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7° dimanche du Temps Ordinaire


    Les paroles de l’Evangile ne font pas dans la demi-mesure. Elles peuvent paraître inacceptables, excessives : tendre la joue à celui qui frappe ou se laisser dépouiller de ses vêtements… Jésus fait fort, la barre nous paraît très haute, impossible à franchir pour nous ! Et pourtant, c’est bien ce que Jésus a fait, lors de son arrestation : Il a demandé à Pierre de ranger son épée et n’a pas répondu aux insultes et aux coups lors de sa passion.
    « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux…. et vous serez les fils du Très-haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants. » Quel programme ! Alors que les discours de haine fleurissent, que les talibans appliquent la charia, que la guerre est aux portes de l’Europe, et que les conflits s’éternisent au Moyen Orient ou en Afrique… Ne sont-elles pas trop idéalistes, ces paroles de l’évangile ?
    Ce programme, c’est bien pourtant le message de la Bible et de l’Evangile. C’est la voie qui ouvre à notre bonheur et à celui de l’humanité. Ce passage de l’Evangile que nous venons de lire suit la proclamation des béatitudes, véritable boussole pour les chrétiens. Les textes de ce jour se résument dans trois impératifs : aimez vos ennemis, soyez miséricordieux, pardonnez.

    « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent… » Dans le premier livre de Samuel, David est pourchassé dans le désert par le roi Saül, jaloux du fait que David ait été choisi comme futur roi. Il veut l’éliminer. Alors que Saül dort avec ses soldats, David et Abishaï, se faufilent dans le camp ennemi. Ils se trouvent à même de transpercer Saül avec sa propre lance plantée près de lui. Mais David donne l’ordre à Abishaï de ne pas le tuer, et d’emporter sa lance et sa gourde. « Personne ne vit rien… Ils dormaient tous ». Le lendemain matin, à bonne distance, par l’intermédiaire d’un jeune garçon, David rend sa lance et sa gourde à Saül. C’est un bel exemple d’un renversement de situation, où la haine fait place à la miséricorde et à la paix.
    A l’image de David, Jésus ne nous demande pas de subir passivement les brimades ou agressions, ni de nous enfermer dans le cercle vicieux de la rancune et de la violence, mais d’être inventifs pour trouver des chemins de paix, et de privilégier les gestes de miséricorde et de réconciliation. C’est valable aussi bien au niveau des états que dans nos relations personnelles, en famille, au travail avec tous ceux que nous rencontrons. En résumé, cette invitation du Seigneur à aimer nos ennemis peut se résumer dans cette phrase de l’Evangile : « Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux ».  Il s’agit d’un amour en actes, issu de décisions de notre part, et non pas d’un simple sentiment.
Être miséricordieux : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ». Nous sommes donc invités à ressembler au Père, à partager son regard d’amour sur les hommes et le monde. Pour cela, nous n’avons qu’à suivre le chemin tracé par Jésus. La vie de Jésus est jalonnée de rencontres avec des hommes et des femmes de toutes conditions, souvent en souffrance. Jésus porte sur ces personnes un regard bienveillant, plein de douceur et de bonté, notamment envers ceux et celles qui sont au bord de la route :
du fait de la maladie, l’aveugle ou le paralytique,
du fait de la malveillance, l’homme roué de coups gisant dans le fossé
ou du fait d’une faute, la femme adultère que Jésus ne condamne pas. 
A chaque fois, Jésus compatit, ne rejette pas, mais il écoute, il guérit et il relève. Aimer à la manière de Jésus, c’est bannir la violence pour se situer dans la bienveillance, la douceur et la gratuité.
    Pardonner : « Pardonnez et vous serez pardonnés ». Entretenir la haine ne fait pas vivre et enferme. Jeudi dernier, 17 février, Roseline Hamel, la sœur du Père Jacques Hamel a témoigné au tribunal qui juge les assassins de son frère. Elle a exprimé sa volonté « d’écarter la haine qui détruit notre humanité, notre liberté et notre fraternité » et elle a appelé au pardon. Oui, la haine tue, mais demander le pardon ou pardonner à quelqu’un est un acte qui engage notre volonté. Se faire pardonner une faute est une démarche d’humilité, car on se reconnaît coupable… La démarche du pardon est couteuse, mais elle libère. Qui parmi nous, avec son conjoint, un ami, un collègue de travail n’a pas expérimenté que le pardon rétablit les liens qui ont été abimés ? Et qui de nous n’a pas retrouvé dans le sacrement de la réconciliation, l’apaisement en renouant l’alliance avec Dieu que nous avions malmenée ou rompue ? Pardonner à celui qui nous a fait du mal, c’est continuer, malgré tout, à l’accueillir, à lui tendre la main, à le considérer comme un frère ou une sœur aimée de Dieu. Le pardon, ce n’est pas un coup d’éponge, ce n’est pas l’oubli. Le mal réalisé ne s’efface pas. Mais le pardon libère, ouvre l’avenir et permet de se reconstruire.
Peut-on tout pardonner ? Question bien difficile, quand on a subi des violences physique et psychologiques extrêmes, quand des génocides ont décimé des populations entières pour des raisons de race ou de religion ? Il y a des limites humaines compréhensibles. Et il faudrait être comme Dieu pour pouvoir tout pardonner. Jésus, sur la croix, ne s’est-il pas adressé à son Père pour pardonner à ceux qui le mettaient à mort, car ce devait être au-dessus de ses forces humaines de le faire : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Le psaume de ce jour insiste sur le large pardon du Seigneur. Il est joyeux : « Bénis le Seigneur, ô mon âme… car il pardonne toute tes offenses… Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour, il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses… Il met loin de nous tous nos péchés ». Ces versets du psaume nous mettent en confiance et nous amènent à dire « merci » au Seigneur pour son infinie bonté. Ici, nous est déjà dit ce que Jésus enseignera : Dieu n’est qu’amour, miséricorde et pardon. « C’est précisément, cette miséricorde inépuisable de Dieu qui fait la différence entre Dieu et nous ». (Marie-Noëlle Thabut)
Ce qui nous est présenté dans les textes de ce jour, c’est la perspective de vivre, autant que nous le pouvons, selon la vie divine… dans l’amour et la vérité. Objectif jamais atteint sans doute sur cette terre, mais c’est notre chemin de vie vers Dieu.


Yves MICHONNEAU, diacre permanent
Paroisse St Philippe et St Jacques, Sautron (44)
20 février 2022

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