Année C
Sommaire année C
retour vers l'accueil
4° dimanche de l'Avent



Ce passage que je viens de lire, que l’on appelle « la Visitation », nous raconte un événement qui nous semble parfois banal, tellement on le connaît par cœur. Il nous raconte la visite de Marie, qui vient d’apprendre qu’elle porte en elle le Messie, à sa vieille cousine Elisabeth, qui, elle aussi, attend un enfant. Elisabeth en est à son sixième mois, nous dit l’évangile dans les versets qui précèdent ce passage. Et pourquoi cette visite ? Il ne s’agit pas d’une simple visite de politesse. Marie vient passer quelques mois chez sa cousine pour se mettre à son service jusqu’aux jours où elle devra mettre au monde son enfant. Marie est enceinte elle aussi. Elle porte le Messie que tout le peuple juif attend, et c’est pourtant elle qui vient se mettre au service de sa cousine ! Elle se met donc en route, rapidement même, précise St Luc. Sans doute a-t-elle hâte d’annoncer cette grande nouvelle et de partager cette joie avec les membres de sa famille. Aussitôt arrivée, elle salue sa cousine, qui ressent alors en elle tressaillir l’enfant qu’elle porte. Le mot hébreux traduit par « tressaillir » est le même que celui utilisé dans la Bible quand le roi David « danse » devant l’arche de Dieu, signe de sa présence. On aurait donc pu traduire « l’enfant se mit à danser de joie en elle ». Jean, qu’on appellera plus tard Jean le Baptiste, fœtus de 6 mois, reconnaît donc la personne de Jésus, le Messie de Dieu, embryon âgé lui d’une à deux semaines à peine. Cet événement, la Visitation, n’est donc pas si banale que ça ! On n’est pas ici en face d’une simple visite, mais d’une double rencontre : celle des deux futures maman, et celle de leurs enfants in utero. La rencontre visible de Marie et d’Elisabeth révèle une rencontre invisible entre Jean-Baptiste et Jésus. Cet événement nous rappelle, à nous chrétiens, que l’enfant est une personne, dès le sein de sa mère. Personne capable de relation, de communication. Jean communique avec sa mère, puisqu’Elisabeth a ressenti ce tressaillement. Mais cette communication entre la mère et l’enfant, nous la connaissons bien, ce n’est pas  ici que se tient l’événement. Ce qui est éclairant, c’est que cet enfant, tout petit dans le sein de sa mère, est en communication aussi avec Dieu, qu’il est capable de reconnaître dans le sein de Marie. Même à l’état d’embryon. Il s’agit là d’une communication spirituelle, d’une relation forte, capable de produire des effets tangibles, comme la joie qu’exprime si intensément Elisabeth dans les paroles qu’elle emploie. Car Elisabeth aussi a reconnu « son Seigneur » dans l’enfant que porte Marie. Pourtant, Marie étant enceinte depuis quelques jours seulement, rien ne pouvait laisser Elisabeth deviner son état, d’autant plus qu’elle n’était pas encore mariée à Joseph. Marie n’a pas encore eu le temps de lui annoncer sa grossesse qu’Elisabeth « fut remplie de l’esprit Saint », nous dit l’évangéliste, et a aussitôt proclamé cette joie « d’une voix forte ».
Le peuple juif avait beau attendre cet événement depuis plusieurs dizaines de générations, l’événement reste pourtant inattendu. Et ce qui est beau dans ce passage, et riche d’enseignements pour nous, c’est la manière avec laquelle Elisabeth accueille cet inattendu de la part de Dieu simplement avec joie, avec jubilation même.
Vendredi, [hier, avant-hier] c’était le dernier jour de classe avant les vacances de Noël. La matinée commençait, au collège, avec la messe de l’avent. Environ deux cents enfants, leurs professeurs, leurs catéchistes, se trouvaient donc réunis dans le gymnase pour cette célébration. Dehors, nous ne pouvions pas le voir, mais la neige s’est mise à tomber abondamment pendant la messe, et elle a rapidement recouvert le sol gelé. A la fin de la célébration, la directrice a annoncé qu’en raison des intempéries et des problèmes de transport scolaire, les cours de l’après-midi étaient supprimés. Immense clameur dans le gymnase, vous pensez bien ! Applaudissements, cris de joie, pour accueillir cette nouvelle, cet inattendu. Même si l’arrivée de la neige, mi-décembre, n’est jamais vraiment une surprise, même si ça fait partie des événements possibles chaque hiver, même chez nous, où la neige se fait plutôt rare, même si chacun, au fond de soi – en tout cas, les enfants ! – espère qu’il neigera un jour, l’annonce de la nouvelle et de ses conséquences est toujours reçue comme une surprise, et comme un événement joyeux. Ce qui était attendu depuis longtemps est reçu comme un inattendu.
De même, ce Messie que tout le monde attend depuis des siècles, ce sauveur annoncé par tant de prophètes, comme Michée dans la première lecture d’aujourd’hui ; son arrivée n’aurait jamais dû être une surprise : depuis le temps qu’on l’attendait ! Et pourtant, Dieu est capable de faire de cet événement attendu un inattendu. Car ce qui arrive n’est jamais vraiment exactement comme on se l’imaginait. En effet, et on le verra dans la suite de cet évangile de Luc, mais aussi dans les trois autres évangiles, le messie tant attendu n’arrive pas de la manière la plus probable. On attendait un roi, un chef, qui ne pouvait certainement pas naître dans un milieu aussi modeste, et dans une telle discrétion. Trente ans de vie ordinaire, de vie cachée au sein d’une famille tout aussi ordinaire d’une modeste bourgade de Galilée. Puis ensuite, une vie publique pour le moins surprenante, avec un discours de Jésus si déroutant, qui parlera à ses disciples non pas de pouvoir politique, de domination, de libération de la Palestine, mais de service, d’humilité, de confiance en Dieu… Oui, Dieu se manifeste souvent dans l’inattendu. Et tout au long de l’histoire du peuple des croyants, ce sont les imprévus de Dieu qui ont permis aux hommes de mieux le comprendre, de s’approcher davantage du Mystère qu’il veut nous révéler.
Et nous aujourd’hui, quel accueil réservons-nous aux imprévus de Dieu ? Comme Elisabeth, savons-nous nous réjouir de la bonne nouvelle qui nous est annoncée ? Avons-nous un cœur assez ouvert, assez disponible, pour y recevoir avec la même jubilation l’événement de la venue de Dieu dans notre monde ? Ce temps de l’avent qui se termine bientôt nous a permis peut-être de nous arrêter un peu pour préparer notre cœur à fêter Celui qui vient. Alors, soyons attentifs, restons en éveil, attendons dans la confiance, attendons-nous à l’inattendu de Dieu.

Amen !


Daniel BICHET, diacre permanent.
Clisson et Gétigné, 19-20 décembre 2009


Sommaire année C
retour vers l'accueil