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3° dimanche de Carême

      
« Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai » (Jn 2, 13-25)


Et, soudain, il se mit en colère. Avouons que c’est singulier. Jésus, le Christ, le chantre de l’Amour entre les hommes, l’apôtre de la non-violence, le champion de la miséricorde…voilà qu’il se met en colère et va même jusqu’à user d’une forme de violence. Il y a de quoi en rester bouche-bée. Dans tout l’Evangile, ce passage constitue un événement unique, même si l’on a déjà pu voir Jésus en proie à la colère. Cela se passe dans la synagogue de Capharnaüm, quand les Pharisiens refusent de répondre à ses questions, St Marc écrit « il promena sur eux un regard de colère [...], peiné de l’endurcissement de leur cœur. » (Marc 3.5). Mais rien à voir avec ce grand coup de balai, suivi, pardonnez-moi l’expression, d’un vrai « coup de gueule ». On se dit, devant un tel éclat, que l’affaire est vraiment d’importance. Notons tout de même que la colère de Jésus n’est pas un accès de rage, de violence aveugle, mais plutôt un peu comme celle des parents lorsque leurs enfants ont commis une vraie, très grosse bêtise Ils réagissent avec une grande sévérité, mais aussi avec une certaine forme de pédagogie, comme le fait ici Jésus en exposant, certes avec autorité, les motifs de son courroux. « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce ». Voilà qui est clair, et explicite. La colère n’est pas l’expression de la haine, elle est réaction face à ce qui révolte. Je reviens sur mon parallèle avec la colère des parents. Celle-ci est parfois spectaculaire, elle peut impressionner l’enfant dont l’acte, ou le comportement, en est l’objet. Mais elle est, malgré les apparences, une expression de l’amour des parents pour leurs enfants. En effet, sans amour, pas de colère. Il y aurait, à la place, l’indifférence, le laisser-faire, la lâche complaisance. Je suis persuadé que la colère de Jésus est une colère d’amour, elle est l’expression de celui qui veut, de toutes ses forces, que celles et ceux qu’il aime, les enfants du Dieu, son père, retrouvent le droit chemin, celui qui mène au Royaume d’Amour qu’il est venu annoncer. Il ne se fâche pas pour faire mal, il se met en colère car il est saisi par ces comportements inadaptés et qu’il veut corriger ceux qui les commettent. Corriger, non pas dans le sens de « punir », mais dans celui de « remettre sur le bon chemin ».
Le 1er point sur lequel on peut s’arrêter est cette expression « enlevez cela d’ici ». De quoi parle t’il ? Le texte nous dit les marchands, les brebis, les bœufs, les colombes, la monnaie des changeurs, les comptoirs. Jésus serait-il opposé au commerce, aux affaires ? Non, sans doute pas, mais il s’oppose au mélange des genres. Il s’inscrit en cohérence avec la loi donnée aux Hommes par Dieu, par l’intermédiaire de Moïse, lors de cette rencontre sur le Sinaï que nous rapporte la 1ère lecture. Cette loi qui rappelle, entre autres choses, qu’il y a un temps pour tout, un temps pour le travail, et un temps en l’honneur du Seigneur notre Dieu. Et comme il y a un temps pour tout, il y a aussi un lieu pour chaque chose. Et Jésus nous rappelle ici que les affaires commerciales humaines n’ont pas à se mélanger avec le culte que nous rendons au créateur de toute chose. A chaque fois que je vais à Lourdes, en marchant dans les rues hyper commerçantes de la ville, j’ai en tête ce passage de l’évangile. Certes, ces commerces sont en dehors du sanctuaire, mais cette proximité me laisse toujours dubitatif. Et je prie pour que la religion chrétienne soit toujours un espace de charité, de partage, de prière, et que le travail, le commerce, fort utiles à l’homme, soient toujours au profit de tous et non pas le profit d’un trop petit nombre.
Le 2ème point qui peut nous interpeler est justement cette question du lieu. Ce lieu que Jésus qualifie de « la maison de mon père ». Lorsque j’étais écolier nous avions visité une église et l’accompagnateur nous avait dit « c’est la maison de Dieu ». Je me souviens que, d’une part, je m’étais demandé où était sa chambre et, d’autre part, j’avais senti comme une gêne à venir comme ça chez quelqu’un qui manifestement n’y était pas, du moins, en chair et en os. En relisant cet Evangile, je comprends que la « maison de mon père », c’est aussi, et peut être surtout, la « maison de notre père ». Et qu’en profanant un tel lieu, c’est notre propre maison que nous agressons. Cette maison, ce n’est pas qu’un lieu physique, un bâtiment, mais aussi un monde créé par Dieu et que nous avons la chance d’habiter. Le thème de carême retenu par le CCFD cette année est « nous habitons tous la même maison », la maison de notre père, qu’il nous a offerte, qu’il nous a confiée. Nous devons tout faire, en tant que chrétien, pour respecter la maison de notre père, en prendre soin, ne pas la souiller, de différentes manières. Car c’est là que nous vivons, c’est là que Dieu habite.
Le 3ème point d’attention est cette allusion au sanctuaire qu’est le corps du Christ. Ce sanctuaire que les prêtres, les scribes et les pharisiens vont vouloir détruire et que Dieu, en 3 jours, va relever. Le corps du Christ, c’est nous, c’est l’Eglise, avec un grand E, qui, à la suite du messie, marche vers le salut et l’avènement du royaume de Dieu. Nous sommes le corps du Christ, comme le rappelle Saint Paul, et chacun de nous est un membre de ce corps. Alors veillons à ne pas détruire ce sanctuaire que nous formons, en laissant agir les fissures de nos divisions, les fragilités de nos désaccords, et laissant s’affaiblir les pierres de notre Foi. Acceptons d’œuvrer sans cesse à consolider le sanctuaire qu’est le corps de notre Christ et dont nous sommes les composants. Veillons à respecter les commandements que nous avons reçus, mais allons au-delà : Agissons avec entrain, à créer autour de nous un monde de partage, de tolérance et de respect. Soyons respectueux de la création qui nous a été donnée, habitons-la avec douceur et sans avidité. Prenons soin du temple qui est en nous en allant régulièrement le visiter et l’entretenir de nos prières de merci, de pardon et d’Espérance. Alors, à notre mesure, nous aiderons à relever ce sanctuaire.
Au fond, la colère de Jésus est salvatrice. Comme celle des parents qui aide les enfants à avancer sur les bons chemins de la vie, elle nous permet de ne pas oublier ce qui fait l’essentiel de notre existence. La promesse d’être sauvé par le sacrifice de celui qui, ayant tellement aimé le monde, lui a offert, une fois sa colère exprimée, la plus belle preuve d’amour, la plus grande, la plus forte, sa propre vie. Soyons digne de ce don absolu, et veillons à faire de la maison de notre père un lieu qui soit vraiment celui qui rende témoignage à notre Dieu : Un sanctuaire où la vie soit la principale richesse que nous souhaitions faire fructifier, en la protégeant, en la partageant.
Amen.

Olivier RABILLOUD, diacre permanent
Eglise Saint Vincent de Paul, Rezé (44)
le 7 Mars 2021






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