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6° dimanche du Temps Ordinaire


« La lèpre le quitta et il fut purifié » (Mc 1, 40-45)


Frères et sœurs,
L’homme, dont l’Évangile n’a pas gardé le nom, était lépreux. C’est-à-dire que, sans avoir rien fait pour le mériter, il était atteint d’une maladie qui éloignait tout le monde de lui, qui le rendait impur aux yeux de tous, qui laissait même certains croire qu’il avait péché contre Dieu et que Dieu le punissait. Même ses parents et amis, face à cette maladie, ne savaient que faire. Eux qui l’aimaient comme un frère, comme un père peut-être, comme un ami ou un cousin, ne savaient comment réagir. Ils n’avaient aucun remède, étaient totalement désemparés. Notre homme se trouvait relégué à être exclu de la société, un « intouchable », non plus un homme, mais une cloche qui, dès qu’on l’entend, proclamait à tous de s’éloigner. Il a peut-être même commencé à sentir qu’il pouvait disparaître, que rien ne changerait, que s’il venait à tomber, être affamé, ou même mourir, personne ne s’en rendrait compte.

Aujourd’hui, frères et sœurs, la lèpre a pratiquement disparu (du moins sur notre continent). Mais l’exclusion, elle, reste toujours bien présente : les personnes handicapées, les personnes âgées invalides qui vivent en solitude, les inadaptés sociaux !... Aucune famille, aucune catégorie sociale n'est à l'abri : drogués, déficients mentaux, délinquants, chômeurs de longue date, sans domicile fixe, conjoints séparés en grande précarité, enfants abandonnés, maltraités, sans oublier ces migrants qui nous dérangent, ceux fuyant des pays dévastés par les guerres ou gouvernés par des régimes totalitaires ou corrompus … la liste est longue, elle peut déranger, décourager, nous inciter à fuir … par lâcheté ou par mépris.

Mais Jésus, Lui, ne l’entend pas de cette oreille. A peine voit-il le lépreux, à peine l’entend-il, qu’il est « saisi de compassion ». Jésus le regarde avec tendresse. Et c’est assez pour notre lépreux, de reconnaître en Jésus plus qu’un charpentier. Oui, beaucoup plus ! Il voit quelqu’un qui n’a pas peur de le laisser s’approcher, de le regarder avec amour, de poser son regard sur lui ; quelqu’un qui le regarde non pas avec dégoût, aversion, répugnance, mépris ; mais avec tendresse, compassion et bienveillance. Quelqu’un qui lui parle et le touche même, lui l’intouchable.

Pourtant ce lépreux a violé les codes, la loi de Moïse qui le sommaient de rester à l’écart (comme nous venons de le découvrir dans la première lecture de ce dimanche), s’exposant ainsi à la lapidation.
Et Jésus qui l’a touché, a pris, lui aussi, le risque d’être sévèrement juger par son entourage. Jésus aurait bien pu soigner ce malade à distance (en distanciel par exemple … un mot si puissant aujourd’hui !), comme il l’avait souvent fait. On se rappelle alors cette phrase des évangiles : « va, ta foi t’a sauvé … ».

Mais cette fois-ci, le Christ voulait accomplir deux missions en une dans cet acte de guérison. Accorder le rétablissement à ce malade mais aussi offrir à cet intouchable une réhabilitation dans sa dignité humaine. Le sortir de cette fosse déshumanisante dans laquelle les mentalités de son époque l’ont cloué. Le Christ décrète ainsi le changement de statut de cette personne mise au ban de la société. Il met en gage sa réputation et la considération que lui valait son savoir et ses pouvoirs exceptionnels, pour accueillir cet homme qui s’est approché de Lui le cœur lourd et meurtri.

Cet homme voulait quitter cet enfermement, dans cette « non-vie » que lui imposait sa maladie et toutes les craintes qu’elle éveillait dans son entourage. Jésus l’a compris : il étend la main et le touche … touchant sa véritable souffrance, il lui dit « je le veux, sois pur ! ». Et aussitôt la lèpre le quitta et il était guéri.

La guérison physique, pour le Christ, dans cette rencontre, n’est pas plus grande que la guérison de l’esprit du malade. Jésus guéri l’esprit meurtri de ce lépreux par un geste d’amour. Il le touche parce qu’à ses yeux, c’est un humain. Il le touche avec affection parce que pour Lui il n’y a pas de barrière suffisamment haute pour contrer l’amour. La loi, les préjugés, les craintes, le poids des mentalités n’ont pas réussi à endiguer la force de l’amour … cet amour qui ne voit pas la laideur de la lèpre !

« Aime et fais ce que tu veux » est l'une des citations les plus connues de saint Augustin, mais aussi l'une des moins bien comprises. Remis dans le contexte de la théologie de ce grand saint, son sens est : « Si tu aimes vraiment comme Dieu aime, alors fais ce que tu veux, car tu ne pourras vouloir que le bien. Celui des autres et le tien. »

Frères et sœurs, quand l’amour n’est entravé par rien ni personne, c’est lui qui devient contagieux. C’est le véritable message de cet évangile ! Non seulement Jésus n’est pas contaminé par la lèpre, mais c’est lui qui contamine le lépreux. L’humanité de Jésus est porteuse de vie divine. Elle est instrument du salut.

C’est un appel à nous laisser toucher par cet amour infini du Christ.
Le Christ n’a pas eu pitié du lépreux qu’il a accepté d’écouter et soigner. Il l’a regardé, lui a parlé, l’a touché, l’a traité comme un humain à part entière. Il lui a témoigné de la considération et Il n’attendait rien en retour. Notre Seigneur nous aime sans rien attendre. Il a aimé le monde. Il aime les humains et pas seulement certains humains.

Mes frères et mes sœurs, ce genre d’amour est foudroyant. Ceux qui en usent vraiment, neutralisent les mauvaises intentions de ceux qui les repoussent ou suspectent leur sincérité et cette belle scène rapportée dans l’Évangile de Marc, nous impose d’être tous à l’image de Notre Seigneur.

Saint Paul l’a bien compris. Lui qui a passé une partie de sa vie à persécuter les chrétiens, s’est laissé toucher par Jésus sur le chemin de Damas. Il s’est efforcé depuis de l’imiter inlassablement. Il nous invite à vivre en Christ, dans un amour désintéressé, sans chercher notre seul intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes qui nous entourent, pour qu’ils soient sauvés et nous avec eux !

Comme le lépreux, tombons à genoux devant Jésus présent dans mon prochain. Confions à Jésus dans la prière tous nos problèmes et celles du monde, sans crainte.

Sur cet homme prostré et malade, sur nous tous, voici Jésus qui se courbe le dos ; et ce n'est pas l'impur qui touche le pur pour être guéri, c'est Jésus qui touche le lépreux, qui nous touche, pour prendre sur lui notre mal et nous communiquer son Esprit-Saint. Alors, laissons-nous toucher par Jésus frères et sœurs … ne résistons pas à l’émotion d’être guéris par Lui et proclamons-le à tous, afin que beaucoup d’autres ‘lépreux’ puissent entendre parler de ce Dieu, qui au milieu de leur solitude, les regarde avec tendresse, et qu’ainsi, à leur tour ils le cherchent dans leurs vies.

Le Carême qui s’annonce pour mercredi prochain, nous donnera l’occasion de nous mettre en chemin et de tomber à genoux devant la croix du Christ … Oui, Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier…

Ainsi soit-il !



Patrick CHAHLA, diacre permanent.
Avec l’aide de diverses sources.
14 Févier 2021

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