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Lc 18,1-8
Frères & sœurs,
Le thème qui me paraît traverser les lectures de ce jour est celui de
la prière. En effet, dans la première lecture, même si le mot « prière
» n’est pas explicitement nommé, il semble bien que ce soit grâce à la
prière de Moïse que le peuple l’emporte sur ses adversaires. Mais ne
tombons pas dans la magie qui nous ferait penser qu’il suffit d’avoir
les bras levés au ciel pour que nos prières soient exaucées. Il ne
s’agit pas de cela, au contraire, Moïse n’y est pas arrivé tout seul,
il a eu besoin de son frère Aaron et de Hour pour tenir le coup. C’est
ensemble qu’ils invoquent Dieu, qu’ils espèrent en la victoire de leur
peuple, un peu comme s’ils portaient leur peuple à bout de bras, grâce
à la prière. Voilà une belle image pour illustrer ce qui me semble être
la prière : (c’est) porter à bout de bras ceux pour qui nous prions. Et
cela nécessite un certain effort, comme le laisse supposer le récit que
nous avons entendu.
Non cela n’est en rien magique ! En effet, je suppose que nous en avons
tous fait l’expérience : croire en la réussite d’un projet aide
grandement à sa réalisation ; même chose pour la maladie : la foi du
malade contribue en grande partie à sa guérison ; idem pour les
sportifs : le fait de croire fortement en la victoire leur permet de se
transcender et de dépasser leurs limites. C’est ce qui se passe aussi
pour le peuple d’Israël : le fait de savoir que Moïse, Aaron et Hour
prient pour eux pendant qu’ils combattent, leur donne des forces
insoupçonnées dans lesquelles ils vont puiser pour réussir finalement à
vaincre leur adversaire.
De même, quand nous savons que quelqu’un pense à nous très fort alors
que nous avons une chose difficile à faire ou à vivre, nous nous
sentons plus fort, plus sûr de nous, nous pouvons nous surpasser et
réussir ce qui, au départ, nous paraissait impossible. Le fait de nous
sentir accompagné, soutenu de l’intérieur nous aide à gagner en
confiance en nous ; en fait, c’est une question de foi. Comme le dit
Jésus, il suffit de peu de foi, gros comme une graine de moutarde et
vous déplacerez les montagnes. Car la foi, le fait d’y croire, de
croire en soi, aux autres, à l’action bienfaisante de Dieu dans notre
vie et savoir qu’on croit en nous, tout cela nous aide à oser, à
dépasser nos peurs qui souvent nous paralysent.
Voilà donc pourquoi Jésus se demande dans l’Evangile d’aujourd’hui, «
s’il trouvera encore la foi sur la terre quand il reviendra » ? Mais
attention, il y a une ambigüité dans cette parabole ! Nous risquons en
effet d’entendre cette parabole comme une invitation à casser les
oreilles de Dieu pour obtenir ce que nous voulons, comme cette veuve
opiniâtre qui a obtenu gain de cause à force d’insistance auprès du
juge. Or Dieu n’est pas comme ce juge ! Jésus le dit clairement à la
fin de la parabole : Dieu, à la différence du juge, est prompt à
répondre à nos prières, et quand il le fait, ce n’est pas pour qu’on
cesse de l’importuner ! Ce serait faire un contresens total que de
comprendre cette parabole ainsi. D’ailleurs Jésus le dit dans d’autres
Evangiles, notamment chez Matthieu (Mt 6, 7-8) : « Lorsque vous priez,
ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de
paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait
de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé ».
Frères & sœurs, si nous pouvons prendre de la graine de cette veuve
qui crie sans se décourager, c’est parce qu’elle a foi en ce qu’elle
demande, elle y croit vraiment, alors que le juge, lui, n’est là
que pour permettre à Jésus de le différencier de son Père qui en est le
portrait diamétralement opposé. C’est là qu’est la pointe de la
parabole ! Contrairement au juge qui laisse trainer les choses, Dieu
agit promptement, il s’empresse de répondre et ce n’est pas (comme le
juge) pour avoir la paix et se débarrasser de nous, mais parce qu’il
est bon et qu’il désire nous faire justice.
Alors, oui : prier, c’est exaucer Dieu ! Car Il se réjouit que nous nous tournions vers Lui :
1. Pour Lui dire que nous aussi on l’aime, (comme
nous le rappelait Joseph dans l’une de ses dernières prédications) ;
2. Pour Lui dire merci, pour son amour et pour tout ce qu’il nous donne ;
3. pour Lui demander … de prier pour nous, pour que
nous y arrivions, comme un public qui encourage son équipe, comme un
proche qui pense à nous au moment où nous en avons besoin. Oui, Dieu
est notre premier supporter ! Le prier, c’est Lui demander de nous
encourager pour que nous puissions réaliser nous même ce que nous lui
demandons. Le prier, c’est nous disposer à recevoir ce qu’Il désire
nous donner, à tout instant, pour que nous puissions exaucer nos rêves.
Le prier, c’est cesser de croire que je vais y arriver tout seul…
Si Jésus nous demande de ne pas nous décourager, ce n’est pas parce que
Dieu aurait les oreilles bouchées, mais parce que c’est souvent nous
qui n’y croyons pas suffisamment. Sans la foi, Dieu ne peut rien, pas
plus que les supporters pour leur équipe quand celle-ci n’y croit pas !
La foi du coté de Dieu est assurée, c’est la nôtre qui est questionnée
dans cette parabole. Est-ce que je crois en moi ? En mes rêves ? En la
vie plus forte que tout ? En l’aide divine qui me veut vivant et
heureux ? Voilà où la parabole nous interroge !
Elle nous rappelle forcément une autre parabole (Luc 11, 5-13) : celle
de l’ami qui se laisse fléchir où une personne vient réclamer du pain à
un de ses voisins en pleine nuit, pour pouvoir nourrir un autre ami qui
est de passage. Cette parabole se conclut ainsi : « Même s’il ne se
lève pas pour les donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne
de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut. Eh bien, moi, je
vous dis : Demandez, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ;
frappez, la porte vous sera ouverte. Celui qui demande reçoit ; celui
qui cherche trouve ; et pour celui qui frappe, la porte s’ouvre. Quel
père parmi vous donnerait un serpent à son fils qui lui demande un
poisson ? ou un scorpion, quand il demande un œuf ? Si donc vous, qui
êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien
plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui
demandent ! »
L’enseignement est clair : Dieu est bon, il a le désir de nous donner
ce qui est bon pour nous, inutile de lui casser les oreilles, car il
sait ce qui est bon pour nous, avant même que nous le lui demandions.
Alors pourquoi lui demander me direz-vous ? Parce que Dieu a besoin de
sentir notre amour et notre désir avant de nous gâter, sinon il nous
gaverait, comme des oies !
Jésus nous a enseigné à prier son Père en disant : « Que ton Règne
vienne », et bien sûr, à voir ce qui se passe dans notre monde, nous
risquons de désespérer et de nous décourager. Or Saint Augustin disait
que « la prière a pour but, non d’informer Dieu, mais de transformer
celui qui prie. » De même, un autre Père de l’Eglise disait : « tu es
dans une barque reliée au rivage par une longue corde. Tu tires sur la
corde et tu as l’impression que le rivage se rapproche de toi ; en
réalité, c’est toi qui te rapproches du rivage. Tu ne vas pas changer
Dieu ni son dessein d’amour sur le monde en priant sans cesse, mais tu
vas adhérer de plus en plus à ce dessein d’amour qu’il met en œuvre
pour notre monde, et ainsi tu vas y apporter ta collaboration. »
Il s’agit là pour nous d’une invitation à observer avec confiance ce
qui advient de bien, de grand, de beau et de vrai dans notre monde : le
Règne de Dieu, « règne de vérité, de justice, de paix et d’amour.
» Je crois en effet, comme ceux qui m’ont inspiré cette
réflexion, que la prière est une rencontre de deux désirs qui
s’écoutent et se reçoivent mutuellement. Ces deux désirs peuvent aussi
se nommer la foi : foi de Dieu en nous et foi de nous en Dieu. Et comme
il n’est pas un magicien, il nous donne … l’Esprit Saint ! Voilà ce que
Dieu nous offre quand nous le prions avec foi : il nous donne sa force,
sa vie, son intuition, son amour, son audace, etc… pour que nous
puissions réaliser ce que nous lui demandons, pour que nous puissions
vaincre nos adversaires intérieurs en laissant l’esprit d’audace
l’emporter en nous, nous donner d’oser y croire car, comme Moïse sur la
montagne, il nous porte à bout de bras et croit en nous souvent plus
que nous même. N’est-ce pas là justement le sens de la réponse nette et
précise de Jésus à la question des Pharisiens : « Le Règne de Dieu est
parmi vous. » ?
Oui Frères & sœurs, je crois en Dieu qui croit en l’Homme.
Amen.
Patrick JAVANAUD
Le 20 octobre 2019
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