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4° dimanche du Temps Ordinaire



(Homélie prononcée lors d'un week-end de diacres)



Qui ose aujourd’hui être prophète ?

C’est bien la question qui se pose ce matin à chacun d’entre nous, chers frères et sœurs, après la lecture des textes de ce dimanche.

Qu’est-ce qu’un prophète ? C’est celui que Dieu a choisi, afin qu’il parle en son nom.

C’est une bien une lourde responsabilité qui amène le prophète à faire preuve de courage, avec le risque d’être rejeté, voire même tué.

Les prophètes de l’Ancien Testament n’ont pas cessé de crier à tout le peuple d’Israël de rester fidèles au Seigneur. Bien souvent le peuple d’Israël refusait de les écouter, ce qui était la cause de ses malheurs. C’est la raison pour laquelle le Seigneur s’adresse à Jérémie pour lui dire « Je fais de toi, un prophète. Ne tremble pas devant eux, ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi, pour te délivrer ». Dieu ne cache pas au prophète Jérémie les difficultés qu’il va rencontrer, mais Dieu lui donne l’assurance qu’il ne l’abandonnera pas.

La mission du prophète est une mission dangereuse, car il est souvent seul contre tous, et il doit toujours prendre le risque d’une parole qui dérange.

Jésus le dit clairement dans l’Evangile que nous venons d’entendre, lorsqu’il parle d’Elie et d’Elisée.

Le prophète Elie n’a pu accomplir son miracle qu’en pays païen. Elisée n’a pu accomplir le sien qu’en faveur de l’étranger. Ces exemples que citent Jésus provoquent la colère des habitants de Nazareth, car cela revient à dire que les païens sont plus près du Salut que ceux qui se disent croyants. On sent bien là l’universalité du message de Jésus.

Tous ces gens ne supportent pas d’entendre Jésus parler ainsi, car ils comprennent bien que Jésus dénonce leur incapacité à accueillir un prophète, à reconnaître la parole de Dieu dans celle du prophète car pour reconnaître la parole de Dieu, il ne faut pas être enfermé dans ses certitudes, mais bien au contraire avoir un cœur ouvert. Or tout ce qu’ils trouvent à dire sur Jésus « C’est le fils du charpentier » on l’a connu tout petit. On a du mal à prendre au sérieux ce qu’il dit. Les paroles et les actes de Jésus sont parasités parce que les gens connaissent de lui, l’enfant du pays. On connaît bien toute sa famille, on ne va tout de même pas se laisser interpeller par lui.

Alors, Jésus va leur répondre « aucun prophète n’est bien accueilli dans son pays ». Ne nous arrive-t-il pas dans nos différentes paroisses d’avoir des idées toutes faites sur telle ou telle personne parce qu’on la connaît ou on connaît sa famille. Alors on enferme l’autre dans ce qu’on connaît de lui, on l’empêche de devenir autre. Il m’arrive d’entendre dans les équipes de ma Paroisse : « Ah ! pas untel, il ne vient jamais à l’église, pas l’autre il est divorcé, ou encore tu parles on connaît bien son père…. ».

Cet épisode met l’accent sur un piège : « Celui de croire qu’on connaît déjà ». Quand on croit connaître on n’a plus à apprendre.  Une des premières sagesses du chrétien ne serait-ce pas de reconnaître qu’il ne sait pas. Notre connaissance de Dieu, et de sa parole est limitée, on a toujours à apprendre. C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes venus ce week-end, afin de trouver les moyens d’approfondir cette connaissance de Dieu et de sa parole.

Dans l’Evangile, Jésus n’échappe pas au sort des prophètes, ses compatriotes le poussent hors de la ville, pour le précipiter en bas.

Mais qui sont aujourd’hui les prophètes ? On ne sait pas. On ne peut le dire qu’après coup.

Un prophète est quelqu’un qui joue sa vie. On n’est pas prophète quand on parle, bien tranquille, en sécurité derrière son bureau. C’est la vie et la personne même du prophète qui laisse voir Dieu.

Un prophète, excepté David, n’a pas de place assurée au sein du pouvoir institué. Aucun des prophètes de la bible n’a occupé un poste d’autorité. Pour le Christ, c’est sa parole qui faisait autorité et non pas son poste.

Un prophète n’a pas spécialement envie d’être prophète. Ceux de la Bible essayaient souvent de se défiler. Le seul roi dont on a dit qu’il était aussi prophète, David, n’a pas été choisi parmi ceux qui étaient là à espérer d’être nommés. Comme Amos, il était bien tranquille, derrière son troupeau, avant qu’on vienne le déranger pour le jeter dans de dangereuses aventures. Moïse ne se sent pas l’âme d’un chef, et lorsque Dieu lui demande de retourner vers Pharaon il est terriblement angoissé et il cherche mille excuses pour ne pas retourner en Egypte : « Excuse-moi, mon Seigneur, envoie, je t’en prie, qui tu voudras, mais pas moi, car je ne suis pas doué pour la parole ». J’aurai envie de citer ici, la phrase qu’avait choisie un diacre pour son ordination et qui illustre bien notre propos : « Dieu ne choisit pas des gens capables, mais il rend capable ceux qu’il choisit. »

De plus, un prophète à la manière biblique ne parle pas généralement de choses très positives. C’est même un râleur, ainsi quand tout va bien, le prophète est  celui qui met la chose en doute, mais quand tout va mal, quand la catastrophe est arrivée, que tout est fichu le prophète dit des paroles d’avenir, d’espoir et de courage.

Le prophète ne fait pas carrière : il accomplit une mission à un moment donné.

Mais ce qui est très important, c’est que sur tous les prophètes, repose un esprit, ou plutôt un souffle, le souffle de Dieu. C’est par le prophète que Dieu parle.

Alors, mes frères et sœurs, sommes-nous assez disponibles, sommes-nous assez désencombrés de nous-mêmes, de nos certitudes, de nos savoirs, pour laisser Dieu parler à travers nous, pour laisser Dieu s’incarner en nous, pour permettre à Dieu d’agir dans notre monde par nous.
Amen

Jean-Claude LE MAUFF, diacre permanent.
3 février 2013          



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