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33° dimanche du Temps Ordinaire


Ml 3, 19-20 ; Ps 97 ; 2 Th 3, 7-12 ; Lc 21, 5-19

(Messe célébrée pour l’association « Voir Ensemble », diocèse de St-Etienne)

        Inquiétant, déroutant, n’est-ce pas, ce passage d’Evangile que nous venons d’entendre ! « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit ». Les contemporains du Christ admiraient le temple de Jérusalem, lieu par excellence du culte, de la présence de Dieu. Il a fallu plus de 40 ans pour le construire. Ce temple, témoin du génie des hommes et de leur quête de Dieu, sera détruit par les armées romaines en 70, soit une quarantaine d’années après que Jésus ait prononcé ces paroles. En ce sens, l’annonce de Jésus s’est réalisée.

        Mais cet épisode du temple a en fait une portée et une signification plus larges. Nous savons que, dans notre monde, il y a de belles choses, des constructions grandioses qui révèlent la capacité de l’être humain à édifier. Nous avons conscience des connaissances que les hommes ont laborieusement accumulées, au prix d’efforts sur plusieurs siècles pour déchiffrer le fonctionnement de l’univers, en comprendre les mécanismes. Cela fait partie de la création. Dieu a voulu l’homme créateur, chercheur et bâtisseur. Et les hommes y consacrent du savoir, du temps, de l’énergie. Ce que Jésus nous dit, dans ce récit, c’est de ne pas vouer un culte à ce que les hommes ont découvert ou façonné, aussi grandiose soit l’œuvre. Vouer un culte à ce que l’on trouve, à ce que l’on produit, à ce que l’on construit, à ce que l’on achète, revient à nous situer sous l’emprise de l’objet. L’homme y perd son humanité, sa dignité et, d’une certaine manière, sa liberté.

        Jésus nous invite au contraire à garder le cap que Dieu a fixé pour sa création qu’il nous confie. Garder ce cap signifie adopter deux attitudes essentielles.
La première attitude est de ne pas se laisser égarer : « prenez garde de ne pas vous laisser égarer » dit Jésus. La seconde attitude est de persévérer dans l’action au service du projet de Dieu sur notre monde : « C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie » dit Jésus.

        Première attitude : ne pas se laisser égarer. Car notre monde est friand de catastrophisme. En tapant « fin du monde » sur Google, j’ai trouvé 9 720 000 résultats. Une vie ne suffirait pas à lire toutes ces références … Au contraire, Jésus ne cherche pas à faire du catastrophisme. Il nous propose de prendre de la hauteur. Au cours du temps, l’univers créé par Dieu suit une évolution, de l’infiniment simple vers l’infiniment complexe, du minéral jusqu’à l’homme. Et plus on avance dans le temps, plus l’homme, dans sa liberté, développe des capacités de construction mais aussi de destruction, plus il est capable de s’élever, plus il est capable de s’anéantir. Jésus nous invite à maintenir le cap de l’édification, à discerner ce qui, dans la vie des hommes, dans notre vie, agit dans le sens du projet de Dieu, et ce qui agit dans le sens opposé. D’un côté, construire un monde juste, fait de relations d’amour, de fraternité, de justice et de paix. D’un autre côté, laisser agir le mal, la haine, l’injustice et la guerre. Pire : les cultiver. Le message essentiel que Jésus nous livre ici est un message de mobilisation et d’espérance. Il ne cherche pas à nous faire peur. De toute manière, il suffit d’être attentif aux événements de l’histoire, aux événements actuels, pour être convaincu, si cela était encore nécessaire, que le mal et la souffrance sont présents et l’ont toujours été. Jésus nous dit que ces événements font partie de l’enfantement du monde, de sa croissance matérielle et spirituelle, mais que, au-delà de ces événements, l’univers a un sens et ce sens est celui de la Vie voulue par Dieu. Tout ce qui détruit n’a aucun avenir en Dieu : aucune racine, aucune branche n’en subsisteront à terme, comme le crie haut et fort le prophète Malachie dans la première lecture. Ce texte date du retour d’exil des juifs de Babylone, au cours du 5ème siècle avant JC. Le temple a été reconstruit. Tout semble aller pour le mieux. Et pourtant, Malachie s’insurge contre les potentats qui ne respectent ni les hommes, surtout les pauvres, ni le culte retrouvé dans la ville sainte.

        Seconde attitude : persévérer pour obtenir la vie. Si tout est voué à la destruction, comment maintenir l’effort ? Comment garder le goût d’agir ? C’est exactement à cette question que l’apôtre Paul répond dans sa lettre aux Thessaloniciens. Cette lettre fait partie des premiers Ecrits du Nouveau Testament. La première génération de chrétiens vivait dans l’attente imminente du retour du Seigneur et de la fin des temps. Ces chrétiens avaient décidé de ne plus rien faire, préféraient attendre les bras croisés que le Royaume de Dieu advienne : dans une telle circonstance d’attente, à quoi bon œuvrer ? La réponse de Paul est sans appel : il n’est pas bon de relâcher l’effort. « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus ». Cette maxime est un appel à la cohérence dans sa vie. Si l’on ne participe pas, à la mesure de ses moyens, à la construction du monde, la vie perd de son sens, au point qu’il devient inutile de se nourrir pour la maintenir. L’affirmation est radicale : il nous faut agir pour faire progresser le monde jour après jour, le rendre plus fraternel, et ne pas céder au fatalisme.

        Pour cela, ne cherchons pas de grands desseins. Construisons jour après jour le monde par des petits gestes simples et signifiants. Des gestes accomplis par des millions de gens ordinaires qui s’engagent pour lutter contre les fléaux, contre les injustices, contre les formes de pauvreté, contre les handicaps de toute nature. « Voir ensemble » contribue, à sa manière, à votre manière, à œuvrer pour apporter de la solidarité, de la fraternité, de la chaleur humaine, du sens à la vie des mal-voyants et des non-voyants. Tous ces gestes sont indestructibles et participent à l’avènement du « Jour du Seigneur ». Par votre exemple, vous nous aidez tous à faire advenir ce « Jour du Seigneur » qu’il ne s’agit pas d’attendre comme l’ouverture des soldes ou la prochaine coupe du monde, mais que nous édifions progressivement.

        Tel est le message que Jésus nous adresse aujourd’hui. Il vient lui-même jusqu’à nous, dans cette Eucharistie, pour nous rappeler que notre être et notre agir ont du sens et de la consistance, et que nous pouvons faire confiance au Christ, nous appuyer sur lui pour ne pas nous égarer, mais pour persévérer sur le chemin de la Vie que Dieu nous propose.


        Christophe Donnet, diacre, aumônier de « Voir Ensemble », St-Etienne


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