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3° dimanche de Pâques

Ac 5, 27-41 ; Ap 5, 11-14 ; Jn 21, 1-13

        Avons-nous bien saisi qui est l’homme qui se manifeste à ses disciples au bord de la mer de Tibériade ? Jésus de Nazareth, oui, certes. Mais Jésus ressuscité des morts, car nous nous situons dans le temps pascal, après sa mort sur la croix et sa résurrection.
        Des enquêtes contemporaines, conduites en France, dénombrent que seulement 58% des personnes se déclarant catholiques croient en la résurrection du Christ. Et parmi les pratiquants, un tiers se dit sceptique face à la résurrection de Jésus. Or la résurrection est l’épicentre de la foi chrétienne. Si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine, écrit Saint Paul. Depuis les premiers témoins oculaires, nous professons notre foi en Christ ressuscité.
        Cette difficulté ne date pas d’aujourd’hui. Il faut la regarder en face. Les différents récits évangéliques qui rendent compte avec audace de la résurrection, expriment une réalité intéressante : ceux qui ont bénéficié des apparitions peinent, surtout au début, à en rendre compte. Certains ont douté jusqu’à la Pentecôte. Preuve que les évangiles ne sont pas des récits arrangés, pour trouver une belle issue au drame de la croix. Et aujourd’hui, notre société contemporaine sécularisée n’est pas vraiment ajustée à cet acte de foi. L’idée d’un corps glorieux ressuscité est particulièrement compliquée à penser. Et que ce corps glorieux soit le chemin qui nous conduise au salut et à la vie divine fut compliqué dès la diffusion de la foi chrétienne dans le monde grec, et elle l’est tout autant de nos jours.
        Mais la foi n’est pas le fruit de notre unique effort pour nous convaincre de quelque chose. Si la foi fait bien appel à notre raison, à notre intelligence, elle est aussi un don de Dieu qui nous offre, mystérieusement par l’action du Saint Esprit, de nous relier au Seigneur, pour être disponible à la présence et à l’appel de Dieu, comme les disciples qui acceptent de lancer les filets sur les indications du mystérieux personnage situé sur la rive de la mer de Tibériade. La foi est expérimentale, elle se construit par la relation.
Ainsi, malgré les incrédulités de leurs interlocuteurs, l’assurance des premiers témoins s’affermit peu à peu, tel Pierre que nous avons entendu dans la 1ère lecture : il est pourtant devant le même sanhédrin qui a condamné Jésus à mort, quand il affirme « Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint ». Si Pierre et les disciples n’avaient pas vu, ni touché, ni mangé avec le ressuscité, ils n’auraient pas pu tenir une telle affirmation, ils n’auraient pas été fidèles jusqu’au bout. Ils ont bien rencontré le ressuscité au bord de la mer de Tibériade…
        Ce récit de l’évangile nous aide à affermir notre foi en la résurrection. J’en retiens trois éléments forts. Pierre et les disciples rencontrent le Christ ressuscité dans la simplicité d’une relation humaine, qui commence par les rejoindre dans leur travail, la pêche : 153 poissons sont pêchés. Ce nombre représentait, pour les naturalistes de l’époque, la totalité des variétés de poissons connus. Cette invitation rejoint le premier appel de Jésus à Pierre, invité à devenir pêcheur d’hommes. Il y a ici un signe d’universalité : l’attachement au Christ et à sa parole est une invitation du Seigneur à tout être humain.
        Puis le ressuscité partage avec eux un repas : « venez manger ». On ne peut pas inventer une telle simplicité. On ne peut pas la rêver non plus. Celui qui a vaincu la mort et qui est vivant partage un repas avec des gens comme nous. L’eucharistie que nous allons recevoir en est une manifestation toujours aussi réelle et tangible. Ce matin, nous sommes nous aussi au bord de la mer de Tibériade…
        Enfin vient ce dialogue inouï avec Pierre, et cette triple question : « m’aimes-tu » que le Christ nous adresse personnellement. Bien sûr, pour Pierre, on pense au pardon du triple reniement lors de l’arrestation, et à sa mission pour guider l’assemblée naissante des croyants, l’Église. Le texte original grec révèle ce que le français ne peut rendre compte. Les deux premières questions posées par Jésus font appel au verbe agapé, « m’aimes-tu », mais Pierre répond par un autre verbe, philéo, « oui, j’ai de l’amitié pour toi ». La 3ème fois, voyant que Pierre ne parvient pas à exprimer son amour, son agapé, le Christ se met à sa portée et reprend la réponse de Pierre : « alors, as-tu de l’amitié pour moi ? ». Jésus s’ajuste à Pierre qui devra faire encore un long chemin avant de pouvoir témoigner jusqu’au martyre de son amour, de son agapé, pour le Seigneur. Même si le dialogue n’a pas été prononcé en grec, l’évangéliste n’a pas inventé une telle subtilité.
        Cette rencontre du ressuscité au bord de la mer de Tibériade éclaire l’expérience de notre relation au Christ, relation qui se construit toute notre vie, avec cet immense respect du Christ sur là où nous en sommes dans cette relation. Le ressuscité ne force pas, il invite, il accueille, il offre. Même si la barque Église prend l’eau de toute part, même si telle facette de notre diocèse, de notre paroisse nous perturbe, nous déplait, l’attachement personnel et communautaire que nous avons avec le ressuscité est le socle de notre foi, ce qui nous réunit, ce qui nous pousse à agir.             Tout cela trouve son unique origine, son unique terme son unique sens dans le Christ ressuscité. Oui, chrétiens, nous croyons au Christ ressuscité !


Christophe DONNET, diacre permanent
Paroisse Saint-Benoît, Diocèse de Saint-Étienne
5 mai 2019


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