Année C
Sommaire année C
retour vers l'accueil
29° dimanche du Temps Ordinaire

Lc 18,1-8


Frères & sœurs,
Le thème qui me paraît traverser les lectures de ce jour est celui de la prière. En effet, dans la première lecture, même si le mot « prière » n’est pas explicitement nommé, il semble bien que ce soit grâce à la prière de Moïse que le peuple l’emporte sur ses adversaires. Mais ne tombons pas dans la magie qui nous ferait penser qu’il suffit d’avoir les bras levés au ciel pour que nos prières soient exaucées. Il ne s’agit pas de cela, au contraire, Moïse n’y est pas arrivé tout seul, il a eu besoin de son frère Aaron et de Hour pour tenir le coup. C’est ensemble qu’ils invoquent Dieu, qu’ils espèrent en la victoire de leur peuple, un peu comme s’ils portaient leur peuple à bout de bras, grâce à la prière. Voilà une belle image pour illustrer ce qui me semble être la prière : (c’est) porter à bout de bras ceux pour qui nous prions. Et cela nécessite un certain effort, comme le laisse supposer le récit que nous avons entendu.
Non cela n’est en rien magique ! En effet, je suppose que nous en avons tous fait l’expérience : croire en la réussite d’un projet aide grandement à sa réalisation ; même chose pour la maladie : la foi du malade contribue en grande partie à sa guérison ; idem pour les sportifs : le fait de croire fortement en la victoire leur permet de se transcender et de dépasser leurs limites. C’est ce qui se passe aussi pour le peuple d’Israël : le fait de savoir que Moïse, Aaron et Hour prient pour eux pendant qu’ils combattent, leur donne des forces insoupçonnées dans lesquelles ils vont puiser pour réussir finalement à vaincre leur adversaire.
De même, quand nous savons que quelqu’un pense à nous très fort alors que nous avons une chose difficile à faire ou  à vivre, nous nous sentons plus fort, plus sûr de nous, nous pouvons nous surpasser et réussir ce qui, au départ, nous paraissait impossible. Le fait de nous sentir accompagné, soutenu de l’intérieur nous aide à gagner en confiance en nous ; en fait, c’est une question de foi. Comme le dit Jésus, il suffit de peu de foi, gros comme une graine de moutarde et vous déplacerez les montagnes. Car la foi, le fait d’y croire, de croire en soi, aux autres, à l’action bienfaisante de Dieu dans notre vie et savoir qu’on croit en nous, tout cela nous aide à oser, à dépasser nos peurs qui souvent nous paralysent.
Voilà donc pourquoi Jésus se demande dans l’Evangile d’aujourd’hui, « s’il trouvera encore la foi sur la terre quand il reviendra » ? Mais attention, il y a une ambigüité dans cette parabole ! Nous risquons en effet d’entendre cette parabole comme une invitation à casser les oreilles de Dieu pour obtenir ce que nous voulons, comme cette veuve opiniâtre qui a obtenu gain de cause à force d’insistance auprès du juge. Or Dieu n’est pas comme ce juge ! Jésus le dit clairement à la fin de la parabole : Dieu, à la différence du juge, est prompt à répondre à nos prières, et quand il le fait, ce n’est pas pour qu’on cesse de l’importuner ! Ce serait faire un contresens total que de comprendre cette parabole ainsi. D’ailleurs Jésus le dit dans d’autres Evangiles, notamment chez Matthieu (Mt 6, 7-8) : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé ».
Frères & sœurs, si nous pouvons prendre de la graine de cette veuve qui crie sans se décourager, c’est parce qu’elle a foi en ce qu’elle demande, elle y croit vraiment, alors que le juge, lui,  n’est là que pour permettre à Jésus de le différencier de son Père qui en est le portrait diamétralement opposé. C’est là qu’est la pointe de la parabole ! Contrairement au juge qui laisse trainer les choses, Dieu agit promptement, il s’empresse de répondre et ce n’est pas (comme le juge) pour avoir la paix et se débarrasser de nous, mais parce qu’il est bon et qu’il désire nous faire justice.
Alors, oui : prier, c’est exaucer Dieu ! Car Il se réjouit que nous nous tournions vers Lui :
1.    Pour Lui dire que nous aussi on l’aime, (comme nous le rappelait Joseph dans l’une de ses dernières prédications) ;
2.    Pour Lui dire merci, pour son amour et pour tout ce qu’il nous donne ;
3.    pour Lui demander … de prier pour nous, pour que nous y arrivions, comme un public qui encourage son équipe, comme un proche qui pense à nous au moment où nous en avons besoin. Oui, Dieu est notre premier supporter ! Le prier, c’est Lui demander de nous encourager pour que nous puissions réaliser nous même ce que nous lui demandons. Le prier, c’est nous disposer à recevoir ce qu’Il désire nous donner, à tout instant, pour que nous puissions exaucer nos rêves. Le prier, c’est cesser de croire que je vais y arriver tout seul…
Si Jésus nous demande de ne pas nous décourager, ce n’est pas parce que Dieu aurait les oreilles bouchées, mais parce que c’est souvent nous qui n’y croyons pas suffisamment. Sans la foi, Dieu ne peut rien, pas plus que les supporters pour leur équipe quand celle-ci n’y croit pas ! La foi du coté de Dieu est assurée, c’est la nôtre qui est questionnée dans cette parabole. Est-ce que je crois en moi ? En mes rêves ? En la vie plus forte que tout ? En l’aide divine qui me veut vivant et heureux ? Voilà où la parabole nous interroge !
Elle nous rappelle forcément une autre parabole (Luc 11, 5-13) : celle de l’ami qui se laisse fléchir où une personne vient réclamer du pain à un de ses voisins en pleine nuit, pour pouvoir nourrir un autre ami qui est de passage. Cette parabole se conclut ainsi : « Même s’il ne se lève pas pour les donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut. Eh bien, moi, je vous dis : Demandez, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez, la porte vous sera ouverte. Celui qui demande reçoit ; celui qui cherche trouve ; et pour celui qui frappe, la porte s’ouvre. Quel père parmi vous donnerait un serpent à son fils qui lui demande un poisson ? ou un scorpion, quand il demande un œuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
L’enseignement est clair : Dieu est bon, il a le désir de nous donner ce qui est bon pour nous, inutile de lui casser les oreilles, car il sait ce qui est bon pour nous, avant même que nous le lui demandions. Alors pourquoi lui demander me direz-vous ? Parce que Dieu a besoin de sentir notre amour et notre désir avant de nous gâter, sinon il nous gaverait, comme des oies !
Jésus nous a enseigné à prier son Père en disant : « Que ton Règne vienne », et bien sûr, à voir ce qui se passe dans notre monde, nous risquons de désespérer et de nous décourager. Or Saint Augustin disait que « la prière a pour but, non d’informer Dieu, mais de transformer celui qui prie. » De même, un autre Père de l’Eglise disait : « tu es dans une barque reliée au rivage par une longue corde. Tu tires sur la corde et tu as l’impression que le rivage se rapproche de toi ; en réalité, c’est toi qui te rapproches du rivage. Tu ne vas pas changer Dieu ni son dessein d’amour sur le monde en priant sans cesse, mais tu vas adhérer de plus en plus à ce dessein d’amour qu’il met en œuvre pour notre monde, et ainsi tu vas y apporter ta collaboration. »
Il s’agit là pour nous d’une invitation à observer avec confiance ce qui advient de bien, de grand, de beau et de vrai dans notre monde : le Règne de Dieu, « règne de vérité, de justice, de paix et d’amour. »  Je crois en effet, comme ceux qui m’ont inspiré cette réflexion, que la prière est une rencontre de deux désirs qui s’écoutent et se reçoivent mutuellement. Ces deux désirs peuvent aussi se nommer la foi : foi de Dieu en nous et foi de nous en Dieu. Et comme il n’est pas un magicien, il nous donne … l’Esprit Saint ! Voilà ce que Dieu nous offre quand nous le prions avec foi : il nous donne sa force, sa vie, son intuition, son amour, son audace, etc… pour que nous puissions réaliser ce que nous lui demandons, pour que nous puissions vaincre nos adversaires intérieurs en laissant l’esprit d’audace l’emporter en nous, nous donner d’oser y croire car, comme Moïse sur la montagne, il nous porte à bout de bras et croit en nous souvent plus que nous même. N’est-ce pas là justement le sens de la réponse nette et précise de Jésus à la question des Pharisiens : « Le Règne de Dieu est parmi vous. » ?
Oui Frères & sœurs, je crois en Dieu qui croit en l’Homme.
Amen.
 
Patrick JAVANAUD
Le 20 octobre 2019




Sommaire année C
retour vers l'accueil