Frères & sœurs,
J’aime beaucoup les textes que nous offre la liturgie pour ce
dimanche et en particulier la seconde lecture et l’évangile.
Cet
extrait
de la lettre aux Hébreux, nous donne tout
d’abord de mesurer à quel point Dieu est miséricordieux à notre
égard…, au cas
où nous aurions encore des doutes : « Dieu
se
comporte envers vous comme envers des fils ; et quel est le fils
auquel son
père ne donne pas des leçons ? Quand on vient de recevoir une leçon,
on
n’éprouve pas de la joie mais plutôt de la tristesse. Mais plus
tard, quand on
s’est repris grâce à la leçon, celle-ci produit un fruit de paix et
de justice. »
Comme parent ou comme enfant, nous avons tous vécu cette expérience.
Ensuite,
comme
pour tester notre capacité à surmonter nos doutes et éprouver la
profondeur de notre Foi, ce passage de
l’évangile
selon Luc nous invite à réfléchir à la question qu’un interlocuteur
anonyme
pose à Jésus : « n’y
a-t-il que
peu de gens qui soient sauvés ? »
Oui
ou non ?
Cette
question
du salut est-elle pour nous
aujourd’hui, toujours d’actualité ?
Oui
et non.
A
voir
le succès de certaines sectes, qui ont comme principal argument qu’il
n’y aura
qu’un petit nombre de sauvés (par exemple les Témoins de Jéhovah, pour
qui il
n’y aura que cent quarante quatre mille élus) ; à voir la réponse
de
nombreuses personnes à l’appel à une conversion écologique, à un
changement de
vie pour préserver notre maison commune, on peut se dire qu’il y a bien
au cœur
des hommes un souci de leur propre salut. Au fond, chacun de nous s’est
certainement
posé un jour, pour lui-même, cette question : est-ce que je serai sauvé
?
Est-ce que j’irai au ciel ? Oui ou non ? Est-ce qu’à la fin, à ma mort,
je
serai accueilli ? C’est d’ailleurs peut-être, pour une part d’entre
nous, ce
qui motive certaines de nos attitudes religieuses.
A
l’inverse, il y a aussi des personnes totalement fermées à l’idée même
de
salut. Etre sauvés, de quoi ? Et d’abord, on dit que Dieu est bon !
Ce qui
sous-entend que, puisqu’il est bon, il laisse tout faire et par
conséquent, je
peux faire n’importe quoi. On n’a plus tellement le souci du salut
éternel, on
a beaucoup plus le souci du quotidien, de la vie terrestre.
La
porte étroite
Donc,
nos
idées à ce sujet sont assez floues. Or, en ne répondant pas directement
à
son interlocuteur anonyme, Jésus va nous renvoyer à nous-mêmes et nous
obliger
à préciser notre question. Que nous dit-il ?
« Efforce-toi d’entrer par la
porte
étroite, car il y en a beaucoup qui essaient d’entrer et qui n’y
parviennent
pas ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Cela
veut
dire, d’abord, que le Dieu de Jésus-Christ n’est plus exactement le Dieu
auquel croyaient les hébreux dans l’Ancien Testament et parfois encore
des chrétiens
aujourd’hui... Autrefois, on croyait en un Dieu qui punit, un Dieu
vengeur,
dont il fallait avoir peur. On croyait aussi en un Dieu qui opérait une
sélection entre les bons et les mauvais. Nous avons tous, plus ou moins
bien,
rejeté ces fausses images de Dieu. Mais par quoi les a-t-on remplacées ?
Par
l’image d’un Dieu qui est tellement bon qu’il ne peut pas punir. Eh
bien, en
réponse à cela, Jésus nous dit : « Attention
!
Le Dieu que je vous annonce, mon Père, est un Dieu exigeant.
Il
demande beaucoup à chacun de vous. Efforcez-vous d’entrer. Il y a un
choix à
faire, et il y en a beaucoup qui essaient d’entrer et qui ne le
peuvent pas
».
La
bonne clé
Mais
alors,
qu’en est-il de cette histoire de salut ? Le salut, il est pour tout le
monde. Tout le monde est sauvé.
F&S nous
le savons bien : lorsque Jésus est mort sur la croix, Il est mort pour
le salut
du monde ; Il a offert sa vie pour le salut de tous les hommes,
croyants
et incroyants. Alors, que veut-Il nous dire dans l’évangile
d’aujourd’hui ?
Simplement une chose : que ce
salut qui
nous est offert, mais la possibilité d’une vie éternelle et d’un
bonheur
éternel, nous pouvons l’accepter
ou le
refuser. Nous avons le choix d’« entrer » ou de rester dehors. Et
pour
entrer, il faut avoir la bonne clé, car il y en a de fausses. Et Jésus
nous dit
: « Vous risquez de prendre les
fausses
clés et ne pas pouvoir entrer par la porte étroite ».
Fausses
clés
d’hier ? Pour l’interlocuteur de Jésus, un homme de culture juive, la
bonne clé consistait à mettre sa confiance dans son appartenance à une
race, la
race choisie, la descendance d’Abraham. C’était se dire : je suis membre
du
peuple élu, donc, je suis sauvé ; sous-entendu : tous les autres, à
part
ceux de notre race, sont exclus du salut.
Fausses
clés
d’aujourd’hui ? Pour chacun de nous, ce serait, par exemple, de nous
dire
: nous sommes de bons catholiques, pratiquants (nous allons à la messe,
nous
communions, nous participons aux célébrations pénitentielles...). Alors,
Jésus
nous dit : Attention, tout cela,
c’est
peut-être une fausse clé, car si vous vous en servez comme d’un droit,
d’un
privilège, ça ne vous sert à rien ! Fausse clé de dire : je vais communier tous les dimanches, si le reste
du temps tu ne partages rien. Fausse clé de dire : je vais à la
célébration
pénitentielle pour recevoir le pardon de Dieu, si dans ta vie tu ne
pardonnes
pas. Fausse clé de dire : j’appartiens à l’Eglise Catholique, si tu ne
cherches
pas à construire cette Eglise, Corps du Christ, là où tu vis, dans ta
paroisse,
ta famille, ton travail…. Fausse clé, si tout cela, tu le considères
comme un
privilège, si tu crois que ça te donne des droits, si tu te crées un
monopole,
pour toi et pour ceux qui te ressemblent.
Il
n’y
a qu’une bonne clé, dit Jésus, c’est la Foi. Et la Foi, c’est
quelque
chose de très précis : c’est marcher avec Jésus sur le même chemin
que
lui, c’est-à-dire le chemin de la Pâque, c’est-à-dire le chemin de
l’amour qui
donne sa vie. Il n’y a que cette
clé là
qui peut te permettre d’entrer par la porte étroite. Ne te trompe pas
de clé.
Une
porte large
Et
voilà
que tout-à-coup, la vision du Christ s’élargit et la porte étroite
devient une porte extrêmement large, puisque dans le Royaume dont il
parle, on
entre comme dans un moulin : on y vient de l’Orient et de
l’Occident, du
Nord et du Midi. Tout le monde y entre, ou du moins, tout le monde peut
y entrer. Une seule restriction : ne pas utiliser de fausses clés. Nous
n’entrerons pas si nous nous croyons riches des privilèges que nous
donnerait notre
appartenance à une religion. Nous n’entrerons que si nous sommes
riches
d’amour, d’amour tout simple, dans le quotidien de notre vie.
Rappelons-nous
Matthieu 25 : Jésus ne nous demandera pas quelle est notre appartenance
religieuse, il nous dira simplement : « J’avais
faim
et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à
boire,
j’étais nu et vous m’avez habillé, j’étais malade et vous êtes venu me
visiter... » Et si nous disons : « Mais,
Seigneur,
nous ne t’avons pas reconnu ! », Jésus nous répondra : « Ca
ne fait rien. Cela n’a pas d’importance
». Car ceux-là, qui ont aimé concrètement leurs frères humains,
entreront,
qu’ils soient catholiques, protestants, orthodoxes, musulmans, juifs,
bouddhistes ou athées, ils entreront. Noirs, jaunes et blancs, la main
dans la
main, ils entreront… d’autant plus facilement que nous leur montrerons
le
chemin !
Donc,
oui
F&S, nous apprécions à quel point s’exerce la miséricorde de Dieu
envers
nous, dans la leçon qu’il nous donne aujourd’hui par la voix de Jésus,
le Verbe
fait chair, sa Parole incarnée.
Et
pour
conclure, j’attirerai encore notre attention sur un détail
d’importance : lorsque l’on parle du salut, on a souvent tendance à
penser
à notre vie après la mort… et pourtant dans l’évangile, la question de
l’interlocuteur
anonyme à Jésus est bien formulée au présent et non au futur :
« n’y
a-t-il que peu
de gens qui soient sauvés ? Car le Royaume de Dieu, c’est
bien dès ici et dès
maintenant,
et la leçon pour aujourd’hui
afin que « les fruits de paix
et de
justice » se substituent « aux
pleurs
et aux grincements de dents »…
Amen.
Patrick
JAVANAUD,
diacre permanent
Paroisse
ST
Matthieu/Loire
Le
21
août 2022
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