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Saint Sacrement
du Corps et du Sang du Christ

       
Gn14, 18-20 ; Ps 109 ; 1 Co 11, 23-26 ; Lc 9, 11b-17

Dérisoire. Cinq pains et deux poissons pour nourrir cinq mille hommes… !

Les disciples ont dû se sentir bien démunis, quand Jésus leur a demandé, dans cet endroit désert, « donnez-leur vous-mêmes à manger ». Ils ont d’abord envisagé d’aller faire les courses. Mais le jour commençait déjà à baisser ; le temps d’aller et revenir, était-ce raisonnable ? De plus, ils auraient dû dépenser une fortune pour une telle quantité de personnes. Non, vraiment, ce n’était pas raisonnable. C’était même impossible. Devant une telle situation, il y aurait de quoi être découragé…

       Nous avons peut-être déjà vécu nous-mêmes une situation semblable. Une situation où nous avons des moyens que nous jugeons dérisoires – ici, 5 pains et 2 poissons – et Jésus nous demande quelque chose qui nous semble énorme, comme nourrir une foule. Notre réaction alors a peut-être été de nous dire : « Non, j’ai certainement mal entendu. Dieu ne peut pas me demander ça. Je dois rester rationnel, raisonnable. Dieu ne demande pas l’impossible ».

L’expérience montre, et la tradition de l’Église aussi, qu’en effet, Dieu ne demande jamais l’impossible. Ou plutôt, il demande des choses qui semblent impossibles mais qu’il rend lui-même possibles. À celui à qui il demande, il donne la capacité d’accomplir sa demande. « Pour l’homme, c’est impossible. Mais rien n’est impossible à Dieu » disait Jésus dans un autre passage d’évangile.

Cet épisode de la multiplication des pains en est une illustration. Mais on peut y trouver également bien d’autres enseignements :

En premier lieu, bien évidemment, cette miraculeuse profusion de nourriture est une façon symbolique pour Saint Luc de nous dire que Jésus est la vraie nourriture. C’est par Dieu que nous avons la vie, c’est lui qui nous rassasie et qui vient nous restaurer. Nous restaurer dans les deux sens du terme. Jésus est venu parmi nous, Dieu descendu du Ciel, pour se donner lui-même en nourriture. Et la nourriture qu’il nous donne, c’est son propre corps. Saint Jean sera encore plus explicite, puisqu’il fera dire à Jésus au chapitre 6 de son évangile : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »

 Le deuxième enseignement de cet épisode, c’est donc l’annonce du don de l’Eucharistie. Situé au milieu de l’évangile de Luc, ce passage nous rappelle que l’eucharistie est le cœur de notre relation à Dieu, le centre et donc le sommet de notre foi. C’est aussi ce que nous dit la deuxième lecture, qui raconte comment, lors de son dernier repas, Jésus, en partageant le pain et le vin, en utilisant les rites et les coutumes de son temps, vient revisiter et actualiser les gestes de la tradition pour en faire les signes de l’Alliance nouvelle entre Dieu et les hommes. Et cette alliance est scellée par le don de sa vie pour le salut de chacun d’entre-nous.

Un troisième enseignement, moins théologique ou en tout cas plus concret, c’est que Jésus ne veut rien faire sans notre collaboration. Il a fallu que les disciples apportent le peu qu’ils avaient – cinq pains et deux poissons – pour que Jésus puisse faire que tout le monde ait à manger. Ainsi, le pain et les poissons consommés par cette foule ne sont pas tombés du ciel, n’ont pas été créés à partir de rien. Ils sont le résultat de la multiplication de ce que les disciples ont pu apporter. Ce n’est donc pas une addition, mais bien une multiplication. Si les disciples n’avaient rien apporté, la multiplication par zéro n’aurait pas donné autre chose que zéro.  

À partir de ce dérisoire, cinq pains et deux poissons, Jésus a produit l’abondance. On peut même dire la surabondance, puisque même après que chacun ait été rassasié, on remplira douze paniers avec les restes. Ceci constitue un quatrième enseignement, qui nous apprend qu’avec Dieu, il n’y a pas de demi-mesure. La foule n’a pas été juste nourrie du minimum qu’il faut pour ne pas défaillir, pour tenir le coup, mais a été complètement rassasiée, au-delà du nécessaire. Ainsi, Saint Luc nous fait entrevoir que le Royaume de Dieu ne consiste pas en une petite collation prise sur le pouce, un coupe-faim, un pique-nique « tiré du sac », où chacun consomme ce qu’il a apporté, selon ses moyens. Le Royaume de Dieu est au contraire notre participation en tant qu’invités à un véritable festin, un banquet de noces !

Enfin, ce passage d’évangile nous enseigne que l’action de Dieu passe par notre obéissance et notre confiance. « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Jésus n’a pas dit : « attendez, vous allez voir, je vais leur trouver de quoi manger ». Jésus compte sur nous pour être les collaborateurs de son œuvre d’amour. Certes, les disciples ont d’abord contesté, ne comprenant pas son intention : « nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons. À moins peut-être d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple. » Mais Jésus insiste : « Faites-les asseoir par groupe de cinquante environ ». Et là, sans comprendre davantage, ils exécutent cet ordre. Ils obéissent aveuglément, parce que, bien qu’ils soient dépassés par les événements, ils ont une confiance absolue en leur maître. Et c’est justement parce qu’ils obéissent que le miracle peut s’accomplir. Parce qu’ils font confiance et qu’ils acceptent de laisser s’accomplir, par eux, l’action de Dieu. Ce ne sont pas les disciples qui opèrent le miracle, même si ce sont bien eux qui font asseoir les gens, et qui distribuent la nourriture. Ils se mettent au service de leurs frères et de leurs sœurs en se mettant au service de Jésus.

Vu de l’extérieur, on pourrait croire que ce sont les disciples qui ont réussi l’exploit de nourrir cette multitude. Les gens qui étaient présents dans cette grande foule n’ont sans doute pas vu autre chose que des disciples organisant la mise en rang et distribuant le pain et le poisson à tout le monde.

De même aujourd’hui, on pourrait croire en voyant agir les chrétiens dans ces multitudes d’associations où ils sont présents, dans les services d’Église, ou même quand ils agissent tout simplement, de manière individuelle, humblement dans leur quotidien, auprès de leurs proches ; on pourrait croire que ce sont eux qui opèrent tous ces bienfaits : le soin des malades et des nécessiteux, l’amélioration des conditions de vie, l’écoute et le service sous de multiples formes. Mais nous, nous savons bien qui en est le véritable acteur. Le chrétien, comme chacun des disciples de l’évangile, c’est celui qui sait qu’à travers tout ce qu’il peut faire de bien autour de lui, c’est Dieu lui-même qui est à l’œuvre. Ça fait toute la différence. Les œuvres caritatives ne sont qu’en apparence des œuvres humaines. Elles sont en réalité l’œuvre de Celui qui n’est que charité.

Voilà, frères et sœurs, de quoi alimenter notre méditation sur cet épisode si riche de la multiplication des pains. Que cette méditation nous permette de mieux comprendre qui est ce Dieu que nous célébrons, et qu’elle aide chacun de nous à mieux discerner en quel domaine notre Père céleste attend notre collaboration, pour que son règne vienne, que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel !

Amen !


Daniel BICHET, diacre permanent
Clisson et Maisdon-sur-Sèvre
19 juin 2022


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