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7° dimanche de Pâques


Nous voici quelques jours après l’ascension, où Jésus ressuscité a cessé d’apparaître à ses disciples, et les a envoyés en mission « jusqu’aux extrémités de la terre » ; et une semaine avant la Pentecôte, lorsqu’il enverra sur eux son Esprit qui leur donnera la force de témoigner. En ce dimanche un peu « charnière », l’Eglise nous donne à relire des textes dont on peut ne pas bien voir quel lien ils ont entre eux : le martyre d’Etienne, suivi du psaume 96 à la gloire de Dieu, Seigneur et roi, puis les toutes dernières phrases de l’apocalypse de St Jean et enfin un passage de la prière de Jésus quelques instants avant son arrestation, et que l’on appelle « prière sacerdotale ».
Ce qu’il y a de commun dans tous ces textes, c’est sans doute leur manière de parler du retour du Christ, que l’on appelle « la parousie », à la fin des temps, où l’humanité toute entière, enfin libérée, sera emportée auprès de Dieu dans la gloire. Etienne voit, comme par anticipation, cette gloire de Dieu. Il voit Jésus debout à la droite du père. Debout, c’est la position qui signifie la résurrection. Et cette vision lui coûtera la vie, car ce qu’il en décrit est insupportable aux oreilles des juifs auxquels il s’adresse.  Et on peut voir que le récit de sa mort suit avec un étonnant parallélisme celui de la passion et de la mort de Jésus : Après un procès où de faux témoins l’ont accusé de blasphème, comme pour Jésus, Etienne est trainé hors de la ville, comme le Calvaire était en-dehors de Jérusalem ; pendant qu’on le lapide, il prie avec le même psaume que Jésus : « En tes mains, Seigneur, je remets mon esprit » (c’est le psaume 30). Enfin, comme Jésus, il meurt en pardonnant à ses bourreaux. « Seigneur, ne leur compte pas ce péché ».
Le psaume 96 que nous avons chanté ensuite proclame lui aussi la gloire de Dieu, roi et maître de toute la terre. L’apocalypse enfin, livre de la Révélation, est tout entier consacré à cette description symbolique de la fin des temps, où l’humanité verra le retour du Christ qu’elle ne cesse d’attendre. Ce livre s’achève d’ailleurs par ses mots, qui sont donc aussi les derniers de la Bible : « Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! » Nous sommes donc, dans ce 7ème dimanche de Pâques, à la fois dans la joie d’un « déjà là », puisque Christ est ressuscité, qu’il s’est montré à nous et qu’il a rejoint le Père dans sa gloire, et en même temps dans l’attente d’un « pas encore », attente de cette promesse de Jésus qui nous enverra son Esprit Saint au jour de la Pentecôte. « déjà là ; pas encore ». C’est tout le mystère de notre foi chrétienne : nous sommes déjà des ressuscités, mais nous ne le serons de manière totale et achevée qu’à la fin des temps, au retour du Christ. Nous avons, dès ici-bas, à construire un monde à l’image du Royaume de Dieu (c’est le « déjà là »), mais nous savons que ce Royaume ne sera réellement achevé en plénitude, qu’aux fins dernières, au retour du Christ (le « pas encore »). Cette tension entre ce « déjà là » et ce « pas encore », tension qui peut parfois être crucifiante, Jésus nous en donne une des causes principales : notre incapacité à vivre dans l’unité. Son plus cher désir au moment de mourir, « de passer de ce monde à son Père », comme le dit St Jean, c’est que nous soyons unis. Il le répète trois fois dans cette prière pathétique : « Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi. » Il dit plus loin : « Que leur unité soit parfaite ». Unité, oui, mais pour quoi faire ? « pour que le monde croie », « pour qu’ils contemplent ma gloire » « pour qu’ils aient en eux l’amour dont tu m’as aimé » répond Jésus.
Être unis. Ce désir de Jésus, c’est aussi le désir de l’homme. De tout homme. Être uni, c’est ne pas rester seul. C’est entrer en relation avec l’autre. C’est connaître quelque chose de l’amour, ce lien si fort qui unit, qui unifie.
Mais ce désir d’unité que l’homme ressent est parfois détourné de son sens. Lorsque l’union fait la force et que la force est au service d’une cause qui n’est pas juste. Lorsque l’union fait la force pour exercer un pouvoir au lieu de se mettre au service. Dans l’actualité récente, comment ne pas évoquer ce désir d’union qui animait les organisateurs occultes de l’« apéro géant » dont les invitations passaient par Face Book, le fameux réseau où se retrouvent des millions de jeunes et de moins jeunes sur internet. Pensez donc ! Réunir sur la place Royale de Nantes 6000 personnes grâce à un simple message et quelques clics, quelle démonstration de pouvoir ! Comment ne pas être grisé par une telle puissance ? Être unis pour braver les autorités préfectorales qui en appellent vainement à la responsabilité des parents et des jeunes eux-mêmes. « Personne ne peut arrêter Face Book » écrira l’un des internautes. Quelle arrogance ! Et cette rencontre géante, dans quel but ? « faire la fête », traduisez : boire et faire boire. Quelle vanité !
Obtiendrait-on aussi rapidement une telle mobilisation, s’il s’agissait de rassembler le plus grand nombre de personnes possibles pour aider un chômeur à trouver un travail ? aider une mère de famille en détresse ? porter secours aux victimes d’une injustice ? Cette unité qui semble si facile à obtenir lorsqu’il s’agit de futilités,  comme nous avons du mal à y parvenir lorsque les enjeux sont vitaux ! Quand Jésus nous confie son profond désir de nous voir unis, c’est qu’il sait que notre unité sera le moyen de notre salut : « Que leur unité soit parfaite ; ainsi, le monde saura que tu m’as envoyé ». Et pourquoi est-il si important que le monde reconnaisse en Jésus l’envoyé du Père ? Parce que c’est la plus belle preuve d’amour que Dieu peut donner au monde. Jésus poursuit : « le monde saura que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » En effet, comme il l’avait dit à Nicodème : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle ». Pour Jésus, notre vie éternelle nécessite notre foi en lui, et notre foi nécessite notre unité.
Au-delà de l’unité des chrétiens, à laquelle beaucoup travaillent pour rapprocher catholiques, protestants, orthodoxes, anglicans, coptes ou syriaques, c’est d’abord l’unité entre nous, catholiques, qu’il faut désirer. A l’intérieur même de notre Église, combien de divisions, d’incompréhensions, d’oppositions, parfois de fortes tensions nous habitent, et nous empêchent ainsi de parvenir à cette unité tant désirée par Jésus. Et allons plus loin : ces divisions sont elles-mêmes révélatrices de notre manque d’unité intérieure, individuelle, dont souffre chacun d’entre-nous. Ne sommes-nous pas parfois écartelés entre nos discours et nos actes ? entre notre désir de faire le bien, et notre penchant à faire le mal ? entre nos bons principes et nos actions, qui s’accommodent parfois des circonstances ? Oui, notre manque d’unité intérieure, que l’on peut appeler le péché, nous empêche de vivre une vraie unité avec nos frères, et nous rend plus difficile de reconnaître en Jésus l’envoyé du Père, celui qui veut pour nous le plus grand des bonheurs : que nous ayons, unis à lui, la vie éternelle.

Amen !

Daniel BICHET, diacre permanent.
Monnières, St Hilaire de Clisson, Maisdon sur Sèvre, le 16 mai 2010
 

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