Année C
Sommaire année C
retour vers l'accueil
4° dimanche de Pâques 


Dans l’évangile de Jean, ainsi que dans le livre de l’Apocalypse de Jean (destiné à soutenir les communautés chrétiennes persécutées vers la fin du 1er siècle), apparaissent les images du berger et de l’agneau. Le Christ, berger, parle de ses brebis à qui il donne la vie éternelle, et qu’il gardera toujours auprès de lui. Dans la vision johannique de l’autre monde, c’est même l’Agneau qui siège sur le Trône, il devient le pasteur qui établira sa demeure chez chacun des siens. Tout se passe comme si les réalités chez St Jean se trouvaient transformées en leur contraire. Tout semble ainsi inversé… jusqu’à laver ses vêtements dans le sang de l’Agneau, dans le livre de l’Apocalypse ! Ne sommes-nous pas, dans un premier temps, désarçonnés par ces images et ces inversions par rapport au sens logique ? En fait, lorsque nous lisons des textes de St Jean, il y a toujours une lecture au 2ème degré qui se comprend à la lumière de notre foi Pascale…
Repartons du thème du berger. Ce thème est très présent dans les Écritures : le premier berger est Abel, le pasteur agréable à Dieu et tué à cause de cela par son frère Caïn, éleveur de bétail. La figure centrale du berger sera David, que Dieu est allé chercher à l’arrière du troupeau de brebis, pour en faire le pasteur de son peuple Israël. Le roi sera alors souvent considéré comme le pasteur. Reconnaissons que la métaphore du berger, adaptée aux éleveurs nomades de l’époque, ne correspond plus vraiment à notre mode de vie. Et que dire aujourd’hui de l’image grégaire du troupeau qui suit aveuglément le berger, tel le mouton de Panurge mis en scène par l’écrivain Rabelais ?
En fait, le pasteur par excellence, c’est Dieu lui-même. Or le Père et le Fils, bien distincts l’un de l’autre mais en parfaite communion, ne font qu’un. Un lien éternel et indéfectible relie le Père, pasteur par excellence, aux siens, les brebis, par l’intermédiaire du Fils, le berger dont la Parole nous parvient encore aujourd’hui. Un Fils qui connaît chacune et chacun d’entre nous.
Dans un verset précédent de celui proclamé ce jour (verset 2), le pasteur est celui qui entre dans la bergerie par la porte et, par cette même porte, il fait sortir les brebis. Un peu plus loin (verset 7), ce pasteur est devenu la porte elle-même « je suis la porte, celui qui entre, par moi, sera sauvé ».
Mais ce n’est pas un berger totalement au sens humain. Le Christ pasteur ne vit pas de son troupeau comme un berger ordinaire. Il le fait vivre.
Il se fait même nourriture eucharistique de celles et ceux qui croient en lui.
Dans la seconde lecture du livre de l’Apocalypse, qui offre une vision de l’autre monde, l’Agneau devient même le pasteur. Encore une inversion du sens habituel, chère à St Jean, pour mieux nous faire entrer dans l’intimité divine. Celui qui accepte de passer du statut de « détenteur de l'autorité » à celui de « serviteur » ne connaît pas une diminution ni une altération de ce que l'on pourrait appeler sa valeur. Au contraire, c'est au moment où il accepte de se donner lui-même pour faire exister l'autre, qu'il se fait créateur. Et c’est bien la nature même de Dieu.
Et cet Agneau, qui a offert sa vie, se tient même « au milieu du Trône ». Encore un renversement : cet Agneau, passé par la passion et la résurrection, est glorifié et assis sur le trône. Il se trouve au milieu de ceux qui sont eux aussi passés par les épreuves de la vie. Il les habite et il fait sa demeure en eux. Son Trône, c'est eux. Il nous invite à parcourir le chemin qu'il a lui-même suivi, le chemin du don de soi qui nous conduit « vers les eaux de la source de vie ».
N'allons pas croire qu'il nous faut faire pour cela des efforts moraux colossaux. Il suffit de nous ouvrir pour accueillir ce qui nous vient d'ailleurs et sortir hors de nos murailles défensives. Cela peut impliquer quelques morts à soi-même… Car la mort est toujours condamnée à laisser la place à son contraire, la vie. En deçà du dernier jour de notre existence, il y a bien des manières de « mourir à soi-même », par exemple en faisant taire notre manière de voir immédiate, spontanée, pour laisser à l'autre l'espace qui lui est nécessaire pour vivre. Un couple ne peut réussir sa vie commune qu'en passant par là. Ce qui provoque ce passage du berger en son vis-à-vis, l'agneau, c'est évidemment l'amour, autre nom de Dieu qui réconcilie les contraires.
En un certain sens, celui qui se veut « serviteur » devient « Seigneur dans le service », c’est-à-dire « Seigneur du service ». À chaque liturgie baptismale, on rappelle que le nouveau baptisé est prêtre pour célébrer, prophète pour annoncer et roi pour servir. C’est la vocation à laquelle nous sommes tous appelés. Le baptême nous fait naître d’en-Haut, comme Jésus le déclare à Nicodème, et créée par anticipation ce lien avec le Christ qui fait une demeure spirituelle en nous. Par l’eucharistie, il fait une demeure corporelle en nous. C’est bien, de s’incliner devant le ciboire qui ramène le Corps du Christ dans le tabernacle, mais ne devrions pas nous incliner les uns devant les autres, puisque nous sommes désormais habités par ce Corps. Car il nous est donné à chacun d’être le Temple vivant où le Christ, l’Agneau Pascal, fait sa demeure dès à présent.


Christophe DONNET, diacre permanent
Paroisse St-Étienne – St-Benoît
Diocèse de Saint-Étienne
8 mai 2022




Sommaire année C
retour vers l'accueil