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1° dimanche de Carême

Je discutais cette semaine avec une de mes relations professionnelles d’un sujet de grande actualité pour nous chrétiens, l’entrée dans ce temps du carême, souvent perçu, et présenté, comme un temps d’efforts, de sacrifice, et de privation. La question était, ce qui n’est pas original « de quoi vas-tu te priver pendant le carême ? » Et le corollaire à la question était, là aussi rien que de très banal « va-t-on réussir à tenir 40 jours » ? Je me suis dit, après cet échange, que cette manière d’envisager le carême était peut-être un peu…rude. Certes, durant ce temps qui nous mène vers Pâques, nous sommes invités à faire l’expérience d’un certain dépouillement, d’une sobriété accrue qui nous aide à nous recentrer sur l’essentiel, et d’un renoncement à ce qui nous encombre et peut nous éloigner d’une relation pleine et sincère avec notre Dieu.

L’Evangile de ce jour, ce fameux passage des 3 tentations du Christ au désert, peut d’ailleurs nous pousser à voir la barre assez haute. Imaginez…40 jours sans manger, et, à la fin, alors que l’estomac doit sérieusement pousser le cerveau à tout accepter, avoir la force de refuser le bon pain croustillant que propose le diable. Je ne sais pas vous, mais en ce qui me concerne, dans l’hypothèse où je serais capable de rester 40 jours sans manger, je serai sans doute prêt à renoncer à tout pour quelques miettes…Alors, pour le coup, n’étant pas Jésus le Messie qui veut, on se dit que tenir 40 jours sans céder aux innombrables tentations auxquelles nous pouvons être soumis, cela ne va pas être simple…

Mais en lisant attentivement ce passage d’Evangile, on se rend compte que, derrière les tentations auxquelles ne cède pas le Christ - et c’est normal que lui n’y cède pas, car, justement, c’est le Christ- il y également des invitations auxquelles il nous est proposé de répondre. En effet, à chaque tentative du diable pour faire trébucher Jésus, celui-ci oppose en réponse un passage de l’écriture pour montrer qu’il y a un autre chemin que celui dans lequel veut le faire tomber le malin : « Ordonne à cette pierre de devenir du pain » ? Réponse de Jésus : « L’homme ne vit pas seulement de pain ». « Si tu te prosternes devant moi tu auras tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes » ? « C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte ». Et la 3ème « Si tu es Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas », est encore plus vicieuse, car là, dans une tentative désespérée de faire céder le Christ, le diable a même recours à l’écriture. Mais, une fois encore, Jésus affirme qu’à la tentation, on peut répondre autrement : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ». Je crois que nous avons là une clé pour mieux comprendre la signification profonde du mot « carême ». Il s’agit moins de « se priver », que de « se préparer », moins de « renoncer », que de « croire ». Et moins de « résister » que de « se convertir ». Carême est un mot qui nous vient du latin « quadragesima (dies) » qui a pour signification « le 40ème jour avant ». Avant Pâques, bien entendu. Il fait directement référence à ce passage de l’Evangile des 40 jours de Jésus au désert, juste après son baptême, eux-mêmes faisant une sorte d’écho temporel aux 40 ans passés par le Peuple de Dieu dans le désert à sa sortie d’Egypte, tels que rappelés en 1ère lecture. Le carême, que nous associons classiquement à une période où il s’agit de faire « moins » est, peut être au fond, une invitation « à faire plus », ou, à tout le moins, « à faire autrement ».

Oui, le carême est un temps où chaque chrétien est appelé, par l’aumône, le jeûne et la prière, à réaligner les pas de sa vie à l’enseignement que nous a donné le Christ pour rejoindre et faire advenir le Royaume de Dieu. Et cette année, dans son message de carême publié juste avant son hospitalisation, notre Pape François, pour qui on prie particulièrement en ce moment, nous propose, je le cite « quelques réflexions sur ce que signifie marcher ensemble dans l’espérance, et découvrir les appels à la conversion que la miséricorde de Dieu adresse à tous, en tant qu’individus comme en tant que communautés ».

Notre pape nous rappelle tout d’abord que « marcher », on pourrait dire aussi « cheminer », « péleriner », est une attitude fondamentale pour celui qui veut suivre le Christ. Se laisser déplacer, oser ne pas rester immobile, « statique, dans sa zone de confort », comme l’écrit François. Marcher pour aller à la rencontre de l’autre, marcher pour s’avancer vers Dieu, marcher, pour être témoin d’une foi qui n’est pas tournée vers le passé et qui invite à faire bouger, plutôt qu’à défendre des traditions figées dans l’immobilisme et l’autocentrisme, ce qui au final, rime avec égoïsme.

Il ajoute « ensemble » à « marcher ». Marcher ensemble. Le pape écrit dans son message : « Marcher ensemble, être synodal, telle est la vocation de l’Église. Les chrétiens sont appelés à faire route ensemble, jamais comme des voyageurs solitaires ». On a coutume de dire qu’un chrétien isolé est un chrétien en danger. Ce texte d’évangile nous le montre, le diable vient tenter Jésus alors qu’il s’est isolé dans le désert. Le Christ, lui, arrive à résister, mais c’est le Christ. Mais nous, nous est il si facile de tenir bon dans notre foi sans les occasions de faire route ensemble, de célébrer ensemble, de nous retrouver, et de nourrir notre foi par la joie de partager ? Hier après midi, nous étions invités à nous retrouver pour écouter le témoignage de 3 paroissiennes, aumônières hospitalières à St Jacques (X). Nous avons vécu ensemble combien ces moments de témoignages, donnés et reçus, sont une force qui collectivement, nous aide à avancer, à assembler ces petites pierres qui bâtissent le Royaume.

Et François conclut son message par cette invitation : « Faisons ce chemin ensemble dans l’espérance d’une promesse. Que l’espérance qui ne déçoit pas, le message central du Jubilé, soit pour nous l’horizon du chemin de Carême vers la victoire de Pâques ». Car oui, l’Espérance est notre carburant à nous, chrétiens. L’Espérance, ce n’est pas un optimisme naïf, ce n’est pas la méthode Coué qui nous ferait penser, contre toute évidence que tout va bien. Nous avons vu, ces derniers jours, relayés par les médias des scènes hallucinantes, effrayantes mêmes, l’exemple de toutes ces tentations diaboliques qu’évoque l’Evangile du jour : l’appât illimité du gain, la soif de la domination, l’arrangement entre puissants au détriment du plus faible. Ce que nous voyons, qui abime si durement les principes qui fondent l’humanité est de nature à terrasser l’espoir. Mais, pensons à celles et ceux qui tiennent bon dans la maladie, l’adversité, sous les bombes. Pensons à notre Pape qui, au terme de sa vie, ne cesse de nous partager sa foi en l’espérance. Et regardons Jésus qui ne cède pas à la tentation, ni dans le désert, ni sur la Croix, de renoncer à ce pour quoi il est venu témoigner dans le monde. 

Mettons nos pas à sa suite sur ce chemin ; non pas un chemin de privation et de souffrance, mais un chemin de confiance, de foi et d’espérance. Un chemin de carême, un chemin vers Pâques. Un chemin vers la résurrection.

Amen.                                                                           

 

Olivier RABILLOUD, diacre permanent

Pont Saint-Martin

Le 9 mars 2025




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