit laisser son enveloppe éclater et s’ouvrir. Voilà ce que Jésus nous demande de vivre à sa suite : ne pas vivoter, ne pas nous contenter de notre petite vie de petit grain de blé au chaud, et être prêt à vivre dans le champ du monde pour porter du fruit en abondance.
Pour nous tous qui avons connu et aimé Pierre, nous le reconnaissons dans cette image d’une vie généreusement donnée au service des autres, avec Thérèse : l’accueil à bras ouvert dans la maison,  les engagements auprès des personnes dans le besoin, le temps donné sans compter, l’attention bienveillante à tous, et en particulier aux plus petits, aux plus fragiles. Je crois que personne ne l’a connu impatient, ni médisant, ni en colère. Parce qu’il était soutenu par la prière.
Je n’ai pas le souvenir que Pierre ait eu des talents de cultivateur, ni de jardinier pour faire pousser des grains de blé ; mais il avait des talents de bricoleur: sa propre mère disait qu’il est né avec un tournevis dans la poche ! C’est sans doute vrai. C’était un ingénieur, et un scientifique qui savait s’émerveiller des beautés de la Création. Il vous a sans doute parlé de son admiration pour l’arc-en-ciel ? Signe de l’Alliance que Dieu a faite avec les hommes, comme nous l’a rappelé le texte de la Genèse que nous avons entendu. Non pas une alliance « donnant-donnant », un marché conclu sous conditions avec quelques hommes méritants, mais une promesse venant de Dieu pour tous, et pour toujours. Dieu veut que tous les hommes partagent sa vie : notre vie est « divinisable », et l’arc de lumière et de couleurs, qui relie la terre au ciel, en est le signe, nous disait Pierre.
J’avoue que je n’ai pas tout compris de sa démonstration d’optique géométrique sur la diffraction de la lumière solaire par les gouttes d’eau en suspension dans le ciel, qui produit une portion d’ellipse de 7 couleurs… Non, mais j’ai retenu cette vérité profonde que Pierre partageait : l’image fugitive des rayons du soleil qui se forme sur la rétine de l’œil est visible par chacun de nous, aucun homme sur la terre n’est exclu de cette vision, et chaque observateur, chaque homme, reçoit son image particulière, un arc-en-ciel unique, une alliance personnelle.
Pierre y reconnaissait une signification spirituelle, un « clin d’œil de Dieu à chaque homme de sa Création » pour reprendre ses termes.
Aujourd’hui, Pierre rejoint la lumière de Dieu.         Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.
Pierre a donné beaucoup de joie et d’amour autour de lui pendant sa vie sur terre avec Thérèse. Ils sont maintenant réunis dans la vie de Dieu… à quelques jours de la Saint-Valentin : ça va être la fête !
Tout ce qu’ils ont semé a déjà produit beaucoup de fruit. Et le grain de blé qui va être mis en terre continuera de produire l’épi, et l’épi produira encore beaucoup de grain après lui: 30 pour un, 100 pour un, à l’infini…

Aujourd’hui, Pierre est le petit grain de blé semé en terre qui rejoint le grand Ciel de Dieu.
Il ne nous quitte pas : il est avec nous pour l’éternité, autrement.

Dans l’Evangile de dimanche dernier, Jésus disait à Simon-Pierre : « Avance au large ! (…) Désormais, ce sont des hommes que tu prendras ». Je crois que, mystérieusement, Pierre continue de nous aimer et de veiller sur nous, dans la communion des saints.
Parce qu’il a vécu dans l’esprit des Béatitudes de l’Evangile que nous entendrons à la messe, ce dimanche :

Heureux êtes-vous, vous qui vous faites proches des pauvres, car le royaume de Dieu est à eux, Heureux êtes-vous, vous qui partagez avec ceux qui ont faim car vous serez rassasiés d’amitié, Heureux êtes-vous, vous qui consolez ceux qui pleurent, car vous savez aussi rire avec eux.

 Réjouissez-vous, tressaillez de joie, car votre récompense est grande dans le ciel.

Amen !