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6° dimanche de Pâques

Ac 15, 1-2.22-29 ; Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8 ; Ap 21, 10-14.22-23 ; Jn 14, 23-29


        « L’esprit Saint et nous-mêmes avons décidé… » Gonflés, les apôtres ! C’est ainsi qu’ils présentent leur décision à la communauté d’Antioche.
        On pourrait en effet penser que cette manière de parler révèle un orgueil démesuré de la part des apôtres : « ils se mettent au même niveau que l’Esprit Saint ! » En réalité, c’est tout le contraire : cette référence à l’Esprit Saint nous montre combien les apôtres s’en remettent à lui pour prendre des décisions, et reconnaissent ainsi leur humilité et leur soumission à la volonté de Dieu. L’autorité avec laquelle ils parlent ne vient pas d’un pouvoir qu’ils se seraient donné ; elle est légitime parce qu’issue de leur soumission à l’Esprit Saint. Leur autorité est finalement celle de l’Esprit Saint. Ils ne sont rien sans l’Esprit Saint.

        Cette façon un peu osée de présenter leur décision  « L’esprit Saint et nous-mêmes avons décidé… » est en fait simplement la mise en pratique par les apôtres des paroles de Jésus que je viens de lire dans l’évangile de Jean : « la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. […] le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » C’est donc l’Esprit Saint, envoyé par le Père au nom de Jésus, qui est le véritable acteur des débuts de l’Eglise. De même que c’est lui qui parlait par la bouche de Jésus, c’est lui qui parle par la bouche des apôtres ; c’est déjà lui qui parlait par celle des prophètes, comme le rappelle le Credo de Nicée-Constantinople : « il a parlé par les prophètes ». Et c’est encore lui qui parle aujourd’hui, dans notre vingt et unième siècle,  par la bouche de ceux qui font la volonté du Père.

        « l’Esprit Saint, envoyé par le Père au nom de Jésus » : Notons au passage que ces paroles du Christ nous montrent combien la Trinité, même si le mot n’est jamais prononcé par lui, est une réalité bien présente dans son message : le Père, le Fils et l’Esprit Saint, unis en un seul et même Dieu, cette « tri-unité » agissante dans l’histoire des hommes.

        Voilà pour la forme : « L’esprit Saint et nous-mêmes avons décidé… ». Mais voyons plutôt le fond de cette décision : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent : vous abstenir des viandes offertes en sacrifice aux idoles, du sang, des viandes non saignées et des unions illégitimes. » Cette décision juridique, c’est d’abord celle de l’ouverture. L’Eglise naissante accueille des personnes d’origines diverses, et décide de ne pas leur imposer la loi juive. Cette loi juive qui s’impose pourtant aux membres de l’Eglise eux-mêmes, juifs devenus chrétiens, et sur laquelle s’appuient les préceptes de la foi chrétienne en train d’éclore. La communauté des disciples de Jésus décide donc de s’ouvrir à toute personne, quelle que soit son origine, ses traditions, ses croyances anciennes, du moment qu’elle souhaite entrer dans cette communauté pour suivre Jésus ressuscité. Les seuls préceptes imposés consistent à « s’abstenir de manger des aliments offerts aux idoles » (c’est le refus de l’idolâtrie) ; « s’abstenir de manger de la viande non saignée » (le sang est le signe de la vie, et la vie n’appartient qu’à Dieu) ; « s’abstenir des unions illégitimes » (reconnaissance de la valeur irremplaçable du couple humain, homme-femme, comme coopérateur de Dieu par la transmission de la vie). Ces préceptes sont ce qu’on pourrait appeler les « fondamentaux », puisqu’ils sont en fait les termes de la première alliance, très ancienne, conclue avec Noé.
      
        Ouverture, donc. Dès son origine, l’Eglise, notre Eglise, se veut ouverte et se donne les moyens de cette ouverture. Les lois qu’elle se donne – on devrait plutôt dire « les lois que nous donne l’Esprit Saint » –  comme celle que nous venons d’entendre, permettent de définir un cadre, mais certainement pas un carcan.

        C’est aussi le sens de l’exhortation apostolique « Amoris Laetitia » que le pape François vient de publier, suite aux deux récents synodes sur la famille. Comme les apôtres, le pape François rappelle que la vie chrétienne consiste à s’efforcer de suivre la loi, certes, mais que la loi n’est pas d’abord un ordre inflexible ; qu’elle est faite pour l’homme dans sa condition d’homme. La loi est un guide, que chacun peut accueillir pour mieux vivre selon l’Évangile. Elle est un cap à suivre, mais elle n’est pas un enfermement dans une liste d’obligations et d’interdictions qu’on suivrait aveuglément parce qu’on en aurait perdu la signification. La loi n’est pas faite juste pour savoir si on est « un bon chrétien » ou pas.
C’est cette ouverture que le Concile Vatican II a voulu réaffirmer au milieu du XXème siècle. Revenir à une église plus accueillante à tous.

        Cette attitude d’accueil, de nécessaire ouverture, était sans doute suffisante à une époque encore imprégnée de culture chrétienne, culture reconnue et assumée par tout le monde occidental. Mais l’accueil, l’ouverture, suggère une posture d’attente : l’Eglise est alors une institution installée, présente dans chaque commune ; les chrétiens sont chez eux, et ils attendent que d’autres viennent frapper à la porte du presbytère, à l’occasion d’un baptême, d’un mariage, d’une sépulture… Cette attitude, bien que nécessaire, ne satisfait pas notre pape François, qui nous pousse à aller beaucoup plus loin. Il ne s’agit plus à présent d’attendre que d’autres nous interrogent ou nous sollicitent, mais de sortir. Sortir de nos sacristies, de nos églises, pour aller à la rencontre du monde. Car le monde d’aujourd’hui n’est plus celui des derniers siècles, ni même des  dernières décennies. Il ressemble davantage à celui de l’époque des tout premiers apôtres : Le salut apporté par le Christ Jésus n’est connu que de quelques-uns. Et la mission de l’Eglise n’est pas de tenter de survivre dans un monde hostile ou indifférent. La dernière consigne que Jésus nous a donnée c’est d’aller dans le monde entier, faire des disciples de tous les peuples. Ce n’est certainement pas en restant chez nous à attendre que nous accomplirons cette mission !

        Alors, il nous faut sortir, aller vers les périphéries, comme le répète inlassablement notre pape François. C’est ainsi que les premiers chrétiens ont réussi, avec l’Esprit Saint, à répandre la Bonne Nouvelle dans le monde entier, selon la mission donnée par le Christ. Ce n’est pas en restant enfermés dans le cénacle. C’est en allant dans le monde entier pour faire de tous les peuples des disciples. L’Esprit Saint ne pourra agir dans le monde que si nous-mêmes nous sortons vers le monde !

        « Allez dans le monde entier
        De tous les peuples faites des disciples
        Alléluia, Amen ! »


Daniel BICHET, diacre permanent
Boussay, Gorges, Clisson, le 1er mai 2016
 

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