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6° dimanche de Pâques


« Demeurez dans mon amour (…) Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». La barre est haute, très haute ! Sans parler d’atteindre la perfection avec cet appel, est-ce accessible dans le quotidien de notre vie ? Est-ce accessible dans ma vie de famille, dans mes activités professionnelles et sociales, dans ma paroisse ? Tous ces lieux ne sont pas du même ordre dans le rapport à autrui, mais rien ne dit que l’un de ces lieux serait exclu de cet appel à demeurer dans l’amour du Christ, à aimer l’autre comme le Christ m’aime…
On peut commencer par répondre « oui, j’essaye, j’ai mes repères chrétiens, je suis baptisé, j’ai un fond qui n’est quand même pas mauvais, donc j’aime et je fais effort d’aimer tout particulièrement quand cela paraît compliqué ou difficile, et si je n’y arrive pas bien, le Seigneur m’aide ». Certes, tout ceci est vrai et humble. Mais les paroles du Christ nous engagent à aller un peu plus loin, non pour faire œuvre d’intellectuel, mais pour entrer plus en profondeur dans ce mystère d’amour envers autrui… Autrui jusqu’à l’ennemi, puisque le Christ jésus a dit par ailleurs « aimez vos ennemis ».
Pour cela, une autre question me paraît se poser en préalable : que signifie « aimer » son semblable, au sens de l’appel du Christ ? Si je ne mets pas des mots et des attitudes concrets sur ce verbe aimer, j’ai un peu de mal à « réaliser » - au sens prendre conscience pour mieux le vivre - cet appel du Christ. Car, cet appel ne consiste pas seulement à tenir ferme dans la foi en Jésus-Christ, mais, plus profondément, à vivre dans l’amour reçu de lui et donc reçu du Père. C’est la grande révélation apportée par le Christ et qui fonde notre agir et notre comportement chrétiens : la foi, oui ; l’espérance, oui, mais la charité par-dessus tout, nous redit Saint Paul… Or la charité est profondément reliée à l’amour envers autrui.
Si le sens d’aimer vient plus facilement au sujet de l’amour entre des conjoints ou à l’égard de ces enfants, en particulier en vertu du sacrement du mariage et de la famille, ce sens devient plus difficile à exprimer si je dis à l’une ou l’un d’entre vous, frère ou sœur chrétien, « je vous aime comme le Christ me le commande », et c’est sans doute encore plus difficile, voire plus étrange, si je songe à un collègue de travail, à une rencontre fortuite dans la rue. Surtout si, comme le Christ l’ajoute, il nous faut demeurer dans l’amour. Cela a dû être très étrange pour Pierre, juif de tradition, qui arrive chez le centurion Corneille, chef dans une armée d’occupation d’un empire païen. Et pourtant Pierre et Corneille se sont aimés au sens de l’appel du Christ, sans quoi rien n’aurait été possible dans la maison de Corneille.
L’amour, auquel le Christ nous appel, est à l’image de l’amour du Père. Pour le qualifier et le rendre plus concret, je le caractériserais volontiers avec trois termes importants : la dignité, l’apaisement et la reconnaissance.
La dignité : nous ne pouvons vivre que dans la relation, et nous avons d’immenses ressources que le Seigneur nous a données pour cela. La dignité est ce que nous donne autrui, par une parole, un geste ou un regard, même avec un masque. La dignité est ce dont on manque si l’amour fait défaut. Laissé seul, je suis nu. « Nul ne vit pour soi-même et ne meurt pour soi-même », écrit Saint Paul (Rm 14,7). L’amour dont parle le Christ offre la dignité.
L’apaisement : la brûlure dans notre cœur, dans nos entrailles, lors d’une tension, d’un conflit, s’apaise si l’amour revient, resurgit. L’apaisement cherche à éteindre le feu de l’agressivité. Et l’on sent bien que l’amour, sans s’imposer, est en capacité de reprendre la main, d’atténuer la brûlure. L’amour dont parle le Christ apaise.
La reconnaissance : autrui a de la valeur, de la conception à la mort, et c’est précisément un fruit de cet amour que de reconnaître cette valeur. Reconnaître autrui et sa valeur implique nécessairement de l’aider, de le soutenir, de le secourir si besoin, à la mesure de mes moyens. L’amour dont parle le Christ conduit à reconnaître la valeur d’autrui.
Nous voyons donc bien comment ce commandement d’amour, dont la source est Dieu selon la 1ère lettre de St Jean, notre seconde lecture, est une invitation permanente à vivre ma relation avec autrui dans la dignité, l’apaisement et la reconnaissance, à colmater cette relation si elle se fissure, à la reconstruire si elle s’effondre. Et si le Christ avoue publiquement qu’il nous dit cela pour que sa joie soit en nous et que notre joie soit alors parfaite, c’est que nous touchons ici, avec ces paroles du Christ, le centre de notre réalité humaine et d’enfant de Dieu, le sens premier de notre vie tout entière.
Que cette Eucharistie nous immerge encore davantage dans cet amour qui demeure, afin que notre vie soit déjà teintée, imprégnée, habitée de la joie parfaite du Christ à notre égard.


Christophe DONNET, diacre permanent
9 mai 2021
Paroisse Saint Benoît, Diocèse de Saint-Étienne
 
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