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4° dimanche de Pâques


 « Je suis le bon berger » « Mes brebis écoutent ma voix » On connaît ces phrases par cœur. Elles nous donnent de Jésus une image bien sympathique. Au catéchisme, on dessinait un paysage avec des petits moutons blancs et un berger. On s’imaginait volontiers en petit mouton bien paisible, en sécurité, sous la protection de ce gentil berger ; petits moutons insouciants des dangers, du loup et autres bêtes sauvages. On connaît tous cette histoire de la brebis perdue, pour qui le bon pasteur Jésus va laisser tout son troupeau jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée. Ces images nous restent encore, et c’est parfois celles que nous utilisons quand il nous faut parler de Dieu à des enfants, ou même à des adultes.
Jésus, bon berger… Il y a quelques semaines, Jésus nous était présenté dans la liturgie comme l’agneau de Dieu, immolé, sacrifié par amour pour les hommes et par amour pour son Père. Comment un agneau peut-il devenir berger ? St Jean, qui est aussi l’auteur du livre de l’Apocalypse, deuxième lecture de ce jour, nous raconte sa vision : « L’agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur, pour les conduire vers les eaux de la source de vie. » C’est là tout le mystère de la foi, et la difficulté pour décrire avec nos mots une réalité qui nous dépasse : Jésus, à la fois agneau tout dévoué à la volonté de son Père, et en même temps berger de son troupeau, pasteur et guide du peuple de Dieu.
Pourtant, ces images bucoliques, ces phrases si paisibles à nos oreilles, dans la bouche de Jésus il y a 2000 ans étaient de véritables provocations pour les juifs auxquels il s’adressait. En effet, si on lit l’évangile seulement quelques lignes de plus, St Jean nous dit : « les juifs, à nouveau, ramassèrent des pierres pour le lapider ». Qu’a-t-il donc dit de si extraordinaire ? En fait, Jésus répondait à la question des juifs qui s’impatientaient : « est-tu le Messie, oui ou non ? »
(C’est à dire « est-tu le Christ  ? »). Au lieu de répondre « oui, je suis le Messie », il parle de ses brebis, mais ça revient au même ! car le peuple d’Israël se comparait souvent à un troupeau, on le voit dans plusieurs psaumes et dans beaucoup d’autres écrits bibliques. Et le Messie, tant attendu, était décrit comme un berger attentif et dévoué à son troupeau. En prenant cette image du berger, Jésus se déclare donc être rien moins que le Messie. Ses interlocuteurs l’ont très bien compris. Et il va même beaucoup plus loin, en déclarant, à propos de ses brebis, « je leur donne la vie éternelle, jamais elles ne périront, personne ne les arrachera de ma main ». Qui donc peut donner la vie éternelle ? n’est-ce pas Dieu seul ? et qui donc tient le peuple dans sa main ? N’est-ce pas là aussi une expression qui désigne Dieu ? les écrits de l’ancien testament qui emploient cette expression « être dans la main de Dieu » sont aussi très nombreux. Donc, si Jésus scandalise les juifs, c’est parce que non-seulement il prétend être le Messie, mais qu’en plus il affirme qu’il est Dieu ! Le plus grand des blasphèmes ! Et il termine sa réponse par : « Le Père et moi, nous sommes UN. », ce qui ne fait qu’ajouter encore au blasphème : En effet, chaque jour, tout juif ordinaire récite sa profession de foi qui commence ainsi : « écoute, Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est UN. » Il était insupportable d’entendre Jésus prétendre faire UN avec Dieu. Voyez, nous sommes bien loin, ici, des images bien gentillettes du joli petit mouton blanc et du bon berger. C’est le genre de phrases prononcées par Jésus qui vont le conduire à la mort.
La liturgie a choisi le dimanche où il est question de Jésus berger, pasteur, comme journée de prière pour les vocations. Pour toutes les vocations : prêtre, diacre, religieux, religieuse, mariés, célibataire consacrés… les formes ne manquent pas. Il existe bien des manières de s’épanouir en répondant à sa vocation propre. Mais parmi toutes ces vocations, il en est une toute particulière qui consiste à être le berger du troupeau.  Aujourd’hui, qui sont les pasteurs, les bergers, les guides du peuple de Dieu ? Ce sont nos prêtres, et plus particulièrement, dans chaque diocèse, l’évêque, lui-même prêtre. Le prêtre est, pour les hommes de tout temps, la figure du christ pasteur (le diacre, lui, est celle du christ serviteur). Prier pour les vocations au ministère de prêtre, c’est demander à Dieu qu’il interpelle des jeunes hommes, ou même des petits garçons, à consacrer leur vie à l’aimer, au point de désirer le servir en conduisant son peuple, son Eglise. Nous pouvons, nous devons, le demander à Dieu. Mais il ne nous est pas interdit d’interpeller nous-mêmes les jeunes hommes et les petits garçons que nous connaissons ! Car Dieu n’appelle pas depuis les nuages, par télépathie ou dans les rêves. Il ne peut agir que par nous, il a besoin des hommes pour se faire connaître et désirer. Comment un enfant saurait-il que Dieu l’appelle, si personne ne lui dit ?
C’est de notre responsabilité de parent, de grand-parent, d’ami… de chrétien, tout simplement, car nous manquons cruellement de prêtres, et ils sont indispensables à notre Eglise.
Mais tout de même, devant cette pénurie de prêtres, pouvons-nous pour autant nous sentir abandonnés si nous affirmons que notre vrai pasteur, notre vrai berger, c’est le Christ lui-même ? C’est bien ce que nous redisent toutes les lectures de ce jour. Jésus, notre berger, prend soin de nous comme d’un cadeau qu’il reçoit du Père. Alors, n’ayons pas peur ! « Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, la brûlure du soleil ne les accablera plus, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur pour les conduire vers les eaux de la source de vie. » Alors, changeons notre regard sur nos prêtres. Le rôle d’un prêtre n’est pas d’abord d’organiser la vie de sa communauté, même si les circonstances du passé l’ont présenté ainsi jusqu’à il y a peu de temps encore. Des laïcs sont déjà, parfois, et ils le seront de plus en plus, amenés à exercer cette charge. Ayons ce regard de foi : Le prêtre, berger, pasteur, est chargé de faire entendre, à temps et à contretemps, la Parole du Christ ressuscité, malgré les incompréhensions de son époque et de celle de St Paul, mais aussi de la nôtre ; malgré les dangers comme dans la lecture des Actes des apôtres. Si c’est toujours « à l’extérieur » de l’Eglise qu’il faut porter l’Evangile, c’est aussi « à l’intérieur ». Où est-elle, aujourd’hui, la joie des païens accueillant la prédication de Paul ? Or, c’est bien au cœur de communautés joyeuses, heureuses de vivre leur foi au christ, que pourront naître les vocations dont l’Eglise d’aujourd’hui, dans le monde tel qu’il est, a si grand besoin.
Amen !

Daniel BICHET,  diacre permanent
Avril 2007


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