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2ème dimanche du Temps Ordinaire


1S3, 3b-10.19 / Ps 39 / 1Co 6, 13c-15a.17-20

Contexte : "Chrétiens en chemin" de la Communauté Ste Marie de Torfou,
104ème Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié.


    D’un côté, les textes de la liturgie, proposés par l’Eglise Universelle, et qui nous parlent d’un Dieu qui appelle : Le jeune Samuel, les premiers disciples…
    De l’autre, la 104ème Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié, proposée aussi par l’Eglise Universelle.
    Et au milieu, nous, disciples du Christ, membres fidèles de cette même Eglise Universelle.

    Devons-nous choisir ? Choisir entre une méditation sur l’appel de Dieu, et une petite prière pour les migrants et les réfugiés ?
Oui, nous devons choisir. Mais choisir les deux ! Car nous savons par la foi que l’Eglise ne peut pas être en contradiction avec elle-même.
Alors, pour ne pas risquer de nous retrouver écartelés entre deux pôles, il nous faut faire l’effort de trouver le lien entre ces deux propositions : celle des textes du jour, et celle des personnes qui ont quitté leur pays.

    Le lien le plus évident me semble être incarné par Abraham. Voici un homme qui a clairement entendu l’appel de Dieu, auquel il a répondu. Et pour répondre à cet appel, il s’est fait lui-même un migrant : « Pars, quitte ton pays, va vers celui que je t’indiquerai. »
Ainsi, répondre à un appel de Dieu, c’est forcément opérer un déplacement. Dieu ne nous appelle pas pour simplement nous donner un petit bonjour, ou pour nous donner un privilège, ou une protection particulière… Dieu appelle toujours en vue d’une mission. Et la mission implique toujours un déplacement, voire un exode.

    Vous le savez bien, vous, mes sœurs, qui avez entendu cet appel de Dieu il y a bien longtemps, et qui y avez répondu en entrant dans la congrégation Ste Marie de Torfou. Et vous aussi, chrétiens associés, qui vous êtes engagés il y a moins longtemps. Mais vous également, chrétiens en marche, vous qui êtes en route, cheminant ensemble vers cette nouvelle mission d’accompagnement des sœurs de la congrégation. Vous avez entendu l’appel, et vous avez répondu comme le jeune Samuel : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ». Vous vous êtes mis à l’écoute, puis en chemin. Et vous, sœurs venues d’Afrique ; la réponse à l’appel de Dieu vous a fait sortir de votre pays pour vous retrouver aujourd’hui ici, à Torfou. Répondre à l’appel de Dieu, c’est toujours se mettre en route, c’est toujours quitter quelque chose, parfois ses habitudes, son mode de vie ; parfois c’est aussi quitter ses proches, ou même son pays. Mais où qu’il aille le chrétien qui suit fidèlement l’appel qu’il a entendu de la part de Dieu est toujours un migrant, un étranger. Dans la fameuse « lettre à Diognète », datant de la fin du deuxième siècle, l’auteur parle ainsi des chrétiens : « Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. »

    Dans l’évangile d’aujourd’hui, André, le premier disciple,  a répondu à l’appel de Dieu, par la bouche de Jean-Baptiste qui lui demande de suivre Jésus : « Voici l’agneau de Dieu ». Il va suivre en effet Jésus sur les routes de Galilée et de Judée, jusqu’à sa mort et sa résurrection. André va, à son tour, parcourir différentes régions, quitter son pays pour évangéliser. Il va devenir un étranger à cause de l’appel reçu. Il va même mourir martyr, en Grèce, sur une terre étrangère.

    Alors évidemment, si on peut trouver un lien assez étroit entre « Dieu m’appelle » et « je me mets en route », il ne faudrait tout de même pas faire un raccourci trop rapide. La plupart des migrants dont nous nous préoccupons à l’occasion de cette « Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié » n’ont certainement pas quitté leur pays pour répondre à un appel de Dieu.
Quoi qu’il en soit, ils ont opéré un déplacement, parfois un arrachement, mais sans l’avoir choisi. Ils fuient une situation qui s’est dégradée, dans l’espoir d’en trouver une pas beaucoup plus enviable, qui s’avère même parfois pire.
Tandis que nous qui essayons de répondre à un appel de Dieu, notre démarche, si elle nécessite un réel effort, est soutenue par une espérance : celle d’accéder à la joie de faire la volonté de Dieu, de se mettre à son service, en vue de bâtir un monde à l’image de son Royaume vers lequel, de toute façon, nous sommes tous en marche.
    C’est toute la différence, et elle est énorme, entre l’espoir et l’espérance.

    Mais là où se rejoignent l’espoir du migrant et l’espérance de celui que Dieu appelle, c’est que l’appel de Dieu, forcément, à un moment ou un autre, nous amène à rencontrer l’étranger, à nous mettre à son service. Ou alors, c’est que l’appel ne vient pas de Dieu.
    En effet, il n’a pas fallu attendre qu’un théologien invente au dix-neuvième siècle le concept de « doctrine sociale de l’Eglise » pour remarquer que, de tous temps, Dieu invite chacun à être particulièrement attentif à l’étranger, à l’immigré. Cette attitude n’est pas une option, elle est même constitutive de l’identité chrétienne, en continuité avec ses racines juives. Dès les premiers livres de la Bible, on peut lire : « Tu n'exploiteras ni n'opprimeras l'émigré, car vous avez été des émigrés au pays d'Egypte » (Exode 22, 20)  ou encore : « Quand un émigré viendra s'installer chez toi, dans votre pays,  vous ne l'exploiterez pas ; cet émigré installé chez vous, vous le traiterez comme un indigène, comme l'un de vous. Tu l'aimeras comme toi-même, car vous-mêmes avez été des émigrés dans le pays d'Egypte. C'est moi, le Seigneur votre Dieu ». (Lévitique 19, 33) et aussi dans le Deutéronome : « Tu ne tricheras pas avec le droit d'un émigré […] Tu te souviendras qu'en Egypte tu étais esclave et que le Seigneur ton Dieu t'a racheté de là. C'est pourquoi je t'ordonne de mettre en pratique cette parole » (Deutéronome 24, 17-18) ; dans le livre des Nombres : « Il y aura une seule loi, une seule règle pour vous et pour l'émigré qui réside chez vous » (Nb 15, 16) et dans le Deutéronme encore : « Vous aimerez l'émigré, car au pays d'Egypte vous étiez des émigrés ». (Dt 10, 19)

    C’est en immigrant, en fuyant l’oppression que les hébreux sont devenus le peuple juif. Et en même temps, c’était un appel de Dieu !

    Finalement, nous le voyons, méditer sur l’appel de Dieu tout en s’interrogeant sur la condition du migrant et du réfugié, ce n’est pas si contradictoire que ça !
    Amen !

Daniel BICHET, diacre permanent
Communauté Ste Marie de Torfou
14 janvier 2018


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