Année C
Sommaire année C
retour vers l'accueil
5° dimanche du Temps Ordinaire

Is 6, 1-2a.3-8 ; Ps 137 ; 1Co 15, 1-11 ; Lc 5, 1-11


        "Avance au large…"

        Souvent nous envions ces premiers disciples : "Entendre la voix du Seigneur!" plus qu'une faveur! N'êtes-vous pas comme moi à vous poser, parfois, cette question : est-ce que comme Pierre, si Jésus s'adressait à moi je saurai, à coup sûr, l'entendre et suivre sa Parole? Sommes-nous dupes, mal entendant ou mal voyant ? Parce que Jésus est toujours là à appeler, son Esprit et sa Parole sont bien vivants et présents au cœur du monde.

        L'évangile nous dit :"Jésus enseignait la foule". Mais chaque page de la Bible, la Parole de Dieu, ne nous enseigne-t-elle pas la voie à emprunter, la façon de vivre cette Parole, ne fournit-elle pas les clefs pour ouvrir la porte de notre cœur et celle du chemin vers le Père. Elle révèle le message du Christ en redisant l’Alliance que propose sans cesse notre Père avec l'humanité entière.

        La Parole : elle est là, plus vivante chaque jour à qui veut l’entendre. Souvent elle nous réjouit, parfois elle décourage un peu car elle bouscule ou semble compliqué. Quand nous sommes persuadés de l’avoir comprise, un nouvel éclairage repousse au loin ce que nous tenions pour incontournable nous rappelant qu’être frères en Christ n’est ni une rente, ni une sinécure, mais une vie à vivre au jour le jour, en vérité, avec ses joies et ses peines. La Parole est un cadeau mais, parfois, nous préférons l'enveloppe brillante au contenu car elle invite à avancer toujours plus loin, plus loin, là où nous n'osions même pas rêver d'aller.

        Quand Jésus dit "Avance au large". Il s'adresse à Simon- Pierre mais ne s'adresse-t-il pas à nous aussi? Nous qui 2000 ans plus tard entendons encore cette Parole de salut. "Avance au large !" C'est bien à chacun de nous que cette Parole s'adresse, à chaque croyant, à chaque personne. Ne faut-il pas entendre : "Avance au large, je suis avec toi. Moi, aujourd'hui, je monte avec toi dans la barque de ta vie, je détiens la carte des vents et marées mais c'est toi qui es à la barre et ma Parole te donne le cap à suivre, la route à tracer." Nous tenons le gouvernail de nos vies et nous ne barrons pas toujours dans le sens proposé dans sa grande bonté mais il reste là à nos côtés pour nous rassurer, éviter que la tempête ne nous emporte au loin, nous fasse chavirer et nous perde.

        Quand nous hésitons ou nous refusons de suivre le cap proposé, c'est sans aucun doute par un manque de confiance, confiance en Lui, confiance en nous. La volonté aveugle de vouloir tout maitriser, la peur de l'inconnu, la facilité sans joie profonde, la suffisance nourrissent ce manque de confiance. Et pourtant, comme pour Pierre, Jésus reste là, avec nous, sur la mer de nos vies, si souvent démontées, pour nous aider à vivre plus loin que l'espar de l'esquif qui nous entraîne vers demain.
      
        "Avance au large et jette tes filets ! Sois sans crainte." Chacun de nous reçoit ce message fort et peut-être dérangeant. Avec ses talents et ses fragilités, dans l'amour et l'Esprit reçus, chacun de nous est invité en confiance à devenir pécheur d'hommes. Alors, allons-y. Confiant dans sa Parole avançons au large, vers notre frère, frère en Christ et en humanité. Ne pensons pas que ce soit réservé à une élite, à un groupe, à un service, à d'autres qui nous semblent si forts, si efficaces. Non, Jésus nous interpelle là où nous sommes, tels que nous sommes pour que, avec Lui, par Lui, en Lui, nous allions à la rencontre de nos frères humains qui attendent, par une parole, un regard, une visite, de vivre plus intensément une relation dans la paix. C'est vrai que des professionnels semblent mieux armés, que les personnes du SEM, le Service Évangélique des Malades, semblent mieux assurés, mais ne déléguons pas notre amour fraternel, ne déléguons pas notre service fraternel, notre charité. L'Église n'est pas une organisation de services fonctionnels mais une communauté de frères, une famille fondée, forgée par l'amour Paternel, animée par l'Esprit du Christ, un corps où chaque membre est indispensable à l'autre. Alors, avançons, ensemble, au large de nos maisons, de nos églises, jetons nos filets juste à côté de la barque de notre vie.

        Qui de nous ne connait pas une, deux, trois personnes alitée, handicapée, immobilisée chez elle, à l'hôpital, en maison de retraite ou enfermée dans sa mémoire défaillante ou disparue. Ne laissons pas à d'autres le soin de leur porter une parole de paix, de joie ou de réconfort, de partager avec eux la Vie, la Parole et l'amour offerts par Dieu. Osons le geste et la parole, dans la confiance, la patience et la persévérance, en sachant que le Christ est là, avec nous à chaque instant, qu'il nous fait confiance et qu'il attend que nous l'appelions pour vivre avec Lui notre mission de baptisé et de fils.

        Rencontrer l'autre c'est aussi l'écouter, lui redonner parole, restaurer sa dignité et lui laisser poser des mots qui disent ses maux. Acceptons d'eux de recevoir cette parole, ce geste, cette attention qui dit notre humanité, qui dit leur attente, leur vie, leur foi. De la rencontre nait le dialogue qui nous replace ensemble sous le regard du Christ. Ensemble pour s'accueillir, s'écouter, partager…

        L'amour de Dieu fait vivre mais ne vivra en nous que si nous voulons le partager. Comme la manne de nos pères au désert, offerte par Dieu à son peuple en souffrance, ne gardons pas une miette de cet amour offert pour un hypothétique besoin. L'amour, comme la manne, à dormir dans un coffre ou dans un cœur, ne peut que mourir. Alors lançons cet amour comme les filets de Dieu, pour qu'il ramène à Lui des hommes qui l'espèrent et qui l'attendent, qu'ils puissent enfin redécouvrir cette joie de connaître une rencontre fraternelle et vivre de notre espérance de fils aimants et aimés, animés par l'Esprit du Christ qui nous fait serviteur.


Patrick DOUEZ, diacre permanent.
10 février 2013

Sommaire année C
retour vers l'accueil