Frères
et sœurs,
Au
terme de l'année liturgique, l'évangile nous propose une scène extraite
de la Passion selon saint Luc : Jésus meurt en croix comme un
Roi au
pouvoir universel qui a accepté librement le plus cruel châtiment que
l'homme
ait pu imaginer. Pendant que ses os se disloquent sous son poids et que
se tend
sa chair meurtrie, le Christ-Roi remplit fidèlement, en toute lucidité,
la
mission de Sauveur qu’il a reçue de son Père.
Quelle
est donc cette Royauté ? Notre messie crucifié n'a rien de la
splendeur de Louis XIV, cependant, une inscription imposée par Pilate ne
fait
que souligner son titre de Roi. De même, le contraste entre lui et le
roi David
ne peut être plus marqué : alors que ce dernier a pris le pouvoir
politique et militaire sur tout le peuple, Jésus, seul, suspendu, meurt
avec
les pauvres, les pécheurs et les exclus !
En
vérité, le Christ est éternellement vainqueur, mais sa victoire
s'accomplit
par le don de sa propre vie. Vous aurez sans doute remarqué que le verbe
“sauver” revient quatre fois au cours du récit ; c'est là l'essence
même de
notre foi : le Christ a versé son sang, il est mort crucifié pour le
salut du
monde.
Or
justement F&S, rappelons-nous que la royauté du Christ, toute faite
d’offrande de soi, de service au plus pauvre, d’humilité, de douceur et
de
patience, nous y participons de par notre baptême au cours duquel nous
avons
reçu par l’onction, la triple mission de prêtre (pour vivre de la prière
et de
la Parole), de prophète (pour témoigner de la bonne nouvelle) et de roi
(à
l’image de la royauté du Christ). C’est bien dans cet esprit que le
Secours
Catholique Caritas France nous invite à célébrer la royauté du Christ
serviteur
à l’occasion de sa Journée Nationale, ce dimanche, dans la continuité de
la
Journée Mondiale du Pauvre instaurée par le Pape François il y a 6 ans.
Pour l’évoquer, je vous
partage tout
d’abord quelques constats majeurs issus du rapport annuel 2022 qui vient
d’être
publié et qui met en évidence à quel point les crises que nous
traversons
fragilisent les plus pauvres dans notre société :
·
Ils
ont été
fortement déstabilisés par la crise COVID et ses conséquences sociales :
isolement,
perte de revenu, difficulté d’accès à l’éducation, ils ont pris de plein
fouet
toutes les difficultés.
·
Aujourd’hui encore, victimes de la crise, les plus
pauvres ne connaissent aucun répit : augmentation des tarifs de
l’énergie,
montée de l’inflation… Si on ne leur vient pas en aide, notre société
sera
fracturée et va laisser beaucoup de monde au bord de la route.
·
Etre pauvre aujourd’hui en France, c’est être en
manque : en manque de lien social, en manque de droits et de protection,
en
manque d’interlocuteurs dans les services publics, en manque d’argent
aussi
bien entendu… C’est une mère de famille qui ne peut donner une
alimentation
aussi saine qu’elle le voudrait à ses enfants, c’est ne pas avoir un
toit
stable ou avoir un logement précaire, si précaire que vous en avez honte
et
n’invitez plus ni amis ni famille et que vous vous isolez petit à petit.
·
Les personnes que nous recevons au Secours Catholique
ont un revenu médian de 548 euros, c’est la moitié du seuil de pauvreté.
22%
d’entre elles n’ont pas de revenu du tout.
·
Les conditions de vies se durcissent pour tous.
Certaines personnes que nous recevons ont un travail à temps plein mais
il ne
leur permet plus de faire face aux dépenses courantes.
Face
à ces constats, je pense alors tout particulièrement au travail des
bénévoles du Secours Catholique (60 000 en F ; 1 500 sur le diocèse
44)
dont j’ai la joie de faire partie depuis un an que Mgr Percerou m’a
appelé
comme Aumônier diocésain. Et à ce titre, je veux vous partager ma
découverte et
mon émerveillement devant l’engagement de ces nombreuses personnes qui
donnent
de leur temps (aussi bref soit-il) et de leur énergie, humblement,
gratuitement,
avec passion, dans la joie et avec amour pour accueillir, écouter,
échanger,
accompagner, conseiller, former, jouer, rire, partager… je vous propose
de les
applaudir… et avec votre accord, je leur ferai part de votre soutien et
votre
merci.
… / …
En
Loire-Atlantique, à partir des situations constatées localement, le
projet du
SCCF s’exprime par une vision commune : « Osons
vivre
la rencontre et l’entraide pour agir ensemble » qui se décline en
trois
priorités :
1.
La capacité d’agir ensemble : c’est par exemple
le fait d’associer le plus largement les personnes accompagnées dans la
construction des projets et des activités, jusque dans la
gouvernance ;
c’est passer « du faire pour »,
au
« faire à partir de »
et
maintenant au « faire avec ».
2.
L’évolution de nos savoir-être, c’est par exemple
changer nos regards : « Le
peuple
restait là à regarder » précise St-Luc : n’avons-nous
pas parfois
tendance à nous sentir nous-mêmes impuissants ? L’Evangile
appelle à
deux attitudes : d’abord une clarification du regard (Il y a des
regards,
comme on dit, qui tuent !) puis à s’engager au dialogue. Toute
personne a
besoin d’entendre une parole pour commencer d’être guérie. Chacun peut
offrir
un sourire, un regard positif, une parole de bienveillance, un geste de
la main
qui valorise. Dans les situations les plus difficiles, le dialogue
fraternel
ouvre un espace de paradis, une communion, une espérance… Ecoutons
l’expression
d’une personne en précarité (Françoise / Patrick) :
«
L’Église dont je rêve »
3.
Le plaidoyer : c’est la volonté d’analyser et de
réfléchir en amont sur les causes de la précarité et d’interpeler les
décideurs
sur les leviers d’action et de prévention afin de ne pas œuvrer
éternellement
en secours. Le rapport statistique produit annuellement par le SCCF en
est un
exemple.
Oui,
F&S, tout ceci nous appelle à vivre en cohérence dans l’attention
aux plus pauvres avec nos manières d’agir ; plus grandira notre
fraternité, plus se développera la solidarité ! Alors, si vous faites
partie
des généreux donateurs ou envisagez de le devenir : soyez en
remerciés,
vous avez compris que la tendance de l’évolution des besoins n’est pas à
la
baisse ; et si vous vous sentez appelé à expérimenter un engagement
bénévole, je vous partage cette réflexion d’Alain (sorti de la
rue) :
« Si tu veux aider quelqu’un,
ne
commence pas par te demander ce que tu peux faire pour lui, mais ce
qu’il peut
faire pour toi et fais lui confiance ! »
Amen
Patrick JAVANAUD (avec la complicité de mes frères et de l’Esprit-Saint)
20 novembre 2022
Paroles
de
personnes en précarité : « L’Église dont je rêve »