Ce passage suit immédiatement, dans l’évangile de Marc, celui de la
multiplication des pains que nous avons entendu hier. Jésus vient de
nourrir une grande foule, et que fait-il ensuite ? Il part aussitôt sur
la montagne pour prier. Ce genre de précision, qui fourmillent dans les
évangiles, passent souvent inaperçus, comme s’il s’agissait de simples
transitions d’un épisode à l’autre : on se rappelle que Jésus a
multiplié les pains, et qu’il a marché sur l’eau, mais entre les deux
?... Oui, Jésus prie, et il prie
souvent. Après avoir donné un signe important, après avoir guéri un
malade ou après avoir prononcé un long enseignement. Après... et avant
! En fait, quand Jésus n’est pas dans l’action auprès des gens, il est
dans la prière auprès de son Père. Sa vie est un
exemple pour chacun de nous, avec cet équilibre entre la dimension
horizontale – le lien fraternel avec les hommes – et la dimension
verticale – le lien filial avec Dieu son Père. C’est cette
connexion permanente à son Père qui lui permet d’agir. On le voit
encore dans cet épisode d’aujourd’hui, c’est lui qui prend l’initiative
de porter secours aux disciples qui n’arrivent pas à avancer dans leur
barque. Ils n’ont pas appelé au secours, trop occupés qu’ils étaient à
ramer. Et puis, Jésus est loin, inutile de l’appeler. Et pourtant... Quand nous aussi, dans notre
galère, nous avons l’impression de ramer, nous sommes souvent comme les
disciples. Préoccupés de nous en sortir par nos propres forces,
complètement investis dans l’action, dans l’urgence, la tête dans le
guidon, nous n’imaginons même pas que Dieu puisse intervenir et nous
tirer de là. Mais il vient quand-même, nous pouvons en être certains !
Oh, bien sûr, nous avons du mal à le reconnaître, nous sommes
incrédules. Son intervention est tellement inattendue ! C’est sans
doute un fantôme ! ça ne peut pas être lui ! Comment Dieu pourrait-il
s’intéresser à mes problèmes ? Il a sans doute bien plus urgent à faire
que de s’occuper de moi. Car Jésus nous
montre que Dieu n’est pas ce dieu lointain, qui gère le monde en
général et personne en particulier. Cette fausse image de Dieu, on la
trouve chez beaucoup, beaucoup de nos contemporains, qui sont souvent
prêts à accuser Dieu de tous les malheurs du monde, mais qui ne savent
pas le voir agissant dans leur quotidien. Dans ce passage d’Évangile,
Jésus nous donne une fois de plus, au contraire, l’image d’un Dieu
personnel, ainsi qu’Abraham l’avait expérimenté, et que Moïse
redécouvrira, bien plus tard : « je suis le Dieu d’Abraham, Dieu
d’Isaac, Dieu de Jacob ». Ce Dieu
personnel, il nous accompagne, il nous parle : « Confiance, c’est moi,
n’ayez pas peur ! » Et ce n’est pas du haut de ses nuages qu’il nous
parle, mais il monte dans la barque, avec nous ! « et alors le vent
tomba »...
Ô Seigneur, notre cœur à nous aussi est si souvent
aveuglé, comme les disciples sur le lac. Aide-nous à te voir, à te
reconnaître présent jusqu’au cœur de nos épreuves. Apprends-nous à te
faire confiance, dans notre barque battue par les vents contraires, et
que nous n’arrivons pas à manœuvrer par nos propres forces. Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent Commentaire radiophonique enregistré pour Fidélité, Nantes.