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retour vers l'accueil3° dimanche de Carême
Ex 20, 1-17 ; Ps 18 ; 1 Co 1, 22-25 ; Jn 2, 13-25
Chers frères et sœurs,
Comprendre Jésus quand il s’exprime en langage parabolique n’est une
tâche facile pour personne, pas même pour les premiers disciples qui,
au dire de l’Evangéliste, ne l’ont compris qu’après l’événement pascal
(cf. Jn 19,22 ; cf. Ratzinger J, Jésus de Nazareth, de l’entrée à
Jérusalem à le Résurrection, éd. Parole et Silence, 2002 p.36).
Baptisés que nous sommes dans la Pâques de Jésus Christ, nous voici
engagés aujourd’hui sur la trace des premiers disciples, en quête de
compréhension des « λογια» (les paroles) de celui-là même que saint
Jean appelle «O Λογοs» (La Parole de Dieu). Nos chances de
comprendre ce texte seraient sûres si nous en jaugions le contexte.
Ainsi sont requises une observation minutieuse du lieu, du temps et des
circonstances de ce drame unique que les spécialistes s’accordent à
appeler « La Purification du Temple ». Ce décodage préalable me semble
la porte d’accès la plus assurée à la question des Juifs (c’est-à-dire
des leaders du culte et de la Loi) à Jésus, de même que l’indice de
déchiffrage de la réponse énigmatique de Jésus Lui-même aux Juifs.
Situons donc, avant tout propos, le temps, l’espace et les
circonstances de l’événement.
Le temps : Il s’agit ici non seulement d’un élément chronologique, mais
principalement d’une donnée religieuse. Jean précise bien que « la
Pâque des Juifs approchait ». Plus que d’un indice historique, il
s’agit d’une datation théologique qui est précisément la veille de la
Pâque juive, préfiguration de la Pâques de Jésus Lui-même. Cette fête
annuelle, qui est le mémorial de la victoire libératrice de Yahvé en
faveur d’Israël, raconté par le Livre de l’Exode, mérite d’être bien
célébrée, et donc bien préparée.
Quant au lieu, Jean écrit que « Jésus monta à Jérusalem ». C’est là le
comportement d’un Juif religieusement exemplaire. Il y est habitué
depuis l’âge de douze ans (cf. Lc 41,43). Sans omettre les actes de
piété en famille, le Temple, sis à Jérusalem, est le lieu de la grande
immolation faite par le Grand Prêtre. Le Temple est le centre de la
cérémonie juive. Pour cela, beaucoup de traditions y sont établies. Nul
n’est autorisé à faire dans le Temple ce qu’il veut. Mais alors, que
dire des changeurs et des vendeurs ?
Les circonstances des faits nous éclairent à cet effet. L’événement se
déroule, non pas dans les espaces de culte proprement dits, mais en un
lieu aménagé pour les païens convertis. « Dans la structure du Temple,
nous apprend Ratzinger, le très vaste parvis des Gentils, où la scène
se déroule, est l’espace ouvert, qui invite tout le monde à prier le
Dieu Unique » traduisant la vision universaliste d’Isaïe qui prédit un
avenir où toutes les nations viendront adorer le Dieu unique. L’action
de Jésus vise à réaliser cet avenir en affectant le temple uniquement à
la connaissance et à l’adoration de Dieu par tout homme. (cf. Ratzinger
J, op. cit. p.31-32).
Jésus ne dirige ni même m’entreprend une attaque contre le Temple.
Comme vous en convenez sûrement, il attaque plutôt les abus dangereux
commis dans le Temple. (cf. Id. p.26). Il est vrai, en effet, que
l’établissement des échanges dans le vaste Parvis des gentils était
autorisé par l’autorité du Temple. (Et l’on pourrait supposer qu’une
telle structure devait profiter de quelque manière à l’élite
religieuse.) A cet égard, l’activité des changeurs comme celle des
vendeurs était légale selon les normes de l’époque. Dans le même souci,
il était normale que les devises monétaires en usage dans l’empire
romain, lesquelles portaient l’effigie et la légende de l’empereur et,
de fait, était considérées comme idolâtriques, fussent d’abord, dans le
Parvis des Gentils, changées en monnaie du Temple avant d’entrer dans
le tronc des offrandes sacrées, ou même de servir, dans le même parvis,
à l’achat des animaux affectés aux sacrifices. Et pourtant, selon la
structure architecturale du Temple, cette confusion entre Temple et
affaires (cf. Id. p.35), ne correspondait pas à la destination du
Parvis, à savoir : le rassemblement des nations pour adorer Dieu. D’où
la réaction de Jésus, surprenante, et même choquante à première
vue. Telle est la situation de départ qui explique la scène à laquelle
nous assistons. Voyons à présent l’action de Jésus dans le Temple, la
question des Juifs à Jésus, et la réponse de Jésus aux Juifs.
Quelle fut l’action de Jésus ? « Il fit un fouet avec des cordes »,
renversa les comptoirs, dispersa changeurs et vendeurs (cf. Jn 2,15).
Son zèle Prophétique pour la maison de Dieu s’enflamma. Pour Lui, il
faut purifier les pratiques religieuses afin qu’elles soient conformes
à la sainteté de Dieu : « Enlevez cela d’ici, dit Jésus. Ne faites pas
de la maison de mon Père une maison de trafic ». (Jn 2,16). Nous
disions tantôt que Jésus s’en prend non pas au Temple, mais plutôt à
l’usage qui en était fait. En ce sens, « Jésus agissait en pleine
harmonie avec la Loi, empêchant les abus à l’égard du Temple »
(Ratzinger J, op. cit. p.26). Si Jésus s’en prend ainsi à l’ordre
établi par l’aristocratie du temple, c’est justement pour sauver
l’essentiel du culte. Car l’esprit du culte – à savoir l’adoration de
Dieu en esprit et en vérité (cf. Jn 4,23) – était trahi. C’est donc à
la religion véritable que Jésus veut ramener le cœur de ses
contemporains, accomplissant ainsi la loi et les prophètes. « Contre
une pratique profondément corrompue devenue ‘droit’, il revendique le
droit essentiel et vrai, le droit divin d’Israël » (Ratzinger, op cit
p. 26). Pour toute personne bien renseignée religieusement, réaction
devait paraître légitime. C’est seulement en ce sens, que pourrait
s’expliquer le silence de la police du Temple et des soldats romains
sûrement présents sur les lieux du drame (cf. id. p. 26)
Au regard de cet état de choses, que pouvaient dire ou faire les
responsables du Temple ? Car de toute manière, Jésus intervenait comme
un élément perturbateur du cours ordinaire des choses, quelque soit sa
droiture d’intention. Nous avions déjà constaté la démission ou la
résignation de l’ordre public. Ce n’était donc pas un cas facilement
gérable. Jésus agissait au Nom de Dieu et appelle le Temple la maison
de son père. Aussi les Juifs lui demandèrent-ils le signe attestant le
mandat qu’il a reçu pour agir et parle ainsi. « Détruisez ce temple,
répondit Jésus, et en trois jours je le relèverai ». Quelle
signification cette parole peut-elle bien avoir ? Elle est plutôt une
parole prophétique, comme les disciples ont fini par le savoir. Le
signe que Jésus donne à l’élite religieuse pour légitimer son action,
c’est la Croix et la Résurrection qui le légitiment comme celui qui
instaure le culte juste (cf. id p.36). Pour Ratzinger, « Le rejet de
Jésus, sa crucifixion, signifient en même temps la fin du Temple.
L’époque du temple est passée. Un nouveau culte arrive, dans un Temple
non construit par des hommes. Ce temple, c’est son Corps… La
crucifixion de Jésus est en même temps la destruction de l’ancien
Temple. Avec sa résurrection commence une nouvelle façon de vénérer
Dieu, non plus sur une telle ou telle montagne, mais ‘en esprit et en
vérité’ » (Id. p. 36). Par ailleurs, ce n’est Jésus le destructeur du
Temple. Ceux qui le détruisent sont plutôt ceux qui en font une maison
de trafic. Car « un Temple qui est devenu un repaire de brigands n’a
pas la protection de Dieu ». (Id. p.34-35). Et celui qui rebâtit le
temple détruit par l’amalgame entre le culte et les affaires, c’et
Jésus qui réalise la purification de ce sanctuaire. Il montre ainsi
déjà que par sa Résurrection, il relèvera l’homme tombé sous le poids
de l’infidélité, du péché.
Que pouvons-nous retenir de cet événement de la purification du Temple
pour notre vie chrétienne ? Jésus fait de nous, à son image, le Temple
de Dieu. Et pour être habités véritablement par le Saint-Esprit de
Dieu, nous sommes appelés à veiller à l’adéquation de notre vie avec la
volonté de Dieu. Veillons donc à ne pas nous écarter de l’Evangile du
salut. Que de notre cœur soient bannies toutes les pensées contraires à
l’amour de Dieu et du prochain. C’est également en ce sens que nous
pourrions comprendre l’injonction de Jésus : « Enlevez cela d’ici.
Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de trafic » (Jn
2,16). Faisons en sorte qu’à travers une conversion véritable, le
Seigneur nous relève en nous, en ce temps de Carême où nous nous
appliquons à la prière assidue, au jeûne et au partage, le Temple du
Saint-Esprit que nous sommes devenus depuis le jour de notre baptême.
Abbé Tanguy SOGLO
8 mars 2015
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