Année B
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Jb 7,1-4.6-7 ; 1Co 9,16-19.22-22 ; Mc1,29-39
Grosse journée pour Jésus ! Nous sommes au tout début de l’évangile de
Marc, au chapitre 1. C’est un jour de Sabbat. Dès le matin, Jésus a
commencé par guérir un homme frappé par un esprit impur, dans la
synagogue. C’était l’évangile de dimanche dernier. Puis, sitôt sorti de
la synagogue, Jésus guérit la belle-mère de Simon. Le soir venu, on lui
amène des quantités de malades et de possédés, pour qu’il les guérisse.
Et puis, au matin « bien avant le lever du soleil », il sort pour
prier. Ouf ! Quelle journée ! ça commence fort, dans l’évangile de Marc
!
Et puis, ce n’est pas fini : ses disciples arrivent et lui font cette
remarque, en forme de reproche : « Tout le monde te cherche ! » et il
répond qu’il va aussitôt continuer sa mission « ailleurs, dans les
villages voisins ». Non, ce n’est pas fini, loin de là !
Revenons sur ce « Tout le monde te cherche ». En fait, ce n’est pas
étonnant que tout le monde cherche Jésus. S’il a guéri autant de
personnes dans une même journée, on comprend que les gens aient envie
de le voir et de le garder avec eux. Mais en relisant cette phrase
(tout le monde te cherche) dans le contexte d’aujourd’hui, on pourrait
s’étonner : est-ce que vraiment, tout le monde cherche Jésus ? Ce n’est
pas l’impression la plus évidente en regardant vivre les gens dans
notre société. On pourrait même se dire : « ah ! si seulement c’était
vrai ! si tout le monde cherchait Jésus ! ».
Sans doute que tout le monde ne cherche pas Jésus. Pourtant, beaucoup
de nos contemporains sont en recherche de quelque chose, sans pouvoir
nommer ce « quelque chose ». Nous chrétiens, nous disons que c’est
Jésus que nous cherchons ; en tout cas, c’est Jésus que nous cherchons
à suivre, à imiter, à faire connaître. Tandis que tous ces gens en
recherche, ces gens qui ne le connaissent pas, n’ont pas de nom à
mettre sur le but de leur recherche. Mais finalement, ce qu’ils
cherchent, c’est bien ce que Jésus nous promet…
Cette quête du bonheur qui habite chacun de nous, Jésus nous en montre
le chemin. Il est le chemin, d’ailleurs. Par sa vie, par ses actes, il
nous montre la voie, il nous montre l’exemple. Alors si nous voulons
l’imiter, observons son attitude justement dans ce passage
d’aujourd’hui.
Au petit matin, Jésus se lève bien avant l’aube et s’en va à l’écart
pour prier. Il vient de passer une journée bien remplie, comme nous
venons de l’entendre, pendant laquelle il a rencontré de nombreuses
personnes, et il a opéré de multiples guérisons. Il a beaucoup donné.
Il s’est beaucoup donné. Alors, sans doute fatigué, il s’en va prendre
un peu de distance pour recharger ses batteries, directement à la
source, vers son Père, par la prière.
Cette attitude de Jésus est à méditer. C’est un exemple pour nos
propres vies. Nos activités de la journée, parfois, s’enchaînent à un
rythme effréné. Et nous nous donnons, nous sommes dans l’action,
parfois peut-être dans l’activisme. Et les journées, les semaines, les
mois défilent sans que nous prenions le temps de reprendre souffle, le
nez dans le guidon, nous complaisant peut-être dans cette situation qui
peut nous donner l’impression d’être utile, important, indispensable…
Prenons garde alors de ne pas tomber dans la désespérance de Job :
« Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des
journées de manœuvre. Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre,
comme le manœuvre qui attend sa paye,
depuis des mois je n’ai en partage que le néant,
je ne compte que des nuits de souffrance. »
Peut-être que le remède à cette désespérance, c’est de chercher le sens
de toutes ces activités. À quoi bon me donner tant de peine ? Quelle
sera ma récompense ? Suis-je condamné à demeurer éternellement ce «
manœuvre qui attend sa paye » sans aucune autre satisfaction, sans voir
le but de toute cette agitation ?
Dans sa première lettre aux Corinthiens, St Paul nous donne une clé
pour sortir de cette impasse : « Quel est mon mérite ? C’est d’annoncer
l’Évangile sans rechercher aucun avantage matériel ».
Juste après, il nous dit qu’il s’est « fait l’esclave de tous
afin d’en gagner le plus grand nombre possible. » Lui non-plus, comme
Job, ne ménageait sans doute pas sa peine, ne comptait pas ses heures.
Mais il le faisait avec joie, annonçant l’Évangile en se mettant au
service des autres sans attendre aucun avantage en retour. « Malheur à
moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » Voilà la clé. Sa motivation,
son moteur, et en même temps son but, c’est d’annoncer l’Évangile.
Depuis sa conversion sur le chemin de Damas, Paul a orienté toute sa
vie, tout son temps, toutes ses capacités, toute son énergie vers cet
objectif : annoncer l’Évangile. Rien d’autre n’a plus d’importance que
de faire connaître au monde entier la Bonne Nouvelle de ce Dieu unique,
si puissant d’amour qu’il aime chacun et qu’il veut les sauver tous.
Et pour les sauver tous, Jésus, lui aussi, se donne pleinement, de
toute ses forces, de toute son énergie, sans perdre un instant pour
continuer sa mission.
Mais il est important de remarquer que, pour Saint Paul comme pour
Jésus, annoncer l’Évangile ne passe pas que par de beaux discours : «
Je me suis fait l’esclave de tous… » comprenez : « je me suis mis au
service de tous, par amour ». De même, le passage d’aujourd’hui nous
montre Jésus qui annonce l’Évangile sans prononcer une parole : il
guérit les malades et expulse les démons. C’est par ses actes d’amour
qu’il annonce l’amour. Les premières communautés chrétiennes ont
annoncé l’Évangile sans faire non-plus de grands discours. On disait
d’eux – c’est dans les Actes des Apôtres – « voyez comme ils s’aiment
», on ne disait pas « voyez comme ils parlent bien » ! C’est leur
comportement très spécial, habité par l’amour, par des actes de charité
envers tous, au cœur de leur communauté, qui se rendait visible et qui
donnait envie à l’extérieur de leur communauté. Eux non-plus ne
devaient pas ménager leur peine pour être disciples de Jésus. Mais ils
savaient, comme lui, prendre des temps pour se ressourcer auprès du
Père par la prière.
Alors, frères et sœurs, dans nos activés parfois nombreuses qui nous
accaparent, ressentons-nous, nous aussi, comme Jésus, ce besoin de nous
arrêter, de nous retirer, de nous ressourcer ? Quitte à nous lever bien
avant l’aube, à prendre sur notre temps de sommeil, ou sur notre temps
de loisir ?
Si Jésus lui-même, qui pourtant est Dieu, ressent ce besoin de recevoir
la force auprès de son Père, qui sommes-nous pour prétendre nous en
passer ? Oui, arrêtons-nous un instant, de temps en temps. Mettons-nous
à l’écart, dans un endroit désert, pour nous permettre de ne pas
oublier le sens de notre action, de nos activités. Venons chercher
auprès de notre Père l’énergie nécessaire à notre engagement auprès des
autres. Puis ensuite, fortifiés par l’Esprit, comme notre maître, «
allons ailleurs, dans les villages voisins » – le pape François dirait
: « aux périphéries » – afin que là aussi nous proclamions l’Évangile.
Amen
Daniel BICHET, Diacre Permanent
St lumine de Clisson, Notre-Dame de Clisson
Le 7 février 2021
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