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Dn 12, 1-3 ; Ps15, 5.8, 9-10, 1b.11 ; He 10, 11-14 ; Mc 13, 24-32
Que d’images troublantes, déconcertantes dans ces textes : une grande
détresse, le soleil qui s’obscurcit (donc la fin de la vie), les
étoiles qui tombent du ciel, les puissances célestes ébranlées. Et
pourquoi ne pas ajouter comme signes actuels, l’élévation de la
température de la terre avec son cortège de désolations naturelles et
humaines ? La pédo-criminalité dans l’Église et dans la société… Toutes
ces pulsions de mort qui se manifestent encore et toujours ?
Si véritablement Dieu nous parle dans ces textes – et telle est notre
foi –, quelle est la nature de son message exprimé dans le langage du
temps de leurs auteurs ?
Ce passage d’évangile, comme la première lecture, appartiennent à un
genre littéraire particulier, le genre « apocalyptique », qui signifie
« révélation » : tout ce qui « est », en bien comme en mal, est mis à
jour. Mais si tout est dévoilé et qu’une espérance active demeure,
alors nous pouvons discerner dans ces messages autre chose que de
l’épouvantable.
Il faut savoir que les textes juifs anciens annoncent, avec des images
souvent terrifiantes, le jour où Dieu triomphera du mal et des
persécutions. Les premiers chrétiens furent persécutés, et pourtant
Jésus ressuscitait quelques années plus tôt. Les évangélistes, dont
Marc, empruntent aussi ce langage apocalyptique pour annoncer que la
fidélité de Dieu et l’espérance du croyant sont plus fortes que les
catastrophes.
Comprenons bien aussi les images qui sont employées. Du temps de Jésus,
les peuples voisins adoraient les étoiles et les astres comme des
divinités redoutables. Alors, annoncer que le soleil et les astres
s’effondrent, en langage apocalyptique, signifie que l’avènement du
Christ signe la mort de toutes ces divinités artificielles que l’homme
a construites. Ainsi, l’image d’une catastrophe cosmique, dans la
Bible, doit être interprétée comme la victoire du Dieu créateur,
origine, principe et terme de toute vie, et qui a partagé en Christ la
condition humaine.
Quand on lit « On verra le Fils de l’Homme venir dans les nuées », il
faut comprendre que la nuée est le cadre traditionnel des apparitions
divines dans la Bible. Cette image nous dit que Jésus n’est pas
simplement un prophète comme un autre, mais la révélation (c’est-à-dire
l’apocalypse) de Dieu au cœur même du cosmos et de l’humanité.
Alors la fin des temps a-t-elle commencé ? Oui, on peut dire que la fin
des temps a commencé avec l’après-midi du vendredi saint, lorsque le
mal a semblé triompher en fixant le Christ sur la croix. Les témoins
qui racontent la mort de Jésus ont aussi utilisé le langage
apocalyptique : « le soleil s'est obscurci, la terre a tremblé, les
tombeaux se sont ouverts… ». C’était la fin du monde, ou plutôt la fin
d’un monde.
Car le Christ a donné sa vie pour faire advenir la fin d’un monde de
haine, de mort et de violence, et pour inaugurer, par sa résurrection
des morts, un monde nouveau, régénéré en Dieu, un monde qui n’aura pas
de fin.
Vous direz alors : « Depuis 20 siècles et jusqu’à aujourd’hui, le monde
agonise dans la souffrance, et notre espérance est mise à l’épreuve ».
Oui, même à l’échelle de nos vies personnelle et communautaire, nous
vivons des fins du monde intérieures qui n’en finissent pas :
découragement, abandon, souffrances physiques et morales …
Mais imaginons un instant que le Christ ne soit pas venu, que les
évangiles n’existent pas, que la foule innombrable des croyants et de
témoins ne soit pas… Où en serions-nous ? A quelles divinités
serions-nous accrochés ? La venue de Jésus inaugure le monde nouveau
qui monte progressivement et irréversiblement.
Et soyons-en certains : la somme des actes et des paroles de
bienveillance, de compassion, de fraternité et d’amour dépasse, à
l’échelle du monde et des temps, tous les actes et toutes les paroles
de destruction et de mort. Simplement, on y prête moins d’attention.
C’est le sens de la journée mondiale des pauvres, instituée par le pape
François, sans condition quant à la nature de cette pauvreté, afin de
maintenir ardente la flamme de l’agir et de l’espérance à leur égard.
Dans le passage d’évangile que nous avons écouté, avons-nous remarqué
qu’il y a davantage d’espérance que de désolation ? Ce n’est peut-être
pas notre première impression. Si le premier tiers du texte emprunte
des images de désolation, les deux autres tiers tissent l’espérance.
Pour preuve : comme signe de la fin des temps, Jésus choisit l’image du
figuier au printemps, avec l’éclosion de la vie qui annonce l’été. Il
annonce : « l’été est proche », « Le Fils de l’Homme est proche ». Le
Fils de l’Homme, c’est Dieu qui a pris la condition humaine dans le
monde, pour amener le monde vers l’été définitif de sa vie, pour «
amener définitivement à leur perfection ceux qui sont sanctifiés », dit
la lettre aux Hébreux, pour « resplendir comme la splendeur du
firmament », dit le prophète Daniel dans la première lecture.
Ce sont des images très fortes d’espérance, ancrées dans l’affirmation
majeure du Christ : « Le monde passera, mais mes paroles ne passeront
pas ». Toute l’évolution de l’univers et de l’humanité constitue un
immense labeur orienté pour que toute créature puisse librement se
rapprocher de Dieu. Ce labeur passe par la souffrance et la croix.
C’est un grand mystère que pour parvenir à l’été de Dieu, le monde
doive passer par les rigueurs d’un hiver terrible. Quel que soit son
état, le monde est le lieu et le temps de notre marche, de notre
sanctification vers Dieu. Le monde ne peut pas être un obstacle entre
Dieu et nous. Alors, par la communauté que nous formons, portés par les
Paroles du Christ et nourris par sa présence eucharistique, nous sommes
appelés par le Seigneur à soigner le figuier. Il peine à grandir, il
souffre beaucoup au cours de sa croissance, mais il est destiné à un
été éternel.
Christophe DONNET, Diacre permanent,
14 novembre 2021
Paroisse St Benoît, diocèse de Saint-Étienne
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