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4° dimanche de carême

(2 Chr 36, 14-23 ; Eph 2, 4-10 ; Jn 3, 14-21)          


Nous sommes aujourd’hui au milieu du carême, c’est le dimanche de « laetare », dimanche de la joie. Pourtant, en écoutant successivement toutes les lectures de la liturgie d’aujourd’hui, ou pourrait aussi l’appeler le dimanche des paradoxes, ou le dimanche de l’étonnement, de l’inattendu.

Dans le livre des Chroniques, la première lecture nous raconte comment le roi Cyrus, dès sa prise de pouvoir après avoir conquis Babylone, va demander au peuple d’Israël que Nabuchodonosor avait fait déporter et réduit à l’esclavage, de rentrer à la maison pour reconstruire son Temple ! Libération pour le moins inattendue ! Première source d’étonnement, premier paradoxe. 

Le psaume 136 ensuite évoque aussi un inattendu : « nos vainqueurs nous demandèrent des chansons, et nos bourreaux, des airs joyeux ». deuxième source d’étonnement. Deuxième paradoxe.

Saint Paul ensuite dans sa lettre aux Éphésiens nous redit que « nous qui étions morts à cause de nos fautes, Dieu nous a donné la vie avec le Christ ». La vie nous est donnée par la mort et la résurrection de Jésus. Nous autres chrétiens, nous sommes habitués à ce discours, mais avouons que c’est tout de même un sacré paradoxe !

Et puis il y a l’Évangile de Saint Jean…

Prenons un peu de temps pour le parcourir.

Au début de ce passage d’évangile, Jésus fait référence à un serpent de bronze élevé par Moïse dans le désert. En effet, pendant l’exode du peuple hébreu dans le désert, Moïse, obéissant à la parole de Dieu, avait fait forger un serpent de bronze enroulé autour d’une longue perche plantée dans le campement. Alors, en le regardant, les personnes mordues par un serpent avaient la vie sauve. Cet épisode biblique est raconté dans le Livre des Nombres. Paradoxe, encore, que ce serpent qui donne la mort et qui donne la vie. L’image de ce serpent-guérisseur enroulé autour d’un bâton a traversé les siècles. On la retrouve aujourd’hui sur le Caducée, ce logo permettant d’identifier les personnels de santé. 

En fait, la pratique datait de bien avant Moïse, avec ce dieu-serpent enroulé autour d’un bâton et auquel il fallait célébrer un culte pour échapper à la mort, suite à une morsure de serpent. Moïse va transformer cet acte magique en acte de foi. Comme souvent, et l’Église poursuivra cette stratégie, Moïse s’appuie sur les pratiques existantes pour les sublimer, leur donner un sens nouveau, toujours tourné vers Dieu : regarder le serpent de bronze obligeait à lever la tête, à regarder plus haut, à regarder vers le ciel ! En fait, on était sauvé non par magie, mais par la confiance en Dieu, c’est-à-dire la foi.

Si Jésus utilise cette image, le serpent élevé de terre, c’est pour annoncer la croix, sa propre croix, sur laquelle il sera aussi lui-même élevé de terre,  pour nous donner la vie. « Ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. » La croix porte le même paradoxe que le serpent : Pour les hébreux, le serpent signifiait la mort, et se tourner vers le serpent de bronze signifiait la vie. De même, pour nous, la croix évoque la souffrance et la mort, et sera pourtant le signe de la délivrance, du salut, de la vie éternelle. C’est pourquoi nous vénérons la croix chaque vendredi Saint. Nous ne vénérons pas un instrument de torture, mais l’instrument du Salut ; nous ne vénérons pas ce qui conduit à la mort, mais ce qui conduit à la Vie. Encore un paradoxe !

Après l’évocation du Salut par la croix, dans ce passage de l’évangile de Jean, Jésus nous parle d’un jugement. Le jugement, ça fait toujours peur, parce que chacun de nous sait bien qu’il n’est pas irréprochable et qu’en cherchant bien, on pourrait trouver assez facilement de bonnes raisons de nous condamner.

Mais la bonne nouvelle, c’est ce que Jésus nous dit à propos de ce jugement : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »  Donc ce qui nous attend, ce n’est pas une convocation devant un tribunal, c’est le salut ! C’est que nous sommes sauvés !  Jésus est venu pour nous sauver ! Et il ajoute : « Celui qui croit en lui échappe au Jugement. » Non seulement le jugement consiste à sauver le monde, mais si nous croyons en lui, nous  échappons même au jugement ! Encore une source d’étonnement ! C’est pas une bonne nouvelle, ça ?

Oui, mais alors, finalement, jugement ou pas ? Parce que cette question du jugement, c’est quand même une préoccupation importante, et pas seulement pour les chrétiens. Tous les siècles qui nous ont précédés ont été marqués par cette histoire de jugement, qui a déterminé les comportements de chacun en fonction de sa perception, de l’idée qu’il se fait du jugement. Le jugement a quelque chose à voir avec les notions de péché, mortel ou véniel, d’enfer et de paradis, de pardon, de miséricorde divine… De nombreuses générations ont passé leur vie entière avec, comme toile de fond, cette attente du jugement, souvent cette peur du jugement, le fameux, le terrifiant jugement dernier. 

Et là, en écoutant la façon dont Jésus en parle, toutes nos peurs n’ont plus de raison d’être ! « Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde. » Le jugement n’est pas présenté comme un tribunal, dans lequel chacun de nous serait l’accusé, mais comme une lumière qui nous éclaire, dès ici-bas, dès aujourd’hui, pour nous montrer la vérité du Bien et du Mal. Étonnant, non ? Et Jésus ajoute : « Celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. » Le jugement, c’est la vérité qui apparaît en pleine lumière. Comme si nous prenions une lampe de poche pour éclairer notre vie et scruter chacun de nos actes, pour faire la vérité sur nous-mêmes, pour mieux discerner, choisir le bien et renoncer au mal.

En fait, il semblerait que le jugement le plus à craindre ne serait pas celui de Dieu, mais notre propre jugement, qui est souvent impitoyable. Dieu, lui, est toute miséricorde, et en plus nous avons l’Esprit Saint comme défenseur ! C’est inespéré !

Frères et soeurs, en parcourant ensemble ces textes de la liturgie de ce dimanche, nous sommes passés de l’étonnement du paradoxe à l’inattendu, et de l’inattendu à l’inespéré de la Bonne Nouvelle. De quoi nous remplir de joie ! C’est peut-être pour ça, finalement, qu’on l’appelle le dimanche de la joie ?


Amen !

Daniel BICHET, diacre permanent

Gorges et Maisdon sur Sèvre,

le 10 mars 2024



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