5° dimanche de carême.
Is 43, 16-21 ; Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11
La pandémie du Covid, comme la
guerre en Ukraine, sont des périodes éprouvantes, difficiles à vivre
pour chacun de nous et pour l’humanité tout entière. Nous sommes dans
le même bateau, interdépendants dans le bonheur comme dans le malheur.
Le peuple hébreu a lui aussi subi deux grandes périodes de souffrance :
l’esclavage en Egypte et la déportation à Babylone sous le règne de
Nabuchodonosor. Ces tragédies ont toujours été présentes dans la
mémoire du peuple d’Israël. Les textes de ce jour y font référence,
mais ils nous invitent à ne pas rester sur ces évènements douloureux, à
nous tourner vers l’avenir, à regarder en avant : ne songez plus au
passé, « voici que je fais un monde nouveau, il germe déjà, ne le
voyez-vous pas ? » Et dans le psaume « Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie ». Oui, larmes et joies sont bien mêlées dans
notre vie, comme péché et pardon. Dans l’Espérance chrétienne, mort et
résurrection sont inséparablement liées. C’est ce que nous vivons et
célébrons en ces temps de carême et de Pâques. Dans cette période
tragique pour notre humanité, nous sommes invités à témoigner de notre
espérance, à travailler à l’avènement de ce monde nouveau, ensemble en
peuple de Dieu, avec tous les hommes de bonne volonté, et chacun
personnellement.
Travailler ensemble à un monde
nouveau. C’est ne pas rester indifférent, mais nous engager, sous une
forme ou sous une autre, dans la solidarité avec ceux et celles qui
sont en souffrance. Aujourd’hui, nous sommes témoins de cette
fraternité qui s’exprime par les dons de toutes sortes, les offres de
logements pour les familles fuyant l’Ukraine… Nous voyons aussi cette
prise de conscience que notre terre est en danger, du fait des guerres,
de l’exploitation sans frein des ressources du sol, de nos modes de
vie. L’encyclique « Laudato Si » nous invite à prendre soin de notre
maison commune. Cela nécessite de sortir de notre individualisme pour
bâtir la « paix sociale ». Pas de paix sans justice ; justice envers
les plus démunis chez nous et envers les peuples marginalisés que l’on
maintient dans la pauvreté, face à l’opulence des plus riches ; justice
envers les générations futures « puisque la terre que nous recevons
appartient aussi à ceux qui viendront » Laudato si 159. « Quel genre de
monde voulons nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui
grandissent ? » 160.
Au milieu de ces désastres que sont les guerres, le changement du
climat, la pollution, la raréfaction de l’eau, nous sommes invités à
bâtir un monde nouveau, où « l’amitié sociale » l’emporte sur les
haines, où les liens fraternels abattent les murs. C’est tout le sens
de l’action du CCFD-Terre solidaire (comité catholique contre la faim
et pour le développement), qui œuvre dans les pays défavorisés, avec
les acteurs de terrain pour que chacun vive avec le respect de ses
droits fondamentaux : accéder à l’eau, manger à sa faim, vivre de son
travail, habiter dans un environnement sain.
Travailler à un monde nouveau,
cela se vit aussi quotidiennement dans nos relations personnelles avec
les autres. Regardons cette scène étonnante : Jésus, assis, enseigne la
foule, mais il est interrompu brutalement par des scribes et pharisiens
qui lui amènent une femme surprise en situation d’adultère et qui lui
posent cette question : « Moïse nous a ordonné de lapider ces
femmes-là. Et toi que dis-tu ? Jésus est placé en situation de juge et
piégé par ses interlocuteurs. S’il approuve la lapidation, c’est en
contradiction avec sa prédication sur la miséricorde, s’il plaide pour
libérer cette femme, il désobéit à la loi ! Mais lui, ne rentre pas
dans cette logique accusatrice et légaliste quicondamne cette femme à
la lapidation. S’étant baissé, il se met à écrire sur le sol, en
silence, en situation d’infériorité et de vulnérabilité vis-à-vis de
ses interlocuteurs. Puis, comme ils persistent à l’interroger, Jésus
les interpelle avec cette phrase : « Celui d’entre vous qui est sans
péché qu’il soit le premier à lui jeter la pierre ». La situation se
renverse. Les scribes et les pharisiens se voulaient ‘juges’, ils sont
renvoyés à leur propre conscience. Ils se croyaient ‘justes’ ils se
perçoivent comme des hommes pécheurs. Ils partagent bien la même
humanité que la femme qu’ils voulaient lapider. Les voici à égalité
avec celle qu’ils rejetaient. Et vous savez qu’ils partirent « l’un
après l’autre en commençant par les plus âgés ». Jésus alors se
redresse, et se retrouve face à face avec cette femme. On peut imaginer
l’intensité des regards échangés entre Jésus et cette femme sauvée de
la lapidation. Comme le dit Saint Augustin, c’est la « rencontre de la
misère et de la miséricorde ». Jésus remet cette femme debout, en lui
disant : « Je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus ». Le
péché est condamné, mais la femme est sauvée, et Jésus l’appelle à une
vie nouvelle.
Le texte d’Isaïe, le psaume et
l’évangile nous invitent à l’espérance. Ne restons pas tournés vers le
passé, ou abattus par les épreuves présentes. Dans le contexte actuel
plein d’incertitudes, appuyons-nous sur Dieu, construisons un monde
fraternel et juste. En Eglise aussi, nous avons connu et connaissons
une période éprouvante. Le rapport de la CIASE sur la pédophilie dans
l’Eglise a été un choc. Nous avons honte de tous ces actes et nous
demandons pardon, car nous pouvons compter sur la miséricorde infinie
de Dieu. Pour nous reconstruire, l’Eglise toute entière et notre
communauté paroissiale, en particulier, s’est engagée dans cette
démarche synodale qui nous permet, aujourd’hui, de partager ensemble,
d’avancer et de bâtir une communauté chrétienne plus fraternelle,
rayonnante de la joie de l’évangile
Tournons-nous résolument vers
l’avenir : « Voici que je fais toute chose nouvelle : elle germe déjà,
ne le voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer un chemin dans le
désert, des fleuves dans les lieux arides ».
Yves Michonneau, diacre permanent
Le 3 avril 2022
Paroisse St Léger-Ste Bernadette d’Orvault