Année C
Sommaire année C
retour vers l'accueil2° dimanche ordinaire
Is 62, 1-5 ; Ps 95 ; 1Co 12, 4-11 ; Jn 2, 1-11
Dans les ruelles de la vieille
ville arabe, bien restaurée, on découvre en premier, devinez quoi, tous
les étals de vin de Cana… Et puis dans l’église franciscaine, on trouve
quelques vieilles jarres en terre, après tout, pourquoi ne se
laisserait-on pas gagner par le récit de cette noce de village ?
Comment ça me parle aujourd’hui ?
Qu’en retient-on le plus souvent
? : le vin bien meilleur à la fin qu’au début ? et puis, comme moi,
vous ne cherchez pas la mariée ? on n’en parle pas… C’est que ce texte
n’est pas seulement l’histoire d’un mariage entre un homme et une
femme, avec quelques péripéties gastronomiques, où le vin coule
généreusement puis vient à manquer ; c’est la parabole des noces de
Dieu avec l’humanité toute entière, pas seulement quelques privilégiés.
Isaïe nous en donne la clé : « Celui qui t’a construite t’épousera…
Comme la jeune mariée est la joie de son mari, tu seras la joie de ton
Dieu » et encore « …on ne t’appellera plus la délaissée mais ma
préférée, mon épouse » Toute au long de la Bible la relation de Dieu
avec son peuple est raconté comme une histoire d’amour : fiançailles,
tendresse, infidélité, colère, retrouvailles... Un autre nom nous est
peut-être plus familier : l’Alliance ?
Jésus est venue renouer
l’alliance entre Dieu et son peuple, entre Dieu et l’humanité tout
entière. Il n’y a plus que de l’eau et voici le vin nouveau. Tout le
récit est centré sur Jésus, qui se révèle le véritable époux qui
apporte le vin nouveau. C’est Lui qui offre le vin le meilleur C’est
lui dont Marie dit : « Faites tout ce qu’il vous dira ». Oui l’époux
c’est Jésus et la mariée c’est nous rassemblés en Eglise ce matin
(soir).
Jésus renouvelle les rapports
entre les hommes. N’est-il pas la source de ce que nous appelons
aujourd’hui les droits de l’homme. Les valeurs qu’il a apportées font
maintenant partie de notre société au point qu’on peut en oublier les
origines. Nous sommes appelés à être témoin de ces noces en nous
laissant épouser par Dieu pour goûter à sa joie. Entrer dans ce monde
nouveau, inauguré par l’alliance, nécessite un changement radical. Et
Jésus l’affirmera : « A vin nouveau, outres neuves »
Mais ce vin qui, soudain, se met
a manquer qu’est-ce que ça me dit ? C’est le symbole de l’amour qui,
hélas, finit parfois par s’épuiser dans nos couples, dans nos familles,
dans nos groupes, nos sociétés : « Ils n’ont plus de vin » n’est-ce pas
aussi l’expression de tous nos vides : nos insatisfactions, nos échecs,
nos déceptions, nos épreuves, nos désespoirs, nos intolérances… autant
de jarres vides ? « Ils n’ont plus de vin » c'est: ils n'ont plus de
joie, d’amitié. Ils n’ont plus de liberté, de dignité, de
reconnaissance. Ils n’ont plus de logement, ils n’ont pas de
papiers…ils n’ont plus de terre, ils n’ont pas de pays ou ils n’ont
plus de famille ; tous ces migrants et ces réfugiés jetés à la mer et
sur les routes de l’exil. "L'indifférence et le silence ouvrent
la voie à la complicité quand nous assistons en spectateurs aux morts
par étouffement, par privations, par violences, par naufrages".
Aujourd’hui les migrations sont
au centre d’enjeux et de surenchères qui posent la question de
l’ouverture à l’autre…
Le Dieu de Cana c’est le Dieu du
bonheur qui peut changer notre eau banale et fade en vin généreux et
bon. Jésus ne lance-t-il pas un défi à la tristesse, à toute détresse :
son 1er miracle a été de redonner du bon vin à un repas de mariage.
Aujourd’hui qu'avons-nous à changer et à donner ? Migrants et réfugiés
nous interpellent en ce dimanche !
François a invité les
catholiques, chaque paroisse, de notre continent à accueillir des
réfugiés. Accueil qui divise les Français ! le pape va-t-il secouer les
consciences, nous réveiller ?
L’accueil des migrants se
pratique depuis très longtemps. De nombreuses associations,
institutions, paroisses sont engagés auprès d’eux et les aident
concrètement dans leur démarches administratives pour trouver un
logement, les nourrir, les vêtir, les aider à trouver un travail. Je
pense au Conseil national de solidarité qui regroupe les organismes
caritatifs chrétiens. Des cellules d’accueil, des équipes de
coordination se sont mises en place, des paroissiens des bénévoles se
sont mobilisés, regroupés, offrant de leur temps, leurs compétences… en
donnant des cours de français car tout un accompagnement s’avère
nécessaire. Attention aux faux alibis tel que l’appartenance
religieuse pour éviter de se mobiliser et d’ouvrir ses portes à
l’étranger. Et puis ces mouvements populistes qui prospèrent sur la
peur du migrant… ça devrait nous inquiéter : n’observe-t-on pas un
décalage chez des partis qui affirment puiser leurs valeurs dans
l’Évangile et leur attitude concrète face aux migrants. Ce n’est pas en
se barricadant chez soi qu'on trouvera des réponses communes. En
réalité il n’y a pas l’afflux de migrants que disent les médias.
Ces partis populistes déforment la réalité, la manipulent et agitent
des peurs infondées. Restons vigilants et « changeons notre regard et
notre discours sur les migrants, nous invite encore François. Il nous
faut cesser de considérer ces personnes comme des agresseurs dont on
doit avoir peur »
Dans un communiqué, Jean-Michel
Di Falco, évêque de Gap, expliquait avoir « honte » de son Pays « qui a
plus de 50% refuse l’accueil des exilés. Honte de certains responsables
politiques qui tiennent des propos inqualifiables lorsqu’ils parlent de
ces gens là !, comment ils les désignent avec mépris. Honte des
chrétiens prompts à descendre dans la rue pour d’autres causes, mais
qui semblent ignorer cette tragédie. Mais qu’est donc devenue la Manif
pour tous ? Si elle est pour tous elle est aussi pour les migrants ! ! »
En même temps comment ne pas se
réjouir de la capacité de beaucoup à se mobiliser, à poursuivre le
dialogue inter religieux (que nous essayons actuellement de relancer
sur le quartier). Ces situations font aussi renaître les sentiments de
solidarité de générosité.
Ne faut-il pas déployer une
réflexion pastorale, avec des points d’appui, de relecture de ce qui
est vécu concrètement autour de nous ?…
Que serait l’héritage du christianisme s’il se fermait devant le pauvre, l’étranger à sa porte ? ?
Vivre dignement est un droit
humain fondamental et, pour y parvenir l’émigration est souvent
nécessaire. Notre action près des migrants est un devoir de solidarité
et de fraternité !
Interpellés… quelle réponse
allons-nous apporter ? laissons-nous embrasser par la miséricorde de
Dieu. A chacun selon ses possibilités : « faites tout ce qu’il
vous dira »
Quel petit, tout petit miracle
vais-je tenter de réaliser autour de moi pour que le monde aille un peu
mieux, et changer les eaux troubles de notre quotidien en vin de fête ?
Ce matin (soir) présentons au
Seigneur nos jarres vides, nos mains vides, nos cœurs vides pour que
l’Epoux les remplisse de générosité, de miséricorde et d’un amour
nouveau.
François CORBINEAU, diacre permanent
17 janvier 2016
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