Frères et sœurs,
Dans notre préparation vers Pâques, les épreuves que nous propose
la liturgie pour « concourir
et
vaincre avec le christ », dimanche après dimanche, peuvent
nous
sembler éprouvantes ; si nous regardons notre synoptique, nous
voyons :
au tout début Jésus tenté au désert « avec
le
Christ… allant au désert » ; puis Jésus transfiguré
« avec le Christ… montant à
la montagne »
et dimanche dernier les marchands chassés du Temple « avec le Christ… renversant les tables ».
Aujourd’hui, comme une pause au milieu de notre parcours de remise
en forme (jeudi était la mi-carême), nous venons d’entendre le dialogue
entre
Jésus et Nicodème, pour ce dimanche
de
la lumière « avec le
Christ…
menant à la lumière » et
de la joie…
Le Carême est une période que nous retrouvons tous les ans avec
plus ou moins d’entrain : Carême est souvent synonyme d’effort,
d’austérité, de
pénitence, de jeûne… des mots que nous n’associons pas facilement avec
le mot
joie ! Pourtant, le désert ne semble joyeux qu’après la pluie : quand
tout
reverdit !
Or justement, dans les textes que nous venons d’entendre, ce que
la Parole de Dieu est venue dire à notre cœur devrait déclencher une profonde joie intérieure en nous ; dans la
bouche de St Paul nous avons entendu : « Frères,
Dieu
est riche en miséricorde » et, rapportées par St Jean, ces paroles
de
Jésus : « Dieu a envoyé son Fils
dans le
monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde
soit
sauvé. »
Ce sont des mots que nous connaissons, mais est-ce qu’ils changent
quelque chose dans notre manière d’envisager notre vie ? Nous savons que
nous
sommes faibles et pécheurs devant Dieu, malgré tous nos efforts… alors
comment
Dieu regarde-t-il nos cœurs ? Le mal qui habite le cœur de l’homme peut
être
immense et Dieu le voit : comment réagit-il ?
Pour comprendre attardons-nous quelques instants sur ce qu’est
« le jugement ».
D’abord le jugement
n’est pas pour l’au-delà, il est
pour
maintenant, à cette minute même. Ensuite le jugement ce n’est pas Dieu qui le prononce, en nous lisant un dossier où
tous nos péchés ont été enregistrés au fil des jours : c’est chacun qui se juge et se condamne en refusant de regarder
avec foi et confiance vers celui qui a été élevé sur la croix… comme
si on refusait la lumière !
Quand
vient la
lumière, tout devient clair, on ne sait plus tricher (en latin, juger,
c’est le
même mot que discriminer, séparer, c-à-d faire la différence entre ce
qui est
beau et ce qui fait désordre).
Quand
on est
dans l’erreur et qu’on tient à rester dans l’erreur, on refuse toute
lumière,
tout conseil, tout discernement ; on s’enferme dans une espèce de cercle
vicieux en s’enfonçant de plus en plus dans les ténèbres. Comme lorsque
l’on
n’a pas la conscience tranquille, on a peur de la vidéosurveillance ou
des
radars sur les routes, on déteste et on évite la lumière !
Et bien Jésus, qui est la lumière, nous permet de nous positionner
pour la lumière ou pour les ténèbres, pour les œuvres de lumière dont on
peut
être fier ou pour les indignités qu’on cherche à dissimuler. C’est un
grand
bien pour nous que la lumière de
Jésus
démasque même nos intentions cachées, car il nous permet, si nous
le
voulons bien, de nous corriger. Le Christ, élevé sur la croix comme le
serpent
de bronze par Moïse, est comme un phare sur notre chemin, un spot sur
notre
figure « (…) tout homme qui fait le mal, déteste la lumière : il ne vient pas à
la lumière, de peur que ses œuvres ne lui soient reprochées ; mais
celui qui
agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient
reconnues
comme des œuvres de Dieu. » La lumière nous permet de faire la vérité sur nous, de reconnaître notre péché.
Oui mais… Sommes-nous prêts à sortir à la lumière et changer de
vie pour que nos œuvres soient reconnues œuvres de Dieu ? Sommes-nous
prêts à
vivre en enfants de lumière comme nous l’avons promis au baptême ? A
sortir de
l’ombre comme Zachée, comme la Samaritaine… comme bien d’autres qui ont
accepté
de venir à la lumière et de faire la vérité sur eux-mêmes ? Alors que la
France
se glorifie d’inscrire dans la Constitution la
liberté
garantie à recourir à l’IVG plutôt que la promotion des droits des
femmes et des enfants ou d’œuvrer pour que l’accueil de la vie soit
davantage
aidé et soutenu... sommes-nous
prêts à être
nous-mêmes amour et lumière auprès de nos sœurs et frères en
souffrance ?
Allons-nous nous décider à lever
notre
regard vers le Christ, vers la grâce, vers la lumière, vers la
vérité, vers
la vie, vers l’Amour, dans
la joie ?
Seulement voilà, nos mots manquent de profondeur pour exprimer cet
amour, cette tendresse, cette
délicatesse de Dieu à notre égard… c’est pourquoi le plus
juste est
certainement le mot miséricorde,
même
s’il est un peu désuet… Jean Paul II disait « La miséricorde n’est pas une qualité ou un attribut de Dieu : c’est son
nom. » Cette miséricorde, cette
grâce dont parle St Paul, s’est incarnée en Jésus qui est allé
jusqu’au
calvaire pour nous montrer que son
amour
est plus puissant que le péché et que la mort.
Et d’ailleurs, dans la nouvelle traduction de la Bible, c’est bien
ce mot de miséricorde qui a
été remis
dans le Magnificat de Marie en lieu et place du mot amour : « Le Puissant fit
pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde
s’étend
d’âge en âge sur ceux qui le craignent. »
Voilà F&S, cette pause dans notre entraînement pour concourir
et vaincre avec le christ nous
invite à reprendre souffle et à
faire le
point sur notre préparation, comme Nicodème qui vient interpeler
Jésus.
Ressourcés et revigorés par la miséricorde et la grâce divine, poursuivons
dans la joie notre parcours
de Carême, en tournant nos yeux, notre esprit, notre énergie vers
l’objectif de
la victoire, vers la lumière de
Pâques
d’où nous vient le salut. Les serpents du monde nous ont piqués
mortellement
par le péché, par le doute, par le manque d’amour, par l’égoïsme…
L’antidote,
c’est la confiance et
l’espérance en
Jésus mort et ressuscité pour nous sauver. Le reconstituant, c’est
la
liturgie de la réconciliation qui nous est proposée en carême pour
accueillir
Celui qui ne vient pas nous juger, mais nous prouver la richesse de sa
miséricorde en nous arrachant aux ténèbres
du
péché pour nous exposer à la lumière
du
pardon. C’est ce que vont expérimenter nos catéchumènes en
célébrant
dans quelques instants leur 2ème scrutin.
Alors, à l’image des porteurs de la flamme qui se relaient vers le
stade olympique, soyons forts et
joyeux
sur notre parcours de Carême ; même si nous peinons dans l’effort,
ce
n’est pas la tristesse qui doit nous habiter, car Dieu nous aime et il est auprès de chacun(e) de nous pour nous
conduire vers la lumière et la joie de
la résurrection !
Amen.
Patrick JAVANAUD, diacre permanent
le 10 mars 2024