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Fête du CHRIST, ROI DE L'UNIVERS
      


       Dn 7, 13-14 ; Ps 92, 1abc, 1d-2, 5 ; Ap 1, 5-8 ; Jn 18, 33-37

        "Mon royaume n'est pas de ce monde"

        C’est le dernier dimanche de l’année liturgique et l’Eglise nous invite à fêter le Christ, Roi de l’Univers. « Mais ils sont fous ces chrétiens » dirait Astérix. Tout le monde se souvient des festivités organisées en Grande Bretagne pour fêter les cinquante ans de règne de leur souveraine : l’apparat, les dorures, les discours, tout concourait à rendre hommage à la Reine Elisabeth. Aujourd’hui, rien de tel : l’évangéliste Jean nous présente Jésus devant Pilate au cours de sa Passion. Pilate est le représentant de l’Empereur Tibère, et l’empire romain recouvre tout le bassin méditerranéen ; en face, Jésus enchaîné, n’est que l’obscur ancien charpentier d’une petite bourgade. Lequel des deux fait figure de roi ? Mais l’extraordinaire dignité de Jésus face à l’autorité romaine n’en ressort que plus fortement.
        
        Sur Jésus qui se tient devant lui, Pilate porte le regard d’un puissant de ce monde. Quelle peut bien être la force de ce roi sans armée ? « Ma royauté ne vient pas de ce monde. » dit Jésus. Sa royauté ne s’impose pas par la force et la domination sur les autres. Jésus ne vient pas mettre en place un contre-pouvoir, mais il vient nous donner la liberté en nous invitant à accueillir la vérité.  Et qu’est-ce que la vérité sinon le dévoilement du dessein de salut de Dieu ? La royauté de Jésus s’exprime dans la révélation du mystère de Dieu et de son amour. Ce que Jean veut nous dire quand il nous rapporte l’interrogatoire de Jésus par Pilate, c’est que Jésus est le roi de l’humanité au moment même où il donne sa vie pour elle. Ce roi-là n’a pas d’autre ambition que le service. C’est d’ailleurs ce qu’il a clairement exprimé au cours du dernier repas, juste avant son arrestation, lorsqu’il a lavé les pieds de ses disciples. « Si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres. » Jn 13, 14 

        Voilà le Roi qui nous sert de modèle, voilà la loi du Royaume de Dieu : c’est « à qui perd gagne », ou plutôt « à qui donne gagne ». Pourtant, on apprécie d’être reconnu, aimé, gratifié… « Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faîtes-le vous-même pour eux. » Jésus invite chacun à aimer comme lui-même nous a aimé et à nous oublier pour que l’autre vive et s’épanouisse. Combien de querelles dans les couples ont pour point de départ le sentiment de n’être pas assez aimé ? Mais la Loi première du Royaume n’est pas d’être aimé,  mais d’aimer jusqu’au don de soi ; et dans la vie du couple, d’aimer encore plus si j’ai le sentiment que l’autre est en panne d’amour à mon égard. Vous savez ce qu’est un couple, en physique ? C’est un système de deux forces égales qui s’opposent ! Et çà tourne ! Mais pour que çà tourne sans heurts, il faut que les forces en présence restent égales… Et naturellement, on aime bien paraître le meilleur, le plus fort, celui qui domine et qui commande. Et là, çà coince parce que l’égalité est niée ; alors, écoutons Jésus qui nous invite à prendre la place du serviteur, avec discrétion et humilité. Le paradoxe, au Royaume de l’Amour, c’est que les petits et les faibles surpassent les forts.
Une des expressions de l’amour, c’est la tendresse… et vous êtes d’accord avec moi, la tendresse, c’est le contraire de la dureté. Si on est tendre, on est fragile, vulnérable. Mais c’est seulement dans cette situation que l’on peut approcher l’autre sans être une menace, et que l’on peut se rencontrer en vérité, sans masque, en acceptant d’être dépendant l’un de l’autre. Cette logique là est radicalement opposée aux règles sociales établies qui font prévaloir la réussite basée sur le pouvoir, sur l’avoir et le savoir. Dans notre société qui magnifie l’individualisme, il n’y a pas de place pour « le maillon faible ». En face, le Royaume dont parle Jésus nous libère de cette tyrannie du paraître pour nous permettre d’accéder à une société basée sur la fraternité et la communion.

        Face à l’attrait de la richesse, l’Evangile nous dit : « Bienheureux les pauvres. »
Face à la domination de la violence, l’Evangile nous dit : « Bienheureux les doux. »
Et face au prestige du savoir, Jésus prie son Père : « Je te bénis, Père, d’avoir caché cela aux sages et aux puissants, et de l’avoir révélé aux tout petits. »

        La Fête du Christ, Roi de l’Univers, c’est la fête du monde à l’envers. Alors qu’après la multiplication des pains, Jésus s’est retiré parce qu’il savait qu’on voulait le faire roi, dans le dénuement du prétoire de Pilate, il accepte ce titre, avec un roseau en guise de sceptre, une couronne d’épines et une croix en lieu et place de trône. Il n’est pas un roi au sens politique du terme. Il n’a pas de territoire. Son royaume est une manière d’être, une manière de vivre, une présence au cœur du monde : la présence de Dieu, Alpha et Oméga, source et but de toute vie. Et parce qu’il nous aime, nous dit le livre de la Révélation, « Il nous a délivré de nos péchés par son sang, il a fait de nous le Royaume et les prêtres de Dieu son Père, » Autrement dit, il nous a donné la vie au prix de la sienne. Nous n’avons plus qu’à l’accueillir en lui disant notre reconnaissance et en chantant sa gloire. C’est ce que nous faisons ensemble au cours de cette Eucharistie, en nous réjouissant qu’un jour : « tous les hommes le verront. »

        Oui, vient Seigneur Jésus… et que ton Règne vienne !


Jean-Jacques BOURGOIS
Le Clion et La Bernerie
25 novembre 2012

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