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2° dimanche ordinaire

Is 62, 1-5 ; Ps 95 ; 1Co 12, 4-11 ; Jn 2, 1-11


        Seul Jean l'évangéliste nous restitue les noces de Cana. Il ne présente pas cet épisode comme un miracle, mais comme un signe. Quelle différence ? Un miracle requière généralement la foi préalable de celui qui en bénéficie, ou de témoins. Le signe ne requière pas une foi préalable, mais il suscite la foi dès lors qu'il est accompli. Le signe est ainsi un don qui montre la gratuité et la surabondance que Dieu communique aux hommes. Cana est le premier des sept signes accomplis par Jésus, afin que nous croyions, comme Jean l'écrit lui-même à la fin de son évangile.
        Si la foi des invités aux noces n'est pas requise, la confiance de Marie s’est néanmoins manifestée : « tout ce qu’il vous dira, faites-le », comme en écho à sa confiance lors de l’Annonciation « que tout se passe pour moi selon ta parole ». Cette confiance renvoie à la parole Jésus : « Puisez maintenant ! ». Parce que nous avons toujours confiance, ce « maintenant » nous est toujours adressé aujourd’hui, et en particulier dans cette église où nous sommes rassemblés.
Ce récit de Cana précise des éléments étonnants. Pourquoi indiquer qu’il y a six jarres en pierre, remplies d’eau à ras bord, pour la purification rituelle, et non pas pour consommer ? Pourquoi Marie intervient-elle dans un dialogue étrange avec son fils ? Pourquoi les mariés sont-ils laissés de côté dans ce récit de noce, sauf à la fin où le marié est interpellé par le maître du repas ? Quelle révélation Jean veut-il donc nous transmettre ? Certainement, ce récit nous dit quelque chose du Christ qui vient accomplir l’Alliance de Dieu avec les hommes, à partir d’Israël jusqu’à l’humanité tout entière.
Méditons ensemble quelques paroles de ce récit, pour aider notre foi d’aujourd’hui…
        Marie ne dit pas « il n’y a pas de vin », mais « ils n’ont pas de vin ». Sans lui demander explicitement de faire un miracle, Marie met Jésus comme en présence d'une détresse humaine, une détresse d’Israël, une détresse symbolisée par un repas de noces sans vin, ce qui est inconcevable. Autrement dit, sans le Christ, Israël et l’humanité ne peuvent pas vivre le festin des noces. Or, dans la Bible, le festin des noces est l’événement qui célèbre la rencontre définitive entre Dieu et l’humanité.

        « Femme, que me veux-tu ? … ». Il faut entendre ici autre chose que de la condescendance. Jésus, s’il agit, ne se déterminera pas en fonction d’une requête humaine (fut-elle de Marie), mais il va introduire une nouveauté. Il va combler l’attente d’Israël en dépassant cette attente.
« Mon heure n’est pas encore venue ». L’heure, chez Jean, est le moment où va s’accomplir définitivement le salut de l’humanité. Cette heure, c’est la croix et la résurrection. Mais dès le début de son ministère public, par ce premier signe, Jésus anticipe cette heure, qui sera l'heure de gloire. Il ne faut pas comprendre "gloire" au sens mondain de "célébrité", mais au sens sémitique, c'est-à-dire le poids, l'importance, le rayonnement.

        « Quoi qu’il vous dise, faites-le ! ». Cela rappelle la confiance du peuple rapportée par Isaïe « tout ce que dit YHWH, nous le ferons » (Is 19, 8 ; 24,3.7). Marie et les serviteurs sont comme Israël accueillant les conditions encore inconnues de l’alliance nouvelle et définitive. Jésus fait alors remplir d’eau 6 jarres de purification (il en manque une pour atteindre le chiffre 7 de la perfection), des jarres remplies d’eau à ras bord, comme si Israël, malgré cette imperfection, était alors allé au bout de ce qu’il pouvait donner face aux attentes de Dieu. Les jarres sont remplies de l’eau de la création, une eau devenue par Israël l’eau de la purification, première étape vers le salut. Mais il manque le vin des noces !

        « Puisez maintenant ». Jésus ordonne de puiser. Le moment est inaugural et s’actualise toujours au long de la vie de l’Eglise. Cette invitation à puiser « maintenant » indique que cette découverte du vin nouveau continue toujours. Jésus transforme cette eau de purification en un vin qui inaugure le Royaume. Jésus n’a pas fait le vin à partir de rien, mais à partir d’eau de purification. « Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir », dira-t-il par ailleurs.

        C'est alors que le maître du repas goûte « l’eau changée en vin ». Le signe n’est donc pas le vin en soi, mais l’eau de la purification d’Israël changée en vin du royaume. Les serviteurs avaient pourtant « puisé l’eau », nous dit Jean qui n'écrit pas que les serviteurs puisèrent du vin. La transformation demeure non visible pour l’assistance, comme la résurrection le sera. Le maître du repas seul constate en goûtant. Les serviteurs ont vu. Les disciples ont cru. L’obéissance des serviteurs, guidés par Marie, met en lumière la mission d’Israël pour que l’humanité soit préparée aux noces par le Christ. « Toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant », dit le maître du repas au marié. Par la parole du maître du repas au marié, Israël se tourne alors vers Dieu pour s’étonner que le don prévu à la fin des temps soit déjà là, par l’intervention du Christ Jésus. Le maître du repas atteste, oriente vers celui dont dépendent les noces : le marié. La noce n’existe pas sans le marié. Le Royaume n'existe pas sans Dieu. Le maître du repas nous signifie donc que Dieu, après avoir longtemps attendu, a exaucé le désir profond d’Israël : les noces sont parfaites, le Christ est parmi nous !

        Depuis Cana, nous sommes entrés dans le temps de Dieu, même si nous poursuivons notre pèlerinage terrestre. Le baptême anticipe notre vie d’enfant de Dieu. Après avoir puisé dans la Parole de Dieu, puisons maintenant dans l’Eucharistie. Notre rencontre avec le Seigneur a déjà commencé. Comme à Cana, demeurons au cœur de cette rencontre.


Christophe DONNET, diacre permanent
Paroisse St Benoît, diocèse de Saint-Etienne.
17 janvier 2016



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