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30° dimanche du Temps Ordinaire

Si 35, 12-14.16-18 ;  Ps 33 ; 2Tm 4, 6-8.16-18 ; Lc 18, 9-14

        Décidément, l’Evangile n’est pas un livre ancien et poussiéreux, une pièce archéologique à garder sur une étagère ! Il nous parle encore aujourd’hui d’une manière tellement actuelle qu’on pourrait croire qu’il a été écrit pour notre temps. Le texte d’aujourd’hui nous en donne une preuve de plus. Dès l’introduction de ce passage de l’évangile selon St Luc, on peut se sentir concerné, nous, aujourd’hui : « à l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres… » Cette actualité pourrait même nous sembler désespérante, tant elle montre combien le cœur de l’homme a peu évolué depuis 2000 ans…
En relisant ce passage, même s’il nous est familier, on peut y entendre une allusion à toutes nos difficultés à nous défaire de notre orgueil.
        « Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, et l’autre, publicain… ». Quand, dans un récit, on met en scène deux personnages, on les choisit souvent de manière à ce qu’ils soient très typés, très marqués, et si possible, opposés. Non pas pour stigmatiser une catégorie de personnes, mais pour mieux marquer les oppositions que l’on veut souligner, en les caricaturant. Pour les auditeurs de Jésus, spontanément, le pharisien incarnera le « bon » et le publicain le « mauvais ». Le pharisien, c’est celui qui a « tout bon ». C’est un dignitaire, un homme bien considéré. Il pratique le jeûne et la dîme, il est pieu et généreux. De belles qualités ! Le pharisien, c’est un type bien ! Quant au publicain, on connaît ses activités : récolter les impôts pour les romains et se servir grassement au passage. Ce travail consistant à s’enrichir sur la misère du peuple et au profit de l’occupant étranger était évidemment très mal vu par les contemporains de Jésus. Le publicain est donc a priori une personne peu sympathique.
        Voilà l’image qui est dans la tête des auditeurs de Jésus dès le début de sa parabole. Mais la fin de l’histoire fait basculer les rôles. Les représentations sont inversées par la conclusion du récit. Car finalement, aux yeux de Dieu, c’est le publicain qui sort grandi, et non le pharisien. En effet Jésus nous fait comprendre que si l’homme porte un jugement immédiat sur l’apparence, la surface des choses, Dieu, lui, juge sur les profondeurs, il scrute les cœurs des personnes.
   
        Qu’est-ce qui plaît à Dieu, finalement ? Tous les textes de ce jour nous le disent !
         « le Seigneur […] écoute la prière de l’opprimé. Il ne méprise pas la supplication de l’orphelin, ni la plainte répétée de la veuve ». C’était la première lecture, du livre de Ben Sira le sage. Et le psaume 33 que nous venons de chanter : « Le Seigneur entend ceux qui l’appellent : de toutes leurs angoisses, il les délivre. Il est proche du cœur brisé, il sauve l’esprit abattu. » Le psaume 50 le dit ainsi : « Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé. » Ainsi, l’esprit brisé de ce publicain qui reconnaît sa petitesse et son péché, face à ce Dieu si grand et si miséricordieux, cet esprit brisé, abattu, vient toucher le cœur même de Dieu.

        Oui, tous ces textes nous redisent à leur manière que Dieu est miséricorde. Miséricorde, un mot qui qualifie Dieu, et que nous avions oublié, relégué dans la désuétude d’un jargon trop spécifiquement chrétien, que les pratiques ont un peu trop hâtivement remplacé par « amour » pour ne pas effrayer.

        « Dieu est miséricorde », c’est la première manière de désigner Dieu dans la prière que dit le musulman, 17 fois par jour. Une femme d’origine marocaine, lors d’une conférence devant les diacres du diocèses il y a quelques jours, nous a confié sa traduction littérale de cette phrase que nous traduisons habituellement par « Dieu, le Miséricordieux » : Elle commence sa prière par « Dieu, amour nourricier et protecteur ». En effet, le mot de la Bible qui a donné par traduction « miséricorde », désigne, dans les langues anciennes orientales, la matrice, c’est à dire l’utérus, le lieu où séjourne l’enfant pendant 9 mois ; la matrice, lieu promesse de vie.
Ce mot « miséricorde », que le pape François nous a permis de redécouvrir en instituant cette « année de la Miséricorde » qui s’achève, dit bien, en effet, qui est Dieu. Cet amour protecteur et nourricier qui donne vie, caractéristique à la fois d’un père et d’une mère. Pour expliquer aux enfants ce qu’est la miséricorde, on dit parfois que « Dieu est un père qui aime avec un cœur de mère ».
        C’est donc la miséricorde qui fait du publicain un juste, lui qui est pécheur. C’est la même miséricorde qui fait de nous des justes, malgré notre péché. Mais pour cela, il a fallu que le publicain se fasse humble, se reconnaisse pécheur. Il a fait la démarche de se placer en vérité devant Dieu, de reconnaître sa faiblesse, sa précarité. On peut d’ailleurs noter que précarité et prière ont la même racine.

        « Celui dont le service est agréable à Dieu sera bien accueilli, sa supplication parviendra jusqu’au ciel. » nous disait Ben Sira le Sage. Le service du pharisien, le jeûne et l’aumône, sont-ils donc des services qui ne sont pas agréables à Dieu ? Ce pharisien, qu’a-t-il donc fait qui déplaise à Dieu ? En fait, il n’a pas prié. Il montait au temple pour prier, mais ce qu’il a dit n’était pas une prière. C’était une auto-glorification, une auto-satisfaction. Il s’est contenté de se regarder lui-même et de se satisfaire, de se contempler lui-même, au lieu de contempler Dieu.
        Je ne résiste pas à l’envie de citer ici Marie-Noëlle Thabut, bibliste bien connue des médias chrétiens. Voici ce qu’elle écrit dans un des volumes de sa série « l’intelligence des écritures » : « On peut imaginer un journaliste à la sortie du temple avec un micro à la main. Il demande à chacun des deux ses impressions : « Monsieur le publicain, vous attendiez quelque chose de Dieu en venant au temple ?  - Oui. – Vous avez reçu ce que vous attendiez ? – Oui, et plus encore » répondra le publicain. – « Et vous, Monsieur le pharisien ? – Non, je n’ai rien reçu »… un petit silence et le pharisien ajoute : « mais je n’attendais rien non-plus. » »

        Jésus conclut sa petite histoire par ces mots : « Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. » la miséricorde de Dieu, qui s’applique à tous, ré-équilibre les choses, rétablit les valeurs que nous avons parfois mal comprises, mal situées. Que nous soyons pharisien, pieu et généreux, ou publicain, traître et malhonnête, Dieu n’attend que notre soif de lui. Mettons-nous dans l’attitude humble de celui qui attend tout de Dieu, avec un cœur de pauvre. Dieu ne peut pas donner à celui qui arrive les mains déjà pleines et le cœur rempli de lui-même. La miséricorde ne peut remplir que les manques et combler que les désirs ; elle ne peut étancher que les soifs et rassasier que les faims.

        Amen !

Daniel BICHET, diacre permanent
Clisson et St Lumine de Clisson
23 octobre 2016

 
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