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3° dimanche ordinaire



       Ne 8, 1-4a.5-6.8-10 ;  Ps 18 ; 1Co 12, 12-30 ; Lc 1, 1-4; 4, 14-21



        « Nul n’est prophète en son pays » dit-on. Cette expression provient de la parole de Jésus qui suit le passage que je viens de lire.  Car après avoir refermé le livre, et dit à l’assemblée « Cette parole de l'Écriture, que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit » les gens se dirent entre eux : n’est-ce pas là le fils de Joseph ? Pour qui se prend-il pour prétendre une chose pareille ? Et que veut-il dire, ce fils de charpentier, et non-pas de rabbin ou de scribe, quand il prétend que c’est aujourd’hui que cette parole s’accomplit ?

        Mettons-nous un instant à la place des auditeurs de Jésus. Ces auditeurs, ce sont ses camarades d’enfance, les amis et connaissances de ses parents, qui l’ont vu grandir ; les membres de sa propre famille. Comment pourraient-ils comprendre que ce gamin qui a grandi parmi eux soit tout à coup investi d’une quelconque autorité religieuse pour déclarer avec assurance : « Cette parole de l'Écriture, que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit » ?
Et nous, qu’en pensons-nous ? Comment comprendre cette affirmation de Jésus ? Voyons-nous aujourd’hui cette parole accomplie ? Constatons-nous que la Bonne Nouvelle est apportée aux pauvres ? Peut-on annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres, et aux aveugles qu'ils verront la lumière ? Qui donc a apporté aux opprimés la libération ? Quelle est donc cette Bonne Nouvelle ?

        En premier lieu, remarquons que Jésus ne dit pas que la parole est accomplie, mais qu’aujourd’hui, elle s’accomplit. C’est une forme progressive. Nuance importante ! On comprend qu’à travers cette expression, la Parole est en marche, elle est en train de s’accomplir, elle n’en finit pas de s’accomplir. Elle ne fait pas du passé un temps révolu, où il existait des prisonniers et des opprimés qui seraient à présent libérés, des aveugles qui désormais verraient la lumière. Cet accomplissement continuel nous fait au contraire prendre conscience du présent. Aujourd’hui, cette parole s’accomplit.
Mais aujourd’hui, Jésus, qui est parole de Dieu, n’est plus physiquement parmi nous. C’est par son Eglise, par vous, par moi, par nous tous, que cette parole peut s’accomplir. Annonçons nous-mêmes, aujourd’hui, dans ce temps présent, aux prisonniers la libération, aux aveugle la vision de la lumière, à ceux qui souffrent, le soulagement, aux pécheurs le pardon.

        Comprenons bien qu’une fois de plus, Jésus se place au niveau spirituel. Si, par ses nombreuses guérisons que les Évangiles nous racontent, il a bel et bien guéri les corps, c’est toujours en vue d’une guérison des cœurs, des âmes. La guérison physique n’est que le signe de la guérison spirituelle qui nous est proposée. Nos fragilités, qui sont bien plus larges que nos seules maladies ou infirmités, peuvent trouver un apaisement, un réconfort par la Parole de Dieu qui s’accomplit aujourd’hui.

        Notre monde matérialiste, dans lequel nous sommes bien obligés de vivre, et auquel nous ne pouvons nous extraire, a bien du mal à comprendre cela. Et pourtant, combien de témoignages pourraient l’aider à entrer dans cette compréhension ! Je regardais l’autre jour sur KTO un reportage tourné dans des hôpitaux de Nantes et St Nazaire. Vous l’avez peut-être vu vous aussi. Ce reportage intitulé « comme un souffle fragile » nous fait partager la mission des bénévoles des aumôneries des hôpitaux, et particulièrement l’accompagnement des personnes en fin de vie ou atteints de maladies incurables. En regardant ce reportage, on vit pleinement cette affirmation de Jésus : « c’est aujourd’hui que cette parole s’accomplit ». Les personnes malades que nous rencontrons au fil de l’émission ne sont certes pas guéries au bout des 52 minutes. Peut-être même, quelques-unes sont-elles déjà mortes. Mais la présence aimante, écoutante, réconfortante des bénévoles leur a apporté, je crois pouvoir l’affirmer, une véritable libération. Malgré la souffrance, toujours présente, malgré l’approche inéluctable et imminente de leur mort, ces personnes malades vivent une guérison de leurs peurs, de leurs angoisses, de leur solitude. Car la maladie et la souffrance n’ont jamais le dernier mot, même si les apparences montreraient le contraire.

        Mais, je le disais, notre monde matérialiste a oublié cela. C’est pourquoi il est plus que jamais nécessaire de le rappeler. C’est dans ce but que le troisième colloque national « fragilités interdites » se tiendra cette année à Nantes dans quelques jours. Le nom même choisi pour cette grande rencontre annuelle en dit long du regard de notre société sur les aspects les plus fragiles de ce qui nous constitue humains.  « Fragilités interdites » sonne comme un cri d’alarme. Une société qui néglige, ou qui rejette comme honteux ce qui est fragile en chacun de nous est une société qui va mal. Une société où l’individu tout puissant, la force, la bonne santé, le bien-être personnel deviennent des valeurs suprêmes, a besoin de s’entendre dire à nouveau « c’est aujourd’hui que cette parole s’accomplit : annoncez aux opprimés la libération, aux aveugles qu’ils verront la lumière, aux plus fragiles qu’ils sont aussi aimés de Dieu ».
 St Paul nous l’a rappelé tout à l’heure dans sa fameuse comparaison du corps et de ses membres : Chacun de nous a besoin de tous, et tous nous avons besoin de chacun, car nous constituons ensemble un corps, et ce corps va mal quand l’un de ses membres est souffrant. Nous sommes le corps du Christ. C’est ce même corps dont il est question dans la première lecture. Ce peuple de Dieu, au retour de son exil, de cette longue déportation qui l’a dispersé, redécouvre sa Loi et s’en trouve réunifié, célébrant dans une très grande unité, hommes, femmes, enfants, vieillards, la liturgie de la Parole de Dieu retrouvée. Unité dans la diversité, à l’image de chacun des membres du corps.

        On perçoit ici les limites de l’individualisme ambiant qui voudrait faire de chacun un individu indépendant de tous les autres. Qu’on le veuille ou non, nous sommes tous dépendants les uns des autres. Mais cette dépendance n’est pas un obstacle, bien au contraire ! Car c’est au cœur de cette dépendance que peut surgir l’amour. C’est donc une bonne nouvelle ! et nous devons l’annoncer autour de nous, car c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit : portons la Bonne Nouvelle aux pauvres, annonçons aux prisonniers qu'ils sont libres, et aux aveugles qu'ils verront la lumière, apportons aux opprimés la libération !

        Amen !


Daniel BICHET, diacre permanent.
Gétigné et Clisson, 27 janvier 2013




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