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retour vers l'accueil26° dimanche ordinaire
Encore
une fois, en ce vingt-sixième dimanche du temps ordinaire, les textes
de la liturgie nous parlent de riches et de pauvres. Le prophète Amos,
comme dimanche dernier, n’est pas tendre avec les riches :
« Couchés sur des lits d'ivoire, vautrés sur leurs divans »,
ils semblent indifférents aux malheurs qui les attendent et que le
prophète leur annonce. Dans l’histoire que nous raconte Jésus, c’est
encore le riche qui a le mauvais rôle, puisqu’il finit en enfer. C’est
à vous dégoûter d’être riche !
Ce riche dont on ne connaît
pas le nom, qu’a-t-il donc fait de mal pour se retrouver en
enfer ? et Lazare, le pauvre ? Était-il si vertueux, lui,
pour mériter d’être emporté par les anges auprès d’Abraham ?
Comment la justice de Dieu peut-elle être aussi tranchée et aussi
arbitraire ? « Tous les pauvres, au paradis ! Tous les
riches, en enfer ! »
Bien évidemment, tel n’est pas le
message que veut nous livrer Jésus en nous racontant cette histoire.
Pas plus que le prophète Amos ne voulait signifier, il y a 27 siècles,
que tous les riches sont mauvais et tous les pauvres sont bons.
Ce
que nous disent ces textes, c’est simplement : attention ! Le
rôle d’un prophète, et c’est particulièrement vrai pour Amos, c’est de
mettre en garde ses contemporains vis-à-vis des comportements qui les
éloigneraient de Dieu, des attitudes qui risqueraient de rompre
l’alliance qu’Il a conclue avec tous les hommes. Le prophète, l’homme
de Dieu, rappelle au monde qu’il est fait pour cette alliance avec
Dieu, et que cette alliance exige une attitude de justice. Car aimer
Dieu et aimer son frère, ce ne sont pas deux options différentes, c’est
la même chose. La parole d’Amos, ce sont les prémices de ce que l’on
appellera plus tard « la doctrine sociale de l’Eglise », que
l’on désigne plus volontiers aujourd’hui par « la pensée sociale
de l’Eglise ».
Tous les riches ne sont pas mauvais et tous
les pauvres ne sont pas bons. Qu’est-ce qui est reproché à ce riche de
l’évangile d’aujourd’hui ? Ce n’est évidemment pas d’être riche.
Mais c’est de vivre, à cause certainement de sa richesse, pour
lui-même, sans se soucier des autres et en particulier des plus
pauvres. Jésus ne nous dit pas que cet homme a fait quelque chose de
mal. C’est au contraire dans ce qu’il n’a pas fait que se trouve le
mal. Il n’a pas tenu compte de la présence, pourtant très proche, de ce
pauvre Lazare ; il n’a pas eu de compassion pour la misère
présente chaque jour à sa porte. Il n’a pas simplement eu l’idée de
faire ce geste qu’il demandera pourtant à Lazare de faire, après leur
mort : tremper dans l’eau le bout de son doigt pour lui rafraîchir
la langue. Il n’a rien fait contre Lazare, mais il n’a rien fait pour
lui non-plus. Le mal, le péché, n’est pas toujours dans ce que nous
faisons, mais souvent dans ce que nous évitons de
faire : « j’ai péché par action et par omission »
disons-nous parfois au début de la messe. Dans une autre histoire qu’il
raconte, Jésus nous dit aussi « j’avais faim et vous ne m’avez pas
donné à manger, j’avais soif et vous ne m’avez pas donné à
boire… »
Après tout, cette histoire de Lazare et du mauvais
riche, elle nous plaît bien. Elle a quelque chose de moral, qui va bien
dans le sens que nous avons de la justice humaine, qui parfois
ressemble fort à la vengeance : le pauvre est finalement
récompensé, et le riche est puni. Comme dans les films d’Hollywood,
avec leur « happy end » obligatoire. Elle nous plaît bien,
cette petite fable, parce que nous avons souvent tendance à considérer
que le riche, c’est l’autre ! C’est curieux cette faculté que nous
avons pour juger de ce que ceux qui sont plus riches que nous devraient
faire de leur argent. C’est plus facile de se mettre à la place du plus
pauvre. C’est beaucoup plus confortable pour notre
conscience ! ça nous évite de penser que nous pourrions aussi
faire quelque chose pour ceux qui sont plus pauvres que nous. Pourtant,
comparés aux six milliards d’êtres humains qui peuplent notre terre, de
quel côté croyons-nous nous situer ? sommes-nous dans le camp des
riches, ou dans celui des pauvres ? Une étude publiée en 2006, la
plus exhaustive jamais réalisée sur le patrimoine des particuliers,
montre par exemple qu'en 2000, 1 % des adultes – les plus riches du
monde – possédaient à eux seuls 40 % des biens mondiaux. A l'inverse,
la moitié de la population adulte mondiale ne possédait qu'à peine 1 %
de la richesse mondiale. Rendons-nous compte ! 50% de nos frères
humains se partagent moins de 1% de toutes les richesses. Nous, les
riches, nous ne sommes donc qu’une infime minorité ! Alors,
pourquoi voyons-nous plus facilement la richesse de quelques-uns que la
pauvreté des plus nombreux ? Méditons ces chiffres, frères et
sœurs, avant qu’il ne soit trop tard.
Le riche de la parabole, après
sa mort, se rend compte de son erreur, et ne veut pas que sa famille
subisse le même sort que lui. (Sa famille, pas les autres !) Mais
c’est trop tard ! l’abîme qui existe entre Abraham et l’enfer,
c’est le même abîme que ce riche a créé entre lui et ses frères humains
les plus pauvres. Il ne s’agit pas d’une punition, de je ne sais quelle
revanche que Dieu imposerait après la mort. C’est de notre vivant que
nous creusons cet abîme. Il dépend de notre responsabilité individuelle
et collective de maintenir cet abîme ou de tenter de le combler. En
ignorant la pauvreté qui nous entoure, en nous enfermant dans un
certain confort matériel, nous creusons autour de nous ce fossé qui
nous coupe d’avec nos frères plus pauvres. Comme des douves autour d’un
château fort, dans lequel nous nous réfugions, nos peurs de rencontrer
l’autre et d’affronter la réalité ne font qu’aggraver la situation.
Sortons de nos peurs, osons abaisser le pont-levis, au risque de
laisser entrer ceux que nous maintenons à l’écart ; osons nous
rendre vulnérables. Dès la sortie de cette messe, allons vers
ceux qui sont nos voisins de bancs chaque dimanche, mais que nous
ignorons sitôt franchie la porte de l’église. Redisons ce psaume 145
entendu tout-à-l’heure, qui nous rappelle à nos responsabilités :
Le Seigneur fait justice aux opprimés
Aux affamés, il donne le pain
Le Seigneur délie les enchaînés
Le Seigneur protège l’étranger
Il soutient la veuve et l’orphelin
Le Seigneur est ton Dieu pour toujours.
Ce
psaume ne doit pas nous laisser croire que Dieu s’occupera des pauvres
après leur mort. Il signifie au contraire que, pour être des fils et
des filles de Dieu nous avons à faire de même. N’attendons pas d’être
morts pour vivre de la Vraie Vie !
Amen !
daniel BICHET, diacre permanent
25 septembre 2010
Gétigné et Clisson
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