Baptême du Seigneur
Is 55, 1-11 ; Is 12,2 ; 1Jn 5, 1-9 ; Mc 1, 7-11
Dans notre assemblée, nous avons quasiment tous un point commun. Que
l’événement soit ancien, récent ou à venir, qu’il soit envisagé ou que
l’on s’interroge encore, cet événement est la porte d’entrée dans une
famille. Je veux parler, naturellement, du baptême qui nous a fait
chrétien, ou nous fera devenir chrétien. Car, comme disait Tertullien,
un Père de l’Eglise au début du 3ème siècle, on n’est pas chrétien de
naissance, on le devient.
Que signifie être baptisé ? Pourquoi Jésus a-t-il voulu être baptisé
par Jean ? En quoi cela oriente-t-il notre vie intérieure, et notre vie
en fraternité au sein de l’Eglise ? Ce sont trois questions simples que
nous pouvons approfondir ensemble.
La fête du baptême du Seigneur, célébrée ce jour, nous interpelle sur
le sens de ce rite qui est un sacrement. C’est encore Tertullien qui
proposa ce mot, sacramentum en latin, parce qu’à l’époque, aucun mot
n’était disponible pour en exprimer le sens. Dans l’antiquité,
sacramentum désignait, pour un citoyen, un engagement, un serment
libre, ferme et définitif dans un état de vie au service de la société.
Ce mot était donc déjà très fort dans l’Antiquité.
Dans la foi de l’Eglise, un sacrement, c’est encore davantage. C’est un
événement ! … Un événement associant un geste et une parole, vécu en
Eglise, et qui constitue une réponse libre à une invitation de la part
de Dieu qui a l’initiative. Le baptisé répond « oui » à l’invitation de
Dieu de devenir l’un de ses enfants.
Etre baptisé signifie être plongé dans l’eau. Le baptême de Jean était
un baptême de purification pour revenir auprès de Dieu, conscient du
mal que l’on avait commis. C’était déjà quelque chose, ce baptême, du
temps de Jean. Car Dieu rejoignait ainsi chaque croyant, non dans le
protocole sophistiqué du Temple de Jérusalem, mais dans le désert, ce
lieu minéral qui pousse à s’interroger en profondeur sur le sens de sa
vie.
Mais alors pourquoi Jésus se fait-il baptiser ? Pourquoi ne pas
commencer directement dans la synagogue de Nazareth, ou au bord du lac
de Tibériade ? Jésus décide de vivre le baptême de Jean. Dieu décide de
descendre au plus profond de l’humain, de vivre le même baptême que
celui de toute personne en désir de conversion, de se tourner vers
Dieu, de faire entrer Dieu dans sa vie. Dans le silence, Jésus
s’abaisse, s’incline pour recevoir le baptême, que d’autres hommes et
femmes ont reçu avant lui ! Dieu se mêle à la foule des croyants. Et il
répond par le don de son Esprit : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi
je trouve ma joie ». Nouvelle traduction liturgique : Dieu se réjouit
d’être parmi les hommes en son Fils Jésus.
Mais en recevant le baptême, Jésus ne choisit pas simplement d’épouser
la condition humaine. Car il y a bien plus que cela dans le baptême du
Seigneur. « Moi, je vous ai baptisé dans l’eau, lui vous baptisera dans
l’Esprit Saint », dit Jean à la foule. Le baptême de Jean était un
baptême de repentance qui faisait monter l’eau depuis la terre sur le
corps du pénitent. Le baptême du Christ est un baptême dans l’Esprit
Saint, qui fait descendre l’Esprit de Dieu dans l’homme, non seulement
pour le régénérer, mais pour le consacrer fils ou fille de Dieu. Notre
baptême revêt les deux dimensions, celle de l’eau qui monte, celle de
l’Esprit Saint qui descend.
Magnifique rencontre entre Terre et Ciel et qui passe par notre corps …
Nés dans le monde, nous sommes enfants du monde. Baptisés dans
l’Esprit, nous sommes enfants de Dieu, nés à la vie divine. Voilà le
sens profond de notre baptême : unir notre vie humaine à notre vie
divine. Surtout ne pas les séparer !
Le baptême du Seigneur a inauguré notre baptême. Il l’a rendu possible.
Et cet événement est une réalité historique. Il se déroula dans les
années 30, dans le désert, au bord du Jourdain. Le lieu est connu. Les
Cieux se déchirèrent, nous dit Marc, ce qui signifie symboliquement
qu’il n’y a plus de fermeture, de verrou, d’obstacle entre Dieu et
l’homme. Car lorsqu’un tissu se déchire, on voit des deux côtés. Ainsi
la Parole de Dieu peut circuler librement, comme la pluie et la neige
nous dit Isaïe : aucun de ses effets ne sera perdu. Elle nous irrigue,
nous féconde dans une communication permanente dont nous sommes les
relais actifs.
Mais, aujourd’hui, quelle est pour nous la signification d’être fils ou
fille de Dieu ? Est-ce que cela parle encore ? Aujourd’hui, la
signification est de constituer ensemble une fraternité. Dans la foi,
ce terme va bien au-delà de son sens commun, laïc. Le terme grec qui
signifie fraternité au sens d’aimer le frère, au-delà de sa propre
parenté, est philadelphos. Et bien ce terme est né en même temps que
l’Eglise. Auparavant dans l’Antiquité, ce terme n’était pas employé. On
n’en trouve aucune trace. On utilisait philanthropos, le terme
anthropos désignant l’homme, qui n’était pas encore le frère ! Dès sa
naissance, le christianisme modifia fondamentalement les rapports entre
les personnes de toute condition, pour les rassembler en une seule
famille, la Fraternité. Dieu, en se faisant homme, est devenu notre
frère dans la vie humaine. Plus encore, il nous a proposé de nous
adopter comme frères et sœurs, pour constituer une seule famille.
Notre monde d’aujourd’hui manque cruellement de Fraternité. Et
l’absence de fraternité entraîne le néant, l’horreur. Sans fraternité,
on est mort à la Vie. La fraternité n’est plus seulement une vertu
humaine. C’est un état de vie inauguré par le baptême, qui nous
constitue pour toujours en une seule famille, avec Dieu pour unique
Père.
Retenons que la fraternité est l’un des noms propres de l’Eglise. Nous sommes la Fraternité de Dieu.
Christophe DONNET, Diacre permanent
diocèse de Saint-Etienne
11 janvier 2015
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