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3° dimanche de Carème


Ex 3, 1-8a. 10. 13-15 ; Ps 102 ; 1Co 10, 1-6. 10-12 ; Lc 13, 1-9

   
        Lorsque nous ouvrons notre journal, nous connectons sur notre smartphone ou nous installons pour regarder le journal télévisé, nous sommes confrontés à un déferlement de violences de toutes natures : un attentat, la guerre en Syrie ou ailleurs, les enfants qui meurent de faim au Yémen, les migrants qui se noient en méditerranée, les violences liées aux « gilets jaunes », la pédophilie dans l’Eglise… et la liste est encore longue…
        Ces évènements tragiques, ces drames nous questionnent… jusqu’à peut-être nous faire douter de la présence de Dieu au cœur de notre monde ; avec des questions de ce type : qu’avons-nous pu faire au bon Dieu pour mériter cela ? ou, pourquoi Dieu ne peut-il pas empêcher cela ? Les temps présents et les textes de ce jour nous invitent à réfléchir sur la présence de Dieu au monde, et sa relation aux hommes ; et réciproquement sur la relation des hommes au monde et à Dieu.

        Notre monde est effectivement gangrené par la violence, l’injustice et le péché. Et Dieu n’est pas indifférent à ce qui se passe dans notre monde aujourd’hui : « J’ai vu la misère de mon peuple, dit-il à Moïse, oui, je connais ses souffrances ». Les misères et les servitudes sont aujourd’hui de tous ordres : par exemple,
-    Au niveau personnel : notre égoïsme, nos faiblesses, nos petites lâchetés… Chacun connait ses manques et ses péchés.
-    Au niveau social : l’évolution des mœurs génère bien des souffrances et des problèmes… Il suffit de voir les difficultés de nombreuses familles monoparentales.
L’évolution d’une économie débridée, qui ne connaît plus aucune règle éthique, avec les paradis fiscaux notamment. Quand 1% des plus riches contrôle 50% de la richesse mondiale… et que les écarts de revenus injustifiables, génèrent dans notre pays rancœur et frustration notamment pour ceux qui n’arrivent pas à boucler les fins de mois.
-    Dans notre Eglise même où les scandales de pédophilie génèrent des liens de servitude, au lieu d’espaces de liberté. Nous savons bien que l’Eglise est faite d’hommes pécheurs, mais c’est une grande souffrance pour nous chrétiens ici.
    Il y a bien des responsabilités personnelles et collectives dans tous ces désordres. Avec les réseaux sociaux, les « structures de péchés », selon le mot de Jean-Paul II, se sont renforcées ; celles qui font du bien également, et c’est heureux. Mais le combat contre les forces du mal est devenu plus difficile, plus insidieux et demande beaucoup d’énergie et de détermination.

        Mais que fait Dieu là-dedans ? où est-il ?
        Ces catastrophes seraient-elles donc une punition de Dieu ? « Pas du tout » dit Jésus, en commentant l’épisode des galiléens qui se sont fait massacrer par Pilate et la chute de la tour de Siloé qui a tué 18 personnes. Non, Dieu n’est pas à la source de nos malheurs. Non seulement, Il ne veut pas le malheur de l’homme, mais il est à ses côtés pour le libérer de ses entraves, de ses liens de servitude. « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple…, j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens. » Ce Dieu très saint, que Moïse ne peut approcher ni regarder, se révèle en même temps très proche de son peuple. Il y a une différence ontologique fondamentale entre « Celui qui Est, qui était et qui vient » et sa créature, l’homme éphémère qui passe sur cette terre. Quel paradoxe et quel mystère ! Ce Dieu proche de l’homme, ce Dieu qui « pardonne toutes les offenses, …fait œuvre de justice, défend le droit des opprimés… » ; ce Dieu, qui s’est révélé en Jésus, prend sur Lui la souffrance des hommes jusqu’au supplice de la croix. En ces temps troublés, Dieu n’est pas ailleurs, surplombant notre monde. Il est, ici et maintenant présent au cœur de la vie des hommes. C’est la spécificité de la foi chrétienne, et du mystère de l’incarnation : Dieu partage notre vie et la vie de l’humanité dans son ensemble, aussi bien dans ses joies que dans ses malheurs…

        Ecoutons ce que Dieu dit à Moïse : « maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : Tu feras sortir d’Egypte mon peuple ». Rien ne sert de se lamenter sur la situation du peuple en exil. Dieu s’appuie sur Moïse pour réagir à l’injustice de l’esclavage et libérer son peuple. Dieu a besoin des hommes et les envoie en mission.  Dans notre monde miné par les guerres et les injustices, nous sommes, comme Moïse, envoyés pour combattre toutes les formes d’esclavages et pour construire un monde de justice et de paix. L’Evangile de ce jour nous enseigne l’urgence à reconsidérer nos modes de vie : « si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous… ». Alors que notre terre est en péril, il y a nécessité de revoir nos comportements individuels et collectifs pour sauvegarder la maison commune, pour bâtir un avenir heureux. C’est tout le sens de l’encyclique « Laudato Si » du pape François. Je cite : « Il y a urgence à protéger l’homme de sa propre destruction » « (§78). « Si la crise écologique est la manifestation extérieure de la crise éthique, culturelle, spirituelle de la modernité, nous ne pouvons pas prétendre soigner notre relation à la nature et à l’environnement, sans assainir toutes les relations fondamentales de l’être humain. » (§119). La plus grande ressource à mettre en valeur, ce n’est pas l’argent, « c’est la ressource humaine : c’est là le véritable capital qu’il faut faire grandir » (§58, Caritas in veritate). En ce temps de carême, à la suite du Christ, libérons-nous de nos égoïsmes, retrouvons le sens de l’être et non pas de l’avoir, devenons des semeurs de justice et de paix. C’est un travail de longue haleine, mais ne nous désespérons pas.
S’il y a urgence à se convertir, à changer notre manière de vivre pour « plaire à Dieu », l’évangile du jour nous rappelle la longue patience de Dieu : Le vigneron revient auprès de son figuier qui n’a rien donné depuis 3 ans pour bêcher autour et y mettre du fumier afin qu’il donne du fruit dans l’avenir. Même si les fruits de notre vie spirituelle nous paraissent un peu maigres, laissons-nous travailler par le Seigneur pendant ce carême, laissons pénétrer sa Parole qui vient irriguer nos cœurs desséchés. Soyons disponibles en disant comme Moïse : « me voici », et Dieu nous accompagnera. 

Yves MICHONNEAU, diacre permanent
Paroisse St Léger-Ste Bernadette d’Orvault
24 mars 2019

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