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5° dimanche de Pâques

Ac 14, 21b-27 ; Ap 21, 1-5a ; Jn 13,  31-33a. 34-35


Si on faisait un micro-trottoir, en demandant aux passants : « D’après vous, quel est le principal message que Jésus a laissé ? », il y a de grandes chances que la réponse la plus fréquente soit « aimez-vous les uns les autres ». En oubliant souvent la deuxième partie de la phrase : « comme je vous ai aimés ».

 Je vais y revenir, mais je voudrais d’abord m’arrêter sur l’ensemble des textes de la liturgie d’aujourd’hui, et le fil rouge qui les parcourt : 

Vous l’avez peut-être remarqué, il y a deux notions qui traversent tous ces textes : les notions de nouveauté et d’universalité.

Première nouveauté : Au livre des Actes des Apôtres, on nous dit dans la première lecture que Dieu « a ouvert aux nations la porte de la foi ». Nouveauté pour l’époque ! Dans le monde de l’ancienne Alliance, la foi en Dieu était limitée au tout petit peuple d’Israël. « Les nations », ce sont tous les autres peuples de la terre. Si Dieu « a ouvert aux nations la porte de la foi », l’universalité de l’amour de Dieu est alors une nouveauté, manifestée par la venue de Jésus et continuée par ses disciples. Nouveauté, universalité.


Nous avons ensuite chanté le psaume 144 : « la tendresse du Seigneur est pour toutes ses œuvres ». Nouveauté qui rappelle aux croyants l’universalité de l’amour de Dieu, pour toutes ses oeuvres. Nouveauté, universalité.

Et puis nous avons entendu, dans la 2ème lecture, au livre de l’Apocalypse, un passage où il est question d’« un ciel nouveau » et d’« une terre nouvelle » ; et la voix de Dieu qui proclame du haut du siège où il trône : « voici que je fais toute chose nouvelle ! » « Toutes choses », ça dit bien l’universalité de cette nouveauté.

Et ce n’est pas tout ! dans l’Evangile de Jean, Jésus nous donne « un commandement nouveau » qui est de nous aimer « les uns les autres ». Universalité de l’amour, dans un commandement nouveau. 

Voilà donc en trois mots un condensé du message de toute la Bible : l’amour, nouveauté universelle. 


Mais tout de même, c’est curieux : si c’était une nouveauté déjà lors de l’écriture des psaumes il y a 3000 ans, puis au temps de Jésus, comment est-ce encore une nouveauté aujourd’hui ? C’est le paradoxe de l’amour de Dieu pour son peuple : Dieu nous donne à vivre son amour comme nouveauté permanente, universelle, à la fois dans le temps, dans l’espace, et au coeur même de chaque être humain de par le monde, de par les époques.

Alors quand Jésus nous donne ce « commandement nouveau » : « Aimez-vous les uns les autres », il ne veut pas dire que l’amour est nouveau. Déjà, dans les évangiles de Marc et de Matthieu, on voit Jésus rappeler que le plus grand commandement est celui de l’amour ; c’est le premier des dix commandements donnés par Dieu à Moïse au Mont Sinaï, quinze siècles auparavant. : « tu aimeras le seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit. » et Jésus lui avait ajouté un second commandement en disant qu’il lui est semblable : « tu aimeras ton prochain comme toi- même ». Ces deux commandements nous demandent d’aimer Dieu d’une part, et d’aimer son prochain d’autre part. Et d’après Jésus, les deux sont d’égale importance et sont indissociables. Mais aujourd’hui, Jésus nous demande de nous aimer « les uns les autres ». Là, c’est nouveau ! Il ne s’agit plus d’un commandement individuel qui me dit que je dois aimer Dieu et mon prochain. On a ici un commandement collectif qui demande une réciprocité ; un véritable programme social. Il propose une façon de vivre entre-nous dans l’amour mutuel. Et donc d’étendre le commandement d’amour à la pratique collective d’un amour universel.

Non-seulement Jésus attend de nous que nous nous aimions les uns les autres, dans un amour mutuel, mais en plus il nous indique le niveau à atteindre : « comme je vous ai aimés ». Il met la barre très haut ! Que signifie ce « comme je vous ai aimés » ? Regardons au fil des évangiles comment Jésus nous a aimés : il a fait le bien autour de lui, il a accompli des miracles, il a guéri des malades, il a prononcé de belles paroles pour nous édifier… Oui, d’accord. Mais surtout, et finalement, il a donné sa vie pour nous ! C’est sans doute ça qui est nouveau. Quelle exigence ! Il a même expliqué par avance le sens de ce don total de soi par amour : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Aimer, c’est tout donner. Aimer en vérité, c’est nécessairement donner sa vie.

Il s’agit donc d’élargir le champ de notre amour : à tous les hommes ; et, dans le même mouvement, de l’approfondir : jusqu’à donner sa vie. Nouveauté, universalité.

Ce texte de l’évangile de Jean est souvent choisi par les fiancés pour leur célébration de mariage. Pendant le temps de leur préparation, ils sont dans une situation favorable, qui fait que tout ce qui parle d’amour les concerne. Ils vivent dans leur couple un amour qui leur semble être ce qu’il y a de plus fort, qui les unit et leur semble indestructible. Et puis, « Aimez-vous les uns les autres », c’est plus vendeur que « aimez vos ennemis », ou « si on te frappe sur une joue, tend aussi l’autre ». C’est pourtant cet amour-là dont il s’agit. Car l’amour n’est pas un sentiment, c’est un commandement ! Il faut donc s’efforcer d’aimer ; ça peut paraître paradoxal, mais c’est la condition pour que l’amour perdure. Un sentiment, on le sait bien, ça va, ça vient ; ça augmente, ça diminue ; ça finit par passer. Et puis ça peut revenir… ou pas ! Pour que l’amour rime avec toujours, comme le rêvent justement les fiancés, il ne faut pas se contenter d’essayer d’entretenir un sentiment. Il faut y engager sa volonté, sa persévérance, chaque jour, parfois au prix de gros efforts. 

Alors oui, frères et soeurs, aimons-nous les uns les autres ! Aimer à la manière que Jésus nous propose, c’est donner généreusement et recevoir humblement. C’est la recette la plus connue pour vivre heureux, et pour contribuer à faire de ce monde un monde de paix, un monde plus beau. Mais ce n’est pas la plus facile, ni celle qui est la plus mise en pratique, hélas !  Parce que dans nos sociétés individualistes, où le bonheur est promis au prix de toujours plus de consommation, le don est devenu une chose rare, donc précieuse. 

Ce message universel et toujours nouveau que Jésus nous laisse, c’est donc de nous aimer les uns les autres, d’apprendre à donner et à se donner ; d’apprendre à recevoir dans la simplicité et l’humilité ce que nous recevons, non pas comme un dû mais comme un don.

Avec Ste Thérèse, dont nous fêtons aujourd’hui le centenaire de la canonisation, nous pouvons chanter cette définition toute simple de l’amour :

Aimer, c’est tout donner

Aimer, c’est tout donner

Aimer, c'est tout donner

Et se donner soi-même !



Daniel BICHET, diacre permanent

Maisdon-sur-Sèvre, Boussay, Clisson,

18 mai 2025


 

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