Si je demande aux plus jeunes
parmi nous, aux enfants en particulier : qu’attendez-vous pour Noël ?
Certainement, la réponse spontanée sera : « des cadeaux ! ». Si je pose
la même question aux plus grands, aux adultes, aux parents … la réponse
sera sans doute « vivre un moment de paix, en famille ». Encore que,
recevoir des petits cadeaux à tout âge, c’est bien agréable !
Mais si vous êtes venus ce soir à
la messe de Noël, c’est peut-être que vous avez, dans votre for
interne, une réponse complémentaire. Je ne dis surtout pas une autre
réponse qui remplacerait les cadeaux ou la rencontre en famille. On
reproche souvent au temps de Noël la frénésie commerciale, l’agitation,
les déplacements géographiques... Toute activité humaine, aussi noble
soit-elle, comporte ses excès. Mais dans l’offrande d’un cadeau, dans
les déplacements pour se rencontrer, s’exprime quelque chose d’un
partage, d’une quête de joie, d’un désir de faire plaisir, de
manifester notre présence aimante les uns aux autres. Si l’on reste
dans la modération, il n’y a pas d’opposition fondamentale entre toutes
ces réponses. C’est pourquoi Noël est la fête des dons, à la suite de
Dieu qui s’est donné Lui-même aux hommes en la personne de
Jésus-Christ, dont nous fêtons la naissance en cette nuit.
Oui, vous êtes venus dans cette
église pour vivre et partager un temps de paix, un temps pour «
relâcher » un peu, revenir à un essentiel pas toujours facile à
trouver, ou même à exprimer, en fonction de ce que vivez en ce moment.
Dans la foi chrétienne, vous êtes aussi venus, ce soir, pour rencontrer
celui dont nous célébrons la venue au monde, Jésus de Nazareth, et que
le prophète Isaïe évoque plusieurs siècles avant sa naissance :
quelqu’un qui fait « lever une grande lumière sur les habitants du pays
de l’ombre, là où les bottes frappent le sol, où les manteaux sont
couverts de sang ».
Dieu nous rencontre en prenant la
condition d’homme. C’est un événement essentiel dans l’histoire de
l’univers, dans l’histoire de notre humanité. Dieu a pris cette
condition humaine bien humblement, dans le réel de son temps. Il y a
d’abord ce recensement de la population, bien daté, qui imposera aux
parents de Jésus de se déplacer à l’approche de la naissance, dans des
conditions précaires où, déjà à cette époque, les urgences étaient
saturées : « pas de place pour eux dans la salle commune », nous
rapporte St Luc. Dans cette page d’évangile, on voit Marie et Joseph
accaparés, comme nous bien souvent, par les taches matérielles
nécessaires lors d’un événement important. Et ce sont des bergers qui,
non pas au temple ni à la synagogue, mais au cœur de leur activité
professionnelle, sont interpellés par l’Esprit Saint. Ils vivent alors
ce qu’on appelle une théophanie, une manifestation de Dieu qui leur
révèle qui vient de naître, en les invitant à lui rendre visite. Dans
la simplicité de leur condition, ils perçoivent l’importance de
l’événement, pour eux et pour le monde à venir : la naissance d’un
sauveur, Jésus-Christ.
Mais qu’est-ce que signifie « un
sauveur nous est né » ? En quoi cette parole nous concerne-t-elle
encore aujourd’hui ? Ici se situe le cœur de la foi chrétienne. Il ne
peut pas y avoir de preuve plus directe de l’existence de Dieu, de son
être même qui n’est qu’amour, que sa manifestation humaine dans les
paroles et les actes de Jésus. Un sauveur nous est né : avec les yeux
de la foi, le sauveur est celui qui nous dit que notre vie a un sens,
qu’elle ne part pas du néant pour finir au néant. Le sauveur, nous dit
encore l’Écriture, c’est celui qui juge avec justice, c’est-à-dire qui
révèle en vérité si nous sommes ajustés ou pas à l’invitation de Dieu
de mettre nos pas dans les siens. Le sauveur, c’est celui qui nous
invite à faire le bien, comme dit St Paul à son disciple Tite. C’est
aussi celui qui nous ouvre le chemin pour accéder un jour dans une
autre dimension de la Vie, où l’espace, le temps, la souffrance et les
larmes n’existent plus, où seul l’amour rayonnera, telle une énergie
infinie.
Ce n’est pas rien, une telle
annonce. Elle vous est destinée, à chacune et chacun d’entre vous, ce
soir. Car le Christ nous le déclare : chacune de vos vies a du prix
pour Dieu, des vies dont l’essence même est d’aimer et d’être aimé, et
cela quel que soit votre chemin.
Aujourd’hui, dans notre monde,
nous avons besoin d’entendre ce message de Noël, de le recevoir, de le
communiquer pour témoigner de sa profondeur inscrite en chacun de nous.
Le message de Noël résiste aux violences et aux effondrements. La
naissance de Jésus est signe que notre vie et notre foi sont une source
permanente d’espérance pour le monde.
A cette occasion, comme les
bergers, nous sommes invités à rendre gloire à Dieu. Comprenons bien le
sens du mot « gloire » dans la Bible. Il ne s’agit pas de la gloire au
sens du monde, pour rechercher la première place ou les honneurs. Dieu
n’a que faire des honneurs et de la première place, lui qui a dit par
la bouche de Jésus : je ne suis pas venu pour être servi, mais pour
servir. L’origine hébraïque du mot « gloire » est KHAVAD, qui signifie
le poids, la valeur. Rendre gloire à Dieu, c’est reconnaître que Dieu a
de la valeur, du poids, pour nous, lui qui a créé le monde et qui
attire l’univers entier à Lui.
Mais Noël ne se limite pas à
célébrer l’anniversaire de la naissance deux fois millénaires d’un
sauveur, qui nous ferait oublier seulement un temps les difficultés et
les souffrances de la vie. Dans la foi chrétienne, celui dont nous
célébrons ce soir la naissance est passé par la condition humaine. Il a
connu la mort, et il est ressuscité des morts. Il est vivant, tout
autant parmi nous qu’auprès de Dieu. C’est lui qui est à l’origine de
cette force de vie qui nous anime, qui nous relève quand nous sommes
anéantis étonnés alors d’avoir en nous cette force de remonter la
pente. Ainsi, après avoir célébré la naissance du Seigneur en
l’écoutant dans sa Parole, portons dans une prière commune de Noël des
intentions fortes, et accueillons le mystère du pain et du vin
consacrés, l’eucharistie, au cours de laquelle Jésus-Christ se rend
présent.
L’eucharistie n’est pas un
évènement extérieur à nous-mêmes. Au cours de la messe, nous vivons par
anticipation un moment d’éternité, avec le Seigneur réellement présent
ici et maintenant, et nous célébrons avec Lui notre union intime avec
Dieu, une union qui a déjà commencé et que rien ni personne ne pourra
vous enlever.
Christophe DONNET, diacre permanent
24 décembre 2017
Paroisse St Benoît – Diocèse de St-Etienne