Année C
Sommaire année C
retour vers l'accueil
Vencredi Saint
méditation sur la croix



     La voici la croix, debout, dressée au cœur de nos chapelles et de nos églises. La voici, celle qui porta le corps du fils de l’homme, accrochée sur nos poitrines, élevée le long de nos routes, arborée fièrement sur le toit de nos églises, de nos cathédrales. Le voici le bois qui reçoit le dernier cri de cet homme, ce fils, ce frère, qui choisit librement le chemin de la mort imposé par ceux qui pensaient le faire taire à tout jamais. Mais il continue à crier l’injustice, la souffrance, la douleur du monde face à l’indicible de la mort, face à l’indicible du martyre et même de la vie de souffrances des femmes et des hommes d’aujourd’hui.
Oui, voici une croix, signe de supplice et de sacrifice. Souillée puis sauvée par le sang et la chair du fils du charpentier venu ouvrir une nouvelle alliance de paix et d’amour, une croix a porté le corps du Christ. Depuis les temps immémoriaux, elle est signe de puissance aveugle, de violence rageuse outil docile du mal absolu. On  aurait pu la croire dépassée, détruite par le geste du fils de dieu mais il n’en est rien !
Cachée derrière des mots, des grilles, des murs, des barbelés ou des armes elle est toujours présentes et laisse officier aujourd’hui encore les bourreaux. Dans tous les lieux de combats mais plus près encore, dans le silence des hôpitaux, des prisons, au sein des couples désunis et violents, dans les campements sauvages de migrants, dans l’errance des exilés. La dignité bafouée, l’amour nié, la compassion repoussée font naître le cri de l’humain. Là où la barbarie est habitude, là où l’exclusion et le rejet sont la règle, là où la vie comme la mort n’ont même plus de prix, elle s’impose et arrache le cri des hommes. Sans cesse elle se dresse nous rappelant les souffrances, des douleurs, l’ignominie et la fragilité… L’infini fragilité de chaque enfant, chaque femme chaque homme voués à la porter, à en être la victime… Hurlant leur peur, le mal, la mort.
La croix et la mort, elles qui entraînent Jésus aux enfers, au fond des ténèbres de chaque homme, là où il vient nous chercher, sont aussi pour chacun un passage, présage de celui de Pâques. Oui ! Il nous faut faire ce chemin. Aller au-delà de notre âme, là où les ténèbres n’ont pas encore été vaincues par la lumière du Christ. Là où nos péchés, l’absurdité et le manteau de nos fautes, nos actes et nos pensées mortifères nous entraînent vers un abîme de désespérance … Alors, en pleine conscience et en pleine confiance en la main que le Christ nous tend, nous l’agrippons. Rassurés, nous lui demandons  devenir illuminer et guérir nos blessures, nous déchirures, nos manquements et nos abandons. Nous le prions de nous aider par la force de son esprit et l’humilité de son amour à choisir le chemin de guérison, de nous entraîner sur le chemin du pardon. Pour, à terme, rendre grâce et vivre pleinement de l’amour pour notre Père, pour ce frère aîné avec tous nos frères en humanité.
Mais, si la croix est instrument de passage, descente en nos lieux mortifères, elle est aussi élévation ! Sur sa croix, le Christ, est élevé de terre, lui la tête de son église relève avec lui, tous ceux qui acceptent de se savoir fille, fils, enfant incomplet, imparfait, déchiré par sa noirceur, affligé et pauvre de cette incarnation incomplète.
Dans le brouhaha de ce monde, en ce jour où la parole de vérité s’est tue, s’est éteinte, nous ne pouvons que contempler cet hommes, ce fils, réduit au silence qui par le don de sa vie offerte gratuitement par amour pour nous. Une offrande qui, si nous la reconnaissons et l’acceptons, nous transforme et nous sauve. Il nous donne part à sa vie. Il nous envoie, à notre tour, offrir cet amour et tout ce qui est amour dans nos vies… oui Seigneur, que serait ta croix sans ta confiance et l’amour de ton Père ?


PatrickDOUEZ, diacre permanent
vendredi saint, le 19 avril 2019


Sommaire année C
retour vers l'accueil