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6° dimanche de Pâques


     Avez-vous noté au passage, cette phrase de la première lecture ? Pierre pose la question à ses compagnons : « Pourrait-on refuser l'eau du baptême à ces gens qui ont reçu l'Esprit Saint tout comme nous ? » Étonnant, non ? Dans nos schémas de pensée habituels, c’est lors du baptême que nous recevons l’Esprit Saint ! Or, d’après ce que dit Pierre, il semble bien que ces païens l’auraient reçu avant d’être baptisés ! Comment est-ce possible ? On peut s’interroger, et prolonger la question : alors, à quoi sert donc le baptême, si on peut recevoir l’Esprit Saint avant ? Et si n’importe qui peut recevoir l’Esprit Saint, qu’est-ce qui distingue un chrétien, baptisé en bonne et due forme, d’un non-chrétien, d’un non-baptisé ?
     Vaines questions, en vérité ! Prenons un peu de recul, et revenons à l’origine. Dès les premiers versets du deuxième récit de la création, dans le Livre de la Genèse, quelle image emploie l’auteur pour signifier ce qui distingue l’homme de toutes les autres créatures ? « Le Seigneur Dieu modela l’homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l’haleine de vie, et l’homme devint un être vivant. » Bien sûr, il s’agit d’une image. Mais elle nous dit que l’homme, tout homme, toute l’humanité, reçoit la vie de l’Esprit de Dieu, de son Esprit Saint. Adam, ce premier homme, symbolise toute personne humaine, et le souffle de Dieu qui lui est insufflé, c’est l’Esprit Saint. Donc, tout homme, parce qu’il est homme, est animé par l’Esprit Saint. Car c’est toujours Dieu qui donne en premier. L’homme est libre d’accueillir ou de refuser ce don. C’est justement l’histoire de ce refus que nous racontera la suite, le chapitre 3 de la Genèse, avec le fameux serpent, l’arbre et son fruit défendu, vous connaissez...
     Donc, tout homme est animé par l’Esprit Saint ! Aux yeux de Dieu, il y a plus de choses qui unissent les hommes que de choses qui les divisent. Le dénominateur commun à tous, c’est l’Esprit Saint. Et l’Esprit Saint est plus important que tout autre critère. Même si ça peut déranger, même si ça peut bousculer nos certitudes, peut-être même scandaliser, comme pour les croyants de la première lecture :
« Tous les croyants qui accompagnaient Pierre furent stupéfaits, eux qui étaient Juifs, de voir que même les païens avaient reçu à profusion le don de l'Esprit Saint. »
     L’Esprit Saint n’est donc pas l’exclusivité des chrétiens. Cette générosité de l’Esprit Saint envers tout homme, c’est d’ailleurs ce qui fait que tous les hommes sont égaux en dignité, bien que tous différents. Car, il faut malheureusement encore le rappeler, égalité n’est pas uniformité. Tous les hommes sont aimés de Dieu, de manière égale, mais différente. De même qu’un père ou une mère aime autant tous ses enfants, mais de manière différente, adaptée à la personnalité de chacun.
     Puisque tous les hommes sont égaux en dignité, et que toute personne est aimée de Dieu, toute personne est digne d’être aimée. C’est ce que nous rappelle Jésus en nous laissant son commandement : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». A travers cette consigne, c’est un véritable envoi en mission qu’il nous adresse. Parce que cette mission d’aimer, si banale qu’elle puisse paraître, est en réalité une mission difficile, une mission parfois risquée. Dans les années 60 et 70, le mouvement Hippie avait retenu seulement la première partie de ce commandement : « aimez-vous les uns les autres », en détournant le verbe « aimer » à son seul sens affectif, sentimental. Mais ce n’est pas ce que Jésus a dit ! « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». L’amour dont il est ici question est beaucoup plus exigeant, dans un sens beaucoup plus large, qui englobe toute la personne. Aimer comme Jésus nous a aimés, comme il nous aime, c’est autre chose qu’aimer le plaisir ou la satisfaction que peut m’apporter l’autre. Il s’agit d’aimer des personnes, pas des sentiments ou des sensations ! « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » ajoute Jésus. Donner sa vie, ce n’est pas rien !
     Lors des rencontres de fiancés qui se préparent au mariage, j’aime leur faire relever la différence entre ce qui leur sera dit à la mairie et ce qu’ils se diront à l’église. Vous le savez certainement, au moment de procéder au mariage civil, le maire ou son adjoint demande successivement aux futurs époux : « voulez-vous prendre pour époux... – voulez-vous prendre pour épouse... ». Tandis qu’à l’église, ce sont les mariés eux-mêmes qui s’échangent leur consentement en disant « je te reçois comme épouse – je te reçois comme époux... » Dans le premier cas, on utilise le verbe prendre, et dans le second, le verbe recevoir.  Un homme et une femme qui s’aiment vraiment saisissent très bien cette nuance, qui est d’ailleurs beaucoup plus qu’une nuance. C’est une différence fondamentale entre l’amour-sentiment qui nous est souvent présenté, l’amour qui prend, pour le plaisir ou la satisfaction personnelle, et l’amour proposé par Jésus, par l’intermédiaire de son Eglise, amour qui se donne et se reçoit. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Jésus ne nous a pas aimés pour son plaisir. Ça lui a même coûté assez cher ! Jésus nous aime jusqu’au don total de sa vie. Il ne peut pas faire autrement, puisqu’il est Dieu, et puisque Dieu est amour, Dieu n’est qu’amour ! et l’amour se mesure et se vérifie par les actes, pas par les discours ; par le don de soi, pas par de belles promesses.
     Alors, nous le voyons bien, il ne s’agit plus de discuter pour savoir si nous, chrétiens, avons reçu plus d’Esprit Saint ou autant d’Esprit Saint que les autres, ni si nous l’avons reçu avant, pendant ou après le baptême. Il s’agit d’aimer, tout simplement. L’Esprit Saint qui est en nous, qui aime en nous, ne demande qu’à se manifester à travers l’amour que nous donnerons. Mais nous sommes libres aussi de le garder pour nous. C’est notre libre réponse à cette proposition d’amour qui est la vraie mesure de notre foi. C’est pour cette raison que nous avons une lourde responsabilité vis-à-vis du monde : Si les incroyants ignorent qu’ils sont habités par l’Esprit Saint, il nous incombe en premier lieu de leur faire savoir ! Et s’ils l’ignorent, on peut comprendre qu’ils puissent avoir des difficultés à aimer. Mais nous qui le savons, nous n’avons aucune excuse. Nous ne pouvons pas faire comme si nous n’avions pas entendu cet appel du Christ : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Et puisque nous l’avons entendu, notre plus belle prière sera de demander à Dieu qu’il nous montre, chaque jour, quels moyens concrets il nous propose pour le mettre en pratique.
Amen !
 
Daniel BICHET, diacre permanent
Monnières, St Hilaire de Clisson et Maisdon sur Sèvre
12 - 13 mai 2012

                                                              



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