Année C
Sommaire année C
retour vers l'accueil
8° dimanche du Temps Ordinaire

 
Frères et sœurs,

Jésus a l’habitude d’employer des images fortes pour frapper nos esprits, car il sait que nos cœurs sont souvent à la fois durs et distraits. Ce que le Seigneur nous dit au sujet de l’aveuglement qui nous guette est très important, car nous sommes tous appelés à être des disciples : le disciple est appelé à « voir » son maître, c’est-à-dire à laisser la grâce de la foi éclairer son esprit ; et il est appelé en même temps à transmettre cette lumière : s’il conduit seul sa vie en ignorant la source de la lumière, il deviendra un aveugle conduisant des aveugles et s’égarant avec eux.

Cette question de la clairvoyance spirituelle est capital dans l’enseignement de Jésus ; c’est ainsi qu’il dira à l’aveugle-né qu’il vient de guérir : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas … puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. ». Nous savons que le discernement appartient à l’action de l’Esprit-Saint en nous : lui seul peut nous libérer de cette sorte d’attrait des ténèbres qui reste caché en nous, comme une sorte de refus de la lumière. Nous en faisons tous l’expérience, frères et sœurs,  à chaque fois que, pour suivre nos désirs ou notre orgueil, nous mettons entre parenthèses la lumière de notre conscience. Tout péché est en fait le fruit d’un refus de voir, d’un regard qui se laisse détourner. Nous comprenons alors qu’une vraie tristesse s’ensuive, comme si nous avions conscience de nous éloigner de ce qui nous fait vivre.

Dans l’Évangile de ce jour, le Christ nous rappelle que nous risquons d’être disqualifiés, si nous ne mettons pas notre vie en accord avec l’Évangile. Il nous invite à changer notre regard sur les autres et sur nous-mêmes. Juger les autres, c’est de l’hypocrisie, c’est vouloir se mettre à la place de Dieu et nous sommes très mal placés pour le faire. Le jugement n’appartient qu’à Dieu seul, au nôtre, il manque la miséricorde.

Cet Évangile rejoint notre Église dans ce qu’elle vit actuellement. Comment ne pas faire le rapprochement ! L’Eglise a traversée des crises très graves, des hérésies, des abus, des contre-témoignages de toutes sortes. Aujourd’hui, on parle de scandales (et ils le sont) et l’Eglise mortifiée, corps du Christ, traverse une crise de désespoir et partage celles que traversent nos sociétés et notre monde. Nous souffrons donc, en communion avec nos frères les hommes de toutes sortes de maux qui touchent même des dinosaures de l’église catholique.

À cause d'eux, nos prêtres et les fidèles de façon générale, avons du mal à se sentir porteurs de bonnes nouvelles. Et vous savez mieux que moi les ravages que ces personnes causent : désespoir surtout des victimes d'abus sexuels ; humiliation des prêtres en général ; douleur des laïcs, sidérés que l'on ait pu ainsi trahir leur confiance. Tous les jours ou presque, malheureusement, on entend parler de pédophilie, d’homosexualité (ou plus exactement de lobby gay au sein du clergé), …, de trafic de drogues (aujourd’hui) … l’église est mise à l’index par les médias et cela fait très mal.

Et lorsqu’il s’agit d’enfants abusés, nous sommes touchés au cœur, profondément blessés moralement et physiquement devant de telles violences. Je cite à ce sujet, les propos d’une intervenante devant le pape, lors de la rencontre sur la protection des mineurs, qui vient de s’achever à Rome : « L’écoute de témoignages de victimes est loin d’être un exercice de commisération (de compassion). Au contraire, il s’agit d’une rencontre avec la chair du Christ, dans laquelle sont infligées des blessures non cicatrisées ».

Ça en effet, frères et sœurs, c’est une crise. Nous sommes assurément au tournant d’une civilisation ; voyez comment tant de choses craquent, bougent, se descellent d’elles-mêmes pour renaître parfois ailleurs, mais différentes, nouvelles. Toutes proportions gardées, cela fait penser à la fin de l’empire romain : les romains étaient arrivés à un degré d’intelligence, de savoir-faire, de modernité…, mais tout cela a peu à peu disparu avec l’apparition, souvent violente, de nouveaux peuples et de nouvelles aspirations. Ce qui frappe dans tout cela, c’est qu’au seuil de cette époque nouvelle, ce qui est engagé dans les affaires de l’Église actuelles, c’est sans nul doute sa purification et sa conversion. Comment peut-on lire quotidiennement dans la bible qu’aimer, ce n’est pas tant d’abord avec des paroles et des discours, qu’avec des actes et en vérité, et en même temps nier cela en vivant dans une totale hypocrisie, jusqu’au sommet de l’église ?

Je lisais récemment un article dans le journal de la Croix du Père dominicain Timothy Radcliffe, que je partage avec vous : « Ça, en effet, c'est une crise. Mais au moins n'est-elle pas aussi grave que la Cène ! Jésus s'assied autour de la table avec Judas, le traître, et Pierre, la pierre sur laquelle l'Église est bâtie et qui reniera trois fois le Christ. Il réunit ses disciples qui presque tous prendront leurs jambes à leur cou et déguerpiront. Voilà la crise qui a donné naissance à l'Église, la crise que nous célébrons tous les jours. Souvenez-vous : nous n'avons aucune raison de craindre les crises car elles nous renouvellent. Notre foi nous dit de saisir ces moments de trahison et de honte. Aidés de l'infinie créativité de Dieu, nous pouvons en faire un moment de don et de grâce. Si nous laissons Dieu poser sa main sur son Église, elle repartira de plus belle. L'autre jour, je me promenais sur la jetée quelque part en Galles du Nord … quand je me suis fait bombardé par des moules. Dans le ciel, des mouettes lançaient en effet, de très haut, les mollusques afin de casser la coque et d'atteindre la partie tendre et délicieuse de l'animal. C'est exactement ce que fait Dieu en temps de crise : il casse la coque de notre suffisance et de notre arrogance pour parvenir à la partie la plus tendre, la plus vulnérable de nos vies. Voilà pourquoi nous devons vivre cette crise … dans la joie. »
Frères et sœurs, nous pouvons être les porteurs de bonnes nouvelles et le temps présent peut être un temps de grâce. Le Seigneur a toujours mis sur la route de l’Eglise les personnes qu’il fallait pour l’aider à se remettre en accord avec l’Évangile. En ces temps difficiles, prions pour être comme ces arbres qui ne donnent pas de fruits pourris. Prions pour être de vrais témoins et de bons messagers de l’évangile, auprès de tous ceux et celles qui nous entourent. Le Seigneur nous assure de sa présence. Nous pouvons toujours compter sur lui, même dans les situations les plus désespérées. Prions pour être de bons arbres dont les fruits seront l'amour, la fraternité, la joie, l'harmonie, la paix. Prions pour reconnaître avec humilité nos propres faiblesses … car nous avons tendance à pointer du doigt les autres. Jetons un regard honnête sur notre propre vie avant d'essayer de signaler le péché chez quelqu'un d'autre.  Nous ne pouvons pas aider quelqu'un d'autre si nous sommes aveugles à notre condition.  Ce n'est que lorsque nous retirons la poutre de notre propre œil que nous serons en mesure d'aider les autres à éliminer leurs propres faiblesses.

Prions aussi -beaucoup- pour les victimes innocentes, mais aussi pour ceux qui trahissent leur vocation, ceux par qui le scandale arrive … malheureux sont-ils d’avoir perdu cette capacité à discerner le bien du mal, la vérité de l'erreur. Un chrétien ne produit pas nécessairement le meilleur fruit ; la ronce est aussi en lui … et en nous aussi, frères et sœurs …

Jésus, au moment d’être livré, a accepté la trahison de Judas pour en faire un don. Il a librement accepté cet acte sinistre et l'a transformé en moment de grâce. Nous devons faire face aux terribles scandales et saisir ce moment difficile avec toute la vigueur créatrice de Jésus et le laisser agir, afin que les scandales soient vécus comme un moment de renouvellement.

Que dans cette lourde épreuve, qui n’est sans doute pas finie, l’Esprit Saint nous purifie, nous lave, et fait de nous l’Église de demain, prête à affronter la mort et le pêché.
AMEN !                

(D’après diverses sources)

Patrick CHAHLA, diacre permanent
Clisson, le 3 mars 2019

 


Sommaire année C
retour vers l'accueil