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5° dimanche de Pâques

Ac 14, 21b-27 ; Ap 21, 1-5a ; Jn 13,  31-33a. 34-35

        Bonne nouvelle ! Jésus nous donne un commandement nouveau ! « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». Mais au fait, en quoi est-ce un commandement, et qu’a-t-il de nouveau ?
        Remarquons d’abord que, dans tous les évangiles, Jésus nous donne en tout et pour tout deux commandements : nous aimer les uns les autres, et annoncer la bonne nouvelle à tous les peuples de la terre afin de les baptiser. Deux commandements, pas un de plus. C’est donc certainement dans le contenu de ces commandements que doit se trouver l’essentiel, ce que Jésus a le plus à cœur de nous voir appliquer. Ce qu’on appelle « la volonté de Dieu », en somme.
        S’aimer les uns les autres, ce n’est donc pas une option. C’est un commandement. Mais peut-on commander l’amour ? Peut-on aimer sur commande ?
        On discute souvent de ces questions liées à l’amour avec des fiancés qui se préparent au mariage. D’ailleurs, c’est parfois ce texte d’évangile que je viens de lire qu’ils choisissent pour leur célébration. Pour des fiancés, quand on lance ce sujet, l’idée de commander l’amour paraît d’abord absurde : Ils s’aiment, et personne ne le leur a commandé ! « ça vient tout seul ! » disent-ils ; « ça va de soi ! ». C’est que l’amour est souvent considéré comme un simple sentiment. Et un sentiment, ça ne se commande pas, ça vient tout seul, en effet ! Ou pas… Le problème ensuite est plutôt de savoir comment on gère les sentiments qui nous viennent. C’est ici que se trouve la source de toutes nos actions, et parfois même le cœur de nos combats. Mais c’est un autre sujet…
Et puis, au cours de la discussion avec les fiancés, on se rend compte qu’aimer, ça ne vient pas toujours aussi facilement que ça. En évoquant certaines situations vécues dans leur couple, ils découvrent progressivement qu’à certains moments, aimer demande un effort. Si on ne choisit pas de tomber amoureux, bien sûr, il y a tout de même bien des moments où il faut choisir d’aimer, pour continuer à s’aimer. L’amour qui était au départ la cause de leur union, en devient alors le but. C’est pourquoi ils choisissent à un certain moment de se marier. Ils en viennent à découvrir par eux-mêmes cette vérité, qui devient alors une évidence, qu’« on ne se marie pas parce qu’on s’aime, mais on se marie pour s’aimer. »
        C’est vrai pour les couples, mais c’est vrai aussi pour chacun de nous, dans chacune de nos relations. Aimer, ça ne nous tombe pas dessus ; aimer, ça se décide ! On peut faire le choix – et donc l’effort –  d’aimer telle ou telle personne. Aimer est le fruit non-pas seulement de notre sensibilité ou de notre affectivité, mais de notre volonté.

         Aimer, ça ne va pas de soi. Est-ce que j’aime les autres ? et qui sont « les autres » ? Parce que « aimez-vous les uns les autres » pourrait faire penser à une nécessaire réciprocité. Jésus n’a pas dit « aimez les autres », mais « aimez-vous les uns les autres ». Comme il s’adresse à ses disciples, on pourrait penser qu’il leur commande de s’aimer entre eux, et seulement entre eux. Et d’ailleurs, il ajoute que s’aimer les uns les autres sera un signe de reconnaissance, ce qui distingue les chrétiens des autres. Parce qu’ils s’aiment entre eux, ils sont signe pour le monde. Les non-croyants ne s’aiment-ils donc pas ? Et doit-on aimer aussi les autres, ceux qui ne sont pas chrétiens ? Ou ceux qui sont différents de nous ? Je pense à ceux qui arrivent chez nous en fuyant la guerre et les persécutions, les réfugiés, les migrants. Doit-on aimer aussi ceux qui ne nous aiment pas, même ceux qui nous haïssent ?

        Hésiter à répondre serait oublier que le message de Jésus, même s’il s’adresse évidemment à ses disciples dans les années 30 de notre ère, est un message universel, donc beaucoup plus large ! Un message qui n’est pas limité par l’espace ni par le temps. En disant « aimez-vous les uns les autres » à une douzaine de personnes il y a deux mille ans, il le dit à chacun de nous, et à toute personne sur toute la terre, aujourd’hui !
        « Aimez-vous les uns les autres ». Facile à dire ! Il ne faudrait pas comprendre ce commandement comme un idéal mièvre, une utopie gentillette comme essayaient de la vivre les hippies des années 70, où « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». En réalité, nous le savons bien, la terre où vit notre humanité n’est pas le pays des Bisounours ! Il s’agit donc de nous efforcer d’aimer, puisque justement l’amour n’est pas si répandu que ça, bien que le monde ait tant besoin d’amour. Mais ça ne va pas de soi…

        Il faut dire aussi qu’aimer, c’est compliqué ! Ce verbe a pris des sens tellement différents dans nos langues occidentales : entre aimer la confiture, aimer les mots croisés, aimer son chien, son mari, ses enfants ou sa belle-mère, il y a sans doute des nuances qu’il faudrait préciser ! Le pape François, dans sa dernière exhortation suite aux deux synodes sur la famille, nous rappelle le sens hébreux de « aimer » : « faire du bien ». Compris ainsi, c’est nettement plus clair !
        L’expression qui correspondrait le mieux à « s’aimer les uns les autres », comme Jésus nous le commande, serait l’expression « pratiquer la charité ». Mais le mot charité, lui aussi, est tellement galvaudé que la charité est devenue suspecte : certains y voient une certaine condescendance, d’une personne placée au-dessus de ceux à qui elle étale sa générosité. Un devoir de riches envers les pauvres. Un acte qui descend du haut vers le bas. Pourtant, en réalité, la charité, c’est vraiment l’amour désintéressé. Le dictionnaire nous apprend que la charité est  « l’amour de Dieu et de son prochain comme créature de Dieu ». Aimer Dieu, c’est notre réponse à son amour qui est toujours premier. Aimer son prochain, c’est reconnaître en lui une créature de Dieu, donc un frère. Parce qu’il est créature de Dieu, chaque être humain créé, comme moi, à l’image de Dieu mérite mon amour. Quel qu’il soit. La fraternité de chacun de nous avec tous les autres, fraternité reconnue comme un fait, nous oblige au minimum à la solidarité, mais finalement plus loin à la charité, qui lui est bien supérieure.

        Alors, « aimez-vous les uns les autres », un commandement nouveau ? « Voici que je fais toutes choses nouvelles » dit aussi le Christ dans la vision de St Jean, que nous avons entendue dans la deuxième lecture. Oui, nouveau parce que toujours actuel. C’était vrai autrefois, c’est vrai aujourd’hui, ce sera vrai demain. Commandement nouveau, comme l’évangile reste une bonne nouvelle, même après deux mille ans. Commandement qui nous demande de nous renouveler nous-mêmes.

        Frères et sœurs, laissons-nous renouveler par cette parole. Accueillons sa nouveauté perpétuelle, le renouveau qu’elle nous propose, même s’il nous en coûte des efforts parfois. Au bout de l’effort, Jésus nous le promet, c’est la vie, une vie meilleure qui nous attend, sans cesse renouvelée dans l’amour.

        Amen !



Daniel BICHET, diacre permanent
Clisson, le 24 avril 2016
 

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