Jn 9, 1-41Carême
4ème semaineDimanche 3 avril 2011 Année ADès
le début du récit, Jésus donne de suite le ton en parlant à ses
disciples : “ Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du
monde. ” (Jn 9, 5). Le prologue de l’Évangile selon saint Jean
l’affirme également (Jn 1, 9). Jésus met l’accent sur la manifestation
de l’action de Dieu et nous dit qu’il faut réaliser cette action avant
que les ténèbres du péché n’assombrissent le monde. Concrètement,
qu’elle est cette action ou cette œuvre de Dieu notre Père ? “ L’œuvre
de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. ” (Jn 6, 29).
Pour croire, il faut voir et c’est dans ce contexte que Jésus prend
l’initiative de guérir l’aveugle-né en effectuant un geste créateur :
il prend de la terre qu’il mélange avec sa propre salive à l’image de
Dieu dans le livre de la Genèse qui pétrit du sol l’homme (Gn 2, 7)
puis il l’applique sur les yeux de l’aveugle et lui demande d’aller se
laver à la piscine de Siloé. Voici qu’apparaît le signe du baptême, ce
premier sacrement de l’initiation chrétienne qui vient nous arracher de
l’aveuglement des péchés pour nous conduire vers la lumière du
Seigneur. L’aveugle exécute l’action demandée avec confiance, c’est en
quelque sorte une réponse à l’appel du Seigneur. Au verset 9 son
affirmation “ C’est bien moi ” démontre bien son cheminement vers la
foi. Notons ici que Siloé était le nom d’une source située près de
Jérusalem devenue ensuite une fontaine sous le règne du roi Ézéchias
(Siloé vient de l’hébreu Shiloach signifiant envoyé).
Aussitôt la guérison effective, le voisinage de l’aveugle s’intrigue et
se pose des questions : “ Est-ce bien lui qui a été guéri ? Par qui
l’a-t-il été ? ” (Jn 9, 8-12). L’agitation générée par l’événement
intrigue également les pharisiens qui vont être à l’origine d’une
polémique concernant Jésus (les pharisiens appartiennent à un mouvement
spirituel juif particulièrement strict sur l’observance de la loi de
Moïse et dont Jésus reproche le formalisme et l’hypocrisie).
Un interrogatoire ferme s’engage entre les pharisiens et l’aveugle puis
avec ses parents qui au passage ne s’engagent pas dans une réponse par
peur des Juifs (Jn 9, 18-23). Beaucoup de subtilités pourraient être
analysées et commentées tout au long de cette péricope, mais il y en a
une qui constitue la trame spirituelle essentielle de ce récit : c’est
la progression de l’aveugle vers la foi en Dieu. Cela s’ébauche déjà au
verset 9 lorsqu’il affirme “ C’est bien moi ”. Nous devons comprendre “
c’est bien moi ” qui ai répondu à l’appel du Seigneur – que j’ignore
encore – car il y a en moi un souhait d’en savoir plus. En fin du
verset 17 l’aveugle guéri dit “ C’est un prophète ”, il reconnaît donc
ici le caractère mystérieux de “ l’homme qu’on appelle Jésus … ” (Jn 9,
11). Un degré supplémentaire est franchi lorsque l’homme qui fut
aveugle pose une question osée aux pharisiens : “ Serait-ce que vous
aussi vous voulez devenir ses disciples ? ” (Jn 9, 27). En utilisant le
mot “ disciples ”, l’homme devenu voyant nous révèle le statut de Jésus
: c’est un Maître, une autorité détenant un pouvoir. Cette question
adressée ainsi aux pharisiens est celle de trop, elle est “ provocante
”. L’injure en est alors la conséquence. Mais l’ancien aveugle ne se
laisse pas abattre, la grâce de Jésus est manifestement en lui au vu de
la réponse qu’il fait aux juifs cantonnés à l’autorité de Moïse : “
Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et
pourtant il m’a ouvert les yeux. Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas
les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il
l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire qu’un homme ait ouvert
les yeux à un aveugle de naissance. Si cet homme-là ne venait pas de
Dieu, il ne pourrait rien faire. ” (Jn 9, 30-33). La sagesse s’est
emparée de cet homme qui a retrouvé la vue tandis que la colère, due à
l’ébranlement de leurs convictions, s’empare des juifs “ Tu es tout
entier plongé dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la
leçon ? ” (Jn 9, 34).
Pour reprendre le même mot, quelle leçon doit-on tirer ? Que tous ceux
qui voient (ou plutôt croient voir) plongent dans l’aveuglement de leur
convictions et que tous ceux qui croient plongent dans la gloire
lumineuse du Père. C’est ainsi que s’achève l’Évangile de ce dimanche
du verset 35 au verset 41. Saint Jean nous offre un magnifique condensé
de profession de foi (Jn 9, 38).
En cette quatrième semaine du Carême, poursuivons notre méditation avec
les paroles de frère Élie de la communauté Famille de Saint-Joseph : “
Nous avons été illuminés de cette lumière qui resplendit du visage du
Christ le jour de notre baptême. Elle nous a guéris de l’aveuglement de
notre péché. Elle nous a transformés à un tel point qu’à notre tour,
nous sommes devenus des êtres de lumière. N’est-ce pas ce que nous
rappelle saint Paul dans la deuxième lecture de ce jour : “ À présent,
vous êtes lumières dans le Seigneur ” (Ep 5, 8) ? Oui, en étant
baptisés dans le Christ, nous qui auparavant étions ténèbres, nous
sommes devenus lumière. Depuis ce jour béni, nous sommes donc des êtres
radicalement nouveaux.
Le baptême n’a donc rien d’un rite purement extérieur. “ Être lumière ”
ne signifie pas que le baptisé se trouverait dans la lumière comme
l’est quelqu’un qui est éclairé par une source extérieure à lui. “ Être
lumière ” renvoie bien davantage à une transformation profonde et
intérieure. Le baptisé illuminé de la présence de Dieu, est transfiguré
par cette lumière qui désormais rayonne à partir de son être personnel.
Il est une lampe qui désormais possède, grâce au Seigneur qui en est la
source, la force et le pouvoir de luire et d’éclairer lui-même.
Dire que les chrétiens, par leur baptême, sont devenus des “ enfants de
lumières ” (Ep 5, 8) est une autre manière de dire qu’ils sont devenus
“ enfants de Dieu ” (1 Jn 3, 1). Le véritable enfant de Dieu est un
enfant de lumière qui brille et fait resplendir la lumière du Père, du
Père qui se reflète sur le visage du Christ. Celui qui est rené de Dieu
pour la lumière ne peut faire autrement que de transmettre aux autres
cette lumière de la foi qui lui a été donnée. Conformément à la volonté
du Père, il porte ainsi un “ fruit de lumière ” (Ep 5, 9) et contribue
à chasser toutes ténèbres du monde.
Voilà, en ce Carême, une belle exhortation à ne pas laisser sans effet
la grâce reçue à notre baptême. Comme nous y invite saint Jean
Chrysostome, “ soyons lumière, comme les disciples l’ont appris de
celui qui est la grande Lumière : ‹ Vous êtes la lumière du monde ›.
Soyons des luminaires dans le monde en tenant haut la parole de vie,
c’est-à-dire en étant puissance de vie pour les autres. Partons à la
recherche de Dieu ; partons à la recherche de celui qui est la première
et la plus pure lumière ” (saint Jean Chrysostome, sermon sur le saint
baptême 25). ”
David-Marie GESTALDER, catéchumène.
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