Année C
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retour vers l'accueil2° dimanche de Carême
Gn 15, 5-12.17-18) ; Ps 26 (27), 1, 7-8, 9abcd, 13-14 ; Ph 3, 17 – 4, 1 ; Lc 9, 28b-36
Le psaume 26 que nous venons de chanter a été mis par écrit sans doute
au cinquième siècle avant Jésus-Christ. Et St Paul a écrit sa lettre
aux Philippiens quelques années seulement après la mort et la
résurrection de Jésus. Quant à la première lecture, celle du livre de
la Genèse, elle nous raconte un épisode qui se serait déroulé il y a
presque 4000 ans ! Tous ces écrits sont donc distants d’un bon nombre
de siècles, mais tous ont un sens qui converge vers un même but : ils
nous montrent comment Dieu se révèle à nous, comment il vient jusqu’à
nous, pour se révéler, se faire connaître et reconnaître, petit à
petit. Il vient à notre rencontre à travers nos propres rites, nos
propres habitudes, nos quotidiens. Et cela, à toutes les époques de
l’histoire humaine : hier, aujourd’hui, demain.
La première lecture nous raconte un étrange récit, celui d’un rituel
païen, le rituel de l’alliance dans l’antiquité, il y a environ 40
siècles. A bien y regarder, cette pratique nous paraîtrait choquante
aujourd’hui ! Ces animaux coupés en deux, étalés toute une journée sur
le sol, au soleil brûlant du Moyen-Orient…
Ce rituel d’alliance consistait pour les deux personnes concernées à
passer ensemble, pieds nus, entre les moitiés d’animaux, parmi le sang,
les mouches et les odeurs pestilentielles, pour signifier le sort qui
serait réservé à celui qui ne respecterait pas l’alliance ainsi
conclue. À cette époque très reculée, que les archéologues appellent
l’âge du bronze, les mœurs n’étaient pas exactement semblables à celles
d’aujourd’hui. Mais déjà Dieu s’est servi de ce que les hommes avaient
institué, comme ce rituel d’alliance, pour se révéler à eux. Il consent
à se plier aux pratiques humaines afin de se faire connaître. Il
accepte les règles du jeu que les hommes ont établies.
Dieu se révèle dans nos coutumes et nos traditions ; il nous rejoint là où nous sommes.
Mais remarquons qu’ici, c’est Dieu seul, symbolisé par le brasier
fumant et la torche enflammée, qui passe entre les animaux. Abram n’en
est que le témoin. C’est une alliance dissymétrique qui est proposée à
l’homme. Dieu n’exige pas de l’homme qu’il s’engage au même niveau que
lui. Ce constat atteste la distance entre Dieu et l’homme, bien
incapable d’accompagner Dieu dans cette démarche d’alliance. On voit
donc Dieu conclure une alliance avec l’homme, mais seul Dieu s’engage.
Habituellement, une alliance engage l’un et l’autre des partenaires.
Quand les mariés s’échangent leur anneau, leur alliance, ils s’engagent
mutuellement et tous les deux au même niveau, dans la même promesse.
Mais ici, Dieu, dans son infinie miséricorde, épargne à l’homme la
responsabilité de cet engagement. Il connaît la faiblesse humaine. La
fidélité de Dieu est éternelle, tandis que l’homme, on le sait, trahira
sans cesse l’alliance divine, à cause du péché.
Dieu se révèle dans notre faiblesse ; il nous offre sa miséricorde.
Un autre point commun à tous ces textes de la liturgie d’aujourd’hui,
c’est qu’ils nous racontent comment Dieu se révèle non-seulement de
manière spirituelle, à nos esprits, mais aussi de manière plus
concrète, à nos sens, en se rendant visible avec nos yeux de chair.
Les témoins présents dans ces récits ont eu le privilège de voir la gloire de Dieu. Sans cesser d’être en vie.
Dans le psaume 26 : « J’en suis sûr, je verrai la bonté du
Seigneur sur la terre des vivants ». A cette époque, personne
n’imaginait une résurrection des morts pour une vie éternelle. C’est
donc bien « sur la terre des vivants » que le psalmiste espère
contempler la gloire de Dieu. C’est une manière d’exprimer l’espérance
qui habite le croyant.
Et cette espérance prendra forme pour les trois disciples témoins visuels de la Transfiguration.
Dieu se révèle à travers nos yeux ; il nous montre sa gloire.
Pour autant, ce n’est pas la vue de Dieu qui donne la foi. Bien avant
cet épisode du feu qui passe au milieu des cadavres d’animaux, Dieu
avait parlé à Abram : « compte les étoiles si tu le peux, telle sera ta
descendance » Et sur cette parole, « Abram eut foi dans le Seigneur ».
La foi d’Abram s’appuie non-pas sur la vision de Dieu, mais sur sa
parole, sa promesse. C’est d’ailleurs la première apparition du mot foi
dans la Bible. Abram croit, il fait confiance aveuglément à ce Dieu
qu’il ne connait pas encore. Ce n’est qu’après être devenu croyant
qu’il reçoit la grâce de voir la gloire Dieu, sous la forme de ce
brasier fumant, cette torche enflammée, au cours du rite de l’alliance.
Dieu se révèle à travers nos oreilles ; il nous donne sa parole.
Dans l’Évangile, ce sont quelques disciples seulement qui sont choisis
pour « voir la gloire de Dieu » sur la montagne de la transfiguration.
Le Père autorise Pierre, Jacques et Jean à contempler sa Gloire en son
Fils Jésus qui devient lumière éblouissante, marque de la présence de
Dieu. Ces disciples entrevoient ainsi la nature divine de Jésus, vrai
Dieu et vrai homme, et ils commencent à comprendre qu’à sa suite, nous
sommes tous appelés à participer à cette nature divine. Mais pour
l’heure, il faut redescendre de la montagne et retourner à nos
quotidiens…
Ce qui fait dire à Saint Paul, dans sa lettre aux Philippiens : « notre
citoyenneté est dans les cieux ». Et cette réalité n’est pas facile à
vivre. Elle pointe les nombreuses tensions qui habitent les chrétiens :
Comme Jésus est à la fois vrai Dieu et vrai homme, le chrétien a bien
les pieds sur terre, mais la tête dans le ciel. Il est de ce monde,
mais pas « du monde ». Il sait que la vie éternelle est déjà commencée,
mais sa condition humaine l’empêche de la distinguer clairement. Le
chrétien balance entre le « déjà là » et le « pas encore » d’un Royaume
des cieux bien présent au milieu de nous, mais dont l’actualité n’est
pas encore advenue…
Dieu se révèle dans notre impatience ; il nous donne l’Espérance.
Malgré cette impatience, qui se concrétise dans ce long chemin de
carême, nous avons la chance de connaître le but : En se révélant tout
au long de l’histoire, Dieu nous révèle aussi à nous-même, et nous
savons où nous allons. C’est notre espérance. Puisque « notre
citoyenneté est dans les cieux », écoutons St Paul nous encourager à
continuer notre chemin vers Pâques, vers notre propre résurrection. «
Tenez bon dans le Seigneur, mes bien aimés ».
Amen.
Daniel BICHET, diacre permanent
Gétigné et Clisson,
13 mars 2022
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