Les mots de Jésus dans cet évangile peuvent nous
déconcerter,
peut-être même nous inquiéter. L’évangile est avant tout un message de
paix,
d’amour et de fraternité mais Jésus nous parle de divisions et aussi de
son
angoisse.
Mais, ce qui me touche, d’entrée, c’est le trouble,
l’émotion que Jésus dévoile. Je m’imagine bien au milieu de ses disciples,
réunis
en cercle après une si chaude et si rude journée, dans un lieu où l’on
peut,
enfin, se retrouver, échanger et se livrer entre amis, entre frères et
sœurs,
dans la vérité et la confiance. Partager et accueillir ce qui a été vécu
et ce tout,
oui tout ce qui reste encore à vivre… Rappelez vous, il y a
quelques semaines,
Joseph nous parlait de l’intimité de Dieu.
Eh bien,
aujourd’hui encore, par Jésus, Dieu nous ouvre son intimité. Lui si
puissant,
nous partage son angoisse, sa vulnérabilité, qui ne perce que par la
dimension infinie
que son amour et de son cœur. Par amour pour l’humanité, ce Père, tout en
tendresse, lui offre la liberté. Même s’il sait que nous n’en faisons pas
toujours bon usage. Et ce baptême, ce plongeon, est celui de ce Dieu venu
en Jésus
qui plonge, à corps-perdu, dans notre humanité : si lumineuse et parfois
si
noire, ce lieu de la confrontation.
La confrontation du monde individualiste, brutal et de
l’évangile amour et fraternité, la confrontation de notre vie d’enfants de
Dieu
- à l’image du Dieu qui est amour- né pour porter et partager sa vie, son
amour…
avec notre vie au monde actuel, au cœur de nos familles, de notre société
et de
cette humanité avec ses beautés et ses ombres… c’est là que va s'immiscer
la
division, c’est là que va s’infiltrer l’opposition.
Notre attachement à Jésus, notre foi au Christ
ressuscité «
origine et terme de notre foi », dit la lettre aux Hébreux,
nous font
porteurs de l’Évangile, de son message de paix, d’amour et de justice
offert au
monde. Héritiers de cet évangile et configurés au Christ, nous sommes
appelés à
vivre de sa vie à lui. Ce qui nous amène à connaître, nous aussi,
la
confrontation avec le monde au nom de cet évangile, parfois avec nos
proches et
même avec nos familles.
La parole de Dieu n’est pas toujours facile à vivre.
Jérémie
qui prêchait l’écoute du Seigneur en fait la cruelle expérience. Sa parole
dérange les puissants alors… ils se liguent pour le mettre à mort !
La foi
au Christ, suivre sa Parole au plus près, avec tout ce que cela implique,
le
monde n’est pas encore prêt à l’envisager. On pourrait même nous accuser
de
sectaires en créant divisions et conflits. Dans une même famille, il y a
ceux
qui adhèrent à sa Parole et ceux qui la rejettent par ce que cette Parole
invite chacune et chacun, jeunes et vieux, à prendre position contre tout
ce
qui est contraire à l’amour, au sein de notre famille humaine, notre
famille
chrétienne y compris notre famille la plus proche.
Toutes les fois que l’amour est nié, que la paix est
menacée, que la justice est méprisée, chaque fois que les droits des
personnes
sont bafoués, le pauvres humilié, le faible exploité, il y a confrontation
de
l’évangile avec le monde. Chaque fois que les violences, les guerres, les
persécutions avilissent l’humain, il y a confrontation de l’évangile avec
le
monde. Jésus prend fait et cause pour les pauvres, les oubliés et les
exclus et
nous, ses disciples, sommes invités à soutenir son combat et souvent
connaître
la confrontation.
Apporter un feu ! Le feu…depuis des jours,
l’actualité
nous y plonge un peu plus chaque jour ! Le feu peut tout détruire
végétation,
habitations et même les vivants. Mais le feu a aussi des qualités :
la
flamme d’une simple bougie déchire la nuit la plus profonde. Le feu
réchauffe
les maisons et les cœurs. Même le feu accidentel de Notre-Dame a révélé
les
richesses et les incroyables qualités des ouvriers, des artisans et des
artistes et appelés à reconstruire au cœur d’une mobilisation mondiale. Le
feu peut
même purifier en consumant tout ce qui est mauvais en le transformant en
cendres fertilisant la terre. Le poète chantait : « il est des
terres
brûlées donnant plus de blé qu’un meilleur avril ! ».
Alors oui, il va falloir se laisser embraser mais par
le feu
du Christ, celui de l’amour et de l’Esprit, celui du buisson ardent, celui
de
l’Horeb et celui de la Pentecôte, celui de la Parole qui éclaire le
croyant et réchauffe
dans l’hiver du doute. Celui de la miséricorde qui brûle le péché en
offrant le
pardon et apporte consolation et réconfort. Le feu peut être destructeur
mais
aussi source de vie, lieu d’éveil et d’élévation s’il est alimenté par
l’amour.
Le feu qu’inaugure Jésus, envoyant ses disciples au
monde,
va gagner les cœurs un à un au véritable sens du partage, de la paix, de
la
justice et de l’amour, en rappelant aux habitants de ce monde la commune
et extraordinaire
dignité de chaque personne parce qu’elle est née de Dieu. Ce feu brûle au
coeur
des disciples pour vivre l’audace de l’évangile avec une foi ardente, une
espérance claire et une charité active. Cette Bonne Nouvelle rencontre
souvent des
résistances et rejets. Cela nous demande, à nous ses disciples, du
courage, une
confiance entière en Dieu, en son Fils en l’Esprit nous soutenant sans
cesse mais
aussi en nos sœurs et nos frères tous enfants aimés d’un même Père !
« Les yeux fixés sur Jésus » et
comme
l’écrit St Jean-Paul II « Allons, levons-nous et rallumons ce
feu ! »
Patrick DOUEZ, diacre permanent
le 14 août 2022