Dimanche de Pâques – ABC
Pâques !
Nous
voici donc au terme de ce carême. Les quarante jours sont écoulés.
Comme les quarante jours de Jésus au désert, qui se préparait à
commencer sa vie publique ; comme les quarante ans d’errance du
peuple Hébreux dans le désert, peuple qui prenait corps petit à petit
au cours de ces quarante années, avant de s’installer en Terre
Promise ; comme les quarante semaines nécessaires à une femme pour
préparer la venue au monde de son enfant… Que ce soit quarante jours,
quarante semaines ou quarante ans, il s’agit toujours du temps
nécessaire à une maturation.
Le tombeau s’est vidé, comme si la
terre accouchait au terme d’une longue gestation, laissant sortir celui
qu’elle détenait, celui qui était mort, crucifié, tué par la haine des
hommes et ressuscité par l’amour. Accouchement à une vie nouvelle,
naissance du premier-né d’entre les morts. Et qui est le premier témoin
de cet accouchement ? comme toujours pour ce genre d’événement,
une femme. Sans doute une sage femme ! Marie, la
Magdaléenne. À elle, la pécheresse, il est donné d’être la
première à assister à la naissance de l’humanité. Marie Madeleine
représente si bien l’humanité, à la fois pécheresse et fidèle. Comme
elle, elle ne comprend pas tout de suite ce qui se passe. Elle ne
comprend pas, mais elle ne craint pas de témoigner de ce qu’elle a vu.
Elle transmet aux apôtres ce qu’elle vient de vivre, espérant peut-être
qu’ils auront, eux, une réponse à son angoisse : « on a
enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a
mis ». Pierre et Jean, les deux disciples dont il est question
dans ce texte, ne comprennent pas davantage. Pourtant, ils vont voir.
Pas forcément parce qu’ils ont confiance en ce que cette femme leur a
dit. C’est tellement incroyable. Peut-être se rendent-ils au tombeau
simplement pour la rassurer, ou pour se rassurer eux-mêmes. Elle a sans
doute mal vu, il fait encore sombre, nous dit l’évangile. En réalité,
que s’attendent-ils à trouver là-bas ? on ne le saura jamais,
mais en tout cas ils y vont en courant ! Arrivés sur place, que
voient-ils ? Comme Marie leur avait dit, la pierre a bien été
roulée, et le tombeau est vide. Ils pourraient penser, eux aussi, que
le corps a été enlevé. Mais non, c’est impossible : pourquoi ceux
qui l’auraient emporté auraient-ils pris le temps d’enlever le drap
dans lequel il était enveloppé ; de défaire le linge qui avait
recouvert la tête, cette pièce de tissu qui permet de maintenir fermée
la bouche du mort ; et surtout pourquoi auraient-ils pris autant
de soin pour remettre tous ces linges bien à leur place, comme si le
corps était toujours dedans ? Ce que voient Pierre et Jean, ce
n’est pas l’absence d’un cadavre, mais un linceul vide, affaissé, qui a
gardé la forme de celui qu’il contenait, comme s’il était passé à
travers !
Il vit et il crut. Comme si, d’un seul coup, les
disciples comprenaient enfin le sens de ce qu’ils ont vécu avec Jésus,
depuis son baptême jusqu’à sa mort et sa résurrection. Quel acte de
foi ! Comment croire une chose pareille ? aucun texte de
l’Ecriture, que les apôtres connaissent très bien, ne mentionne que le
Messie tant attendu doive ressusciter d’entre les morts ! Seul
Jésus le leur avait laissé entendre, par trois fois dans les évangiles,
mais eux ne comprenaient pas alors ce qu’il voulait dire.
De
cet acte de foi viendra le premier témoignage de la résurrection de
Jésus. Et c’est sur ce premier témoignage que la foi des apôtres va se
fonder, pour donner naissance à l’Eglise. Car il s’agit bien d’une
naissance ! Cette fête de Pâques que nous célébrons, c’est la fête
de la vie qui triomphe de la mort, c’est la naissance de l’humanité à
une vie nouvelle. Comme la vie de l’enfant qui vient au monde est
radicalement autre que sa vie dans le sein maternel. C’est la même vie,
mais elle est tout autre. Rien n’est plus comme avant. Nos ancêtres des
premiers siècles l’ont bien compris, et l’ont signifié en faisant
commencer le comptage des années – même s’ils ont commis une petite
erreur de calcul – à la date de cet événement extraordinaire :
Jésus est ressuscité ! il a vaincu la mort, entraînant avec lui
toute l’humanité, sauvée par Dieu comme il l’avait promis. Désormais,
il y a « avant Jésus-Christ » et « après
Jésus-Christ » ! l’événement est central. C’est le point
culminant de l’année liturgique, la plus importante fête chrétienne.
C’est pour cette raison que cette fête de Pâques est choisie pour
célébrer les baptêmes d’adultes, comme ce fut le cas hier soir lors de
la veillée pascale, pour trois mille adultes en France. Plus
particulièrement, dans notre paroisse, ce sont Gwenaëlle, Suzy, et
John, qui ont fait leur entrée dans le peuple des Chrétiens. Pour eux
aussi, c’est une naissance. Deux années de préparation, de gestation,
pour laisser mûrir en eux ce projet de Dieu.
Mais aussi pour
nous, pour chacun d’entre nous, chaque fête de Pâques devrait être une
naissance. Ce n’est pas une commémoration, comme on célèbre le 11
novembre ou le 14 juillet. Fêter Pâques, c’est se rappeler la
résurrection du Christ, mais pas comme un événement passé. Sa
résurrection, c’est notre résurrection. Elle nous montre que la vie est
plus forte que la mort, que l’amour est plus fort que la haine. Elle
nous ouvre un passage, elle nous indique une espérance. Cette espérance
nous est rappelée aujourd’hui par St Paul dans sa première lettre aux
Colossiens : « Vous êtes ressuscités avec le Christ.
Recherchez donc les réalités d’en haut. Quand paraîtra le Christ, votre
vie, alors, vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire ».
Frères
et sœurs, que cette fête de Pâques nous aide à vivre en ressuscités,
dans nos familles, nos activités, nos lieux de vie. Qu’elle nous
conforte pour une année encore, en faisant grandir encore un peu plus
notre foi, notre espérance et notre charité.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
12 avril 2009