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4° dimanche de Carême
 
        Jos 5, 10-12 ; Ps 33 ; 2Co 5, 17-21 ; Lc 15, 1-3. 11-32

        Ce quatrième dimanche de carême marque pratiquement la moitié du parcours jusqu’à Pâques. Dans la tradition de l’Eglise, ce jour était un peu particulier, en ce sens qu’il était moins austère que les autres dimanches de carême : on autorisait le fleurissement de l’autel, on pouvait sonner les cloches, et on utilisait les ornements roses au lieu de violet, pour marquer une austérité moindre. Comme une pause qu’on s’accorde à la moitié d’un chemin difficile, pour reprendre souffle. Ou aussi, comme un basculement, une étape charnière entre deux époques.

           C’est sans doute pour cela que la liturgie d’aujourd’hui propose des textes qui évoquent chacun à leur manière ce moment de basculement.
La première lecture relate le moment clé, décisif, où la manne cesse d’être donnée aux hébreux, puisqu’ils peuvent désormais manger le produit de leur terre. Ils étaient errants, nomades, ils sont à présent sédentaires. Une vie nouvelle commence, un peuple s’établit sur une terre, la Promesse de Dieu se réalise.
St Paul à son tour, dans sa seconde lettre aux Corinthiens, décrit un autre changement radical : « le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né ». Mais de quoi parle-t-il ? Reprenons la phrase entière : « Si quelqu’un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle. le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né ». C’est l’appartenance au Christ qui provoque ce bouleversement, qui fait de nous une créature nouvelle. J’accueille Jésus, le Christ, dans ma vie, et c’est un monde nouveau qui s’ouvre à moi. Je laisse derrière moi le « monde ancien ». Je deviens une créature nouvelle. Rien n’est plus comme avant !

        Alors, que faut-il faire pour « appartenir au Christ » ? Saint Paul nous donne la réponse : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu ». La voilà, la clé. C’est ce changement de regard sur Dieu et sur nous-même, c’est cette réconciliation avec Lui, qui permet d’accéder à ce basculement de nos vies.
Pour illustrer cette réconciliation avec Dieu, pour éclairer notre regard sur ce Père plein d’amour, Jésus nous raconte cette histoire que nous connaissons bien, du père et ses deux fils. En fait, c’était pour éclairer le regard des pharisiens et des scribes qui récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Notre regard à nous aussi a besoin d’être éclairé, purifié. L’image que nous nous faisons de Dieu est parfois si loin de Sa réalité, de ce qu’Il est vraiment !

        Cette histoire que Jésus invente commence comme un conte ou comme une fable : « Un homme avait deux fils... ». Et comme une fable ou comme un conte, elle contient un sens caché, que l’on découvre par une lecture au second degré.
Nous avons là un des plus beaux récits de toute la Bible. Il nous présente Dieu sous les traits d’un père dont l’amour est inouï, hors normes, qui dépasse nos propres capacités humaines.

        Quant aux deux fils de la parabole, ils ont un rapport avec leur père que l’on peut qualifier, pour le moins, de mal ajusté :

        Le plus jeune, celui qui quittera la maison, veut utiliser les biens de son père pour sa propre indépendance, comme un droit : « Père, donne-moi la part d’héritage qui me revient ». Il considère donc son père sous l’angle du droit, et il croit qu’il ne pourra être vraiment libre qu’en quittant la maison. Beaucoup de nos contemporains (et nous n’en sommes pas exclus) sont un peu comme ce fils : ils quittent la maison du Père en quête perpétuelle d’une liberté individualiste. Aujourd’hui, et on peut le constater dans bien des domaines, le droit individuel a pris une dimension très importante, sans doute excessive, à tel point qu’il est en passe de supplanter le droit collectif, c’est-à-dire le bien commun. En réalité, ce jeune fils est dans l’illusion. Il prétend pouvoir subsister, en toute liberté, de manière autonome, en coupant toute relation avec son père, duquel il ne consent à recevoir qu’un héritage matériel.
Et l’histoire nous décrit les conséquences, pour ce fils, de cette volonté d’indépendance, de ce pseudo-droit à une liberté illusoire : il terminera isolé, affamé, déçu par la vie. Même son repentir n’en est pas un, ce n’est que le dernier moyen de survie qu’il envisage : retourner chez son père afin d’avoir à manger, mais en se plaçant dans une position de domestique, non de fils.

        Le fils aîné, lui, est resté chez son père. Pourtant, lui non-plus ne se situe pas comme un fils : « il y a tant d’années que je suis à ton service » Un fils n’est pas au service de son père ! « sans avoir jamais désobéi à tes ordres ». Ce fils aîné ne voit dans son père qu’un maître qui donne des ordres et auquel il doit obéir. Et il en attend une récompense : « jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis ». Remarquons au passage qu’il n’envisage pas de festoyer ensemble, avec son père ou sa famille, mais avec ses amis !

        Or, face à ces regards abîmés que portent sur lui ses deux fils, quelle est l’attitude du père ? Comme un père aimant, il restaure ses deux enfants dans leur dignité de fils. Parlant du plus jeune, qui prétend ne plus mériter d’être appelé son fils : « mon fils que voilà était mort, il est revenu à la vie » et s’adressant à l’aîné : « toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et ce qui est à moi est à toi ». Il rétablit aussi, pour chacun d’eux, la fraternité : à ce fils aîné qui s’indignait « ton fils que voilà... », il répond « ton frère que voilà... ». Et par-dessus tout cela, il y a, comme en toile de fond, le pardon. Le mot n’est jamais employé, mais il apparaît comme une évidence.

        Voilà comment Jésus nous révèle le vrai visage de son Père, qui est aussi notre Père, et qui fait de nous des frères. Jésus le redira d’une autre manière dans l’évangile de Jean : « Je ne vous appelle plus « serviteurs », je vous appelle « mes amis ». » Dieu n’est pas un maître qu’il faut servir docilement dans l’attente d’une récompense, comme le voyait le fils aîné. Dieu n’est pas non-plus ce maître duquel il faudrait s’affranchir en s’enfuyant, comme le voyait le plus jeune fils. Réajustons notre regard sur Dieu. La bonne image de Dieu qu’il nous faut garder est celle d’un père, plein de miséricorde et de compassion, plein d’amour pour chacun de ses enfants, pour chacun de nous, quelle que soit notre vie, nos errances, nos erreurs, nos insuffisances, nos incompréhensions, nos pauvretés. Où que nous soyons, il nous attend, les bras grand ouverts.

        Laissons-nous réconcilier avec Dieu ! Demeurons en Lui, et nous serons des créatures nouvelles.

        Amen !


Daniel BICHET, diacre permanent.
Maisdon sur Sèvre, Gorges et Monnières
9-10 mars 2013



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