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29° dimanche du Temps Ordinaire


Ils sont gonflés, Jacques et Jean, les fils de Zébédée ! « Donne-nous de siéger, l’un à ta droite, l’autre à ta gauche, dans ta gloire ». Carrément ! Les meilleures places, les places d’honneur ! Ce qu’ils demandent à Jésus, c’est le statut de V.I.P. du Royaume de Dieu !
« Vous ne savez pas ce que vous demandez » leur répond simplement Jésus. Ce n’est pas un refus, c’est un réajustement : « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé ? » Comme pour dire : « êtes-vous prêts à payer les conséquences de ce que vous demandez ? »
En effet, même si la demande nous semble excessive, exagérée, pour Jésus, ce n’est pas le problème. Il ne les réprimande pas en leur disant qu’ils en demandent trop. Il les questionne seulement sur leur capacité à assumer ce qu’ils demandent.
Aucune demande n’est trop forte aux yeux de Dieu. Ce n’est pas que Dieu n’est pas capable d’exaucer nos désirs. C’est peut-être que nous n’avons pas mesuré l’importance des conséquences de nos demandes. Parce que bien souvent, ces conséquences nous échappent.
Nous demandons la plupart du temps, et c’est légitime, quelque chose pour améliorer une situation matérielle qui nous est difficile, ou même insupportable, ou qui nous semble injuste. En toute bonne foi. Mais nous n’avons pas toujours la capacité de connaître, au bout de compte, les conséquences réelles de ce que nous souhaitons. L’aspect spirituel de ces conséquences, par exemple, nous est pour une grande part inaccessible. Car le Bien et le Mal ne nous apparaissent pas toujours aussi clairement que dans les dessins animés de Walt Disney, où le méchant et le gentil sont immédiatement reconnaissables, sans équivoque. Dans la vraie vie, le mal est souvent déguisé en bien, et le bien apparaît souvent comme dilué dans tout un ensemble de possibles, comme si tout était équivalent. C’est ce qu’on appelle le relativisme.

Alors, faut-il renoncer à demander, comme certains le pensent ? Nous faut-il supprimer nos prières de demande, puisque nous n’en savons pas les conséquences, qui pourraient rendre une situation plus mauvaise qu’avant ? Certainement pas !
C’est Jésus lui-même qui nous dit, dans les Évangiles de Matthieu et de Luc : « demandez et vous recevrez », et aussi, à plusieurs reprises, dans l’Évangile de Jean : « Quand vous me demanderez quelque chose en mon nom, moi je le ferai ».
Alors c’est vrai, on entend souvent autour de nous des gens dire : « la prière, ça ne sert à rien, ça ne marche jamais ! » et ils ajoutent souvent un exemple de prière qui n'a pas été exaucée, comme pour prouver cette inefficacité : « La preuve, j'ai prié pendant des années pour la guérison de telle personne, ça ne l’a pas empêché de mourir ! » C'est vrai que présenté ainsi, l'argument est convainquant, imparable. Pour sortir ce cette impasse, je crois qu'il nous faut nous rappeler ceci :
À nos demandes, Dieu, parce qu'il n'est qu'amour, n'a que trois réponses possibles : « oui » ; « oui, mais pas maintenant » ; ou bien : « j'ai un meilleur plan pour toi. » C'est pourquoi nous avons parfois l'impression qu'il a répondu non, ou qu’il ne répond pas. En réalité, il nous faut être patient, faire confiance à Dieu et persévérer dans la prière, mais aussi nous préparer à accueillir ce meilleur plan qu'il a pour nous, et qu'il nous révélera plus tard. Dieu nous apprend ainsi la patience.
La prière de demande ne consiste pas à attendre d’être exaucé, mais plutôt à vouloir être exhaussé, c’est-à-dire élevé, sur-élevé. Que notre prière qui monte vers Dieu nous emporte avec elle dans son mouvement ascendant, pour nous rapprocher de Lui. Finalement, c’est la prière des fils de Zébédée, Jacques et Jean : ce qu’ils demandent, en fait, c’est d’être le plus près possible de Dieu ! Alors, ne les condamnons pas trop vite.
Seulement voilà : Pour se rapprocher de Dieu, pour être le plus grand, pour être le premier, Jésus nous dit dans sa réponse à ses deux disciples, qu’il faut d’abord s’abaisser.
« Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous. » La mécanique du royaume de Dieu n’est pas la mécanique de notre monde ! Se faire le plus petit pour devenir le plus grand ; se faire pauvre pour être riche aux yeux de Dieu, voilà qui n’est pas vraiment conforme à ce que la vie nous apprend.
C’est pourtant tout le message de l’Evangile ! À toutes les pages, Matthieu, Marc, Luc et Jean nous décrivent Jésus comme celui qui sert, celui qui se fait le serviteur de chacun. Que ce soit à l’occasion de chacune de ses rencontres ; que ce soit lors de guérisons qu’il opère ; que ce soit dans les miracles ; dans ses gestes… Et, par-dessus tout, dans sa passion, le don de sa vie, pour notre salut.  C’est de lui que parlait Isaïe, bien des siècles auparavant, dans la première lecture : « Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur. » ; et encore : « Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. »

S’abaisser pour être élevé. Nos prières de demandes sont des cris vers Dieu. Quel que soit leur contenu, elles sont en elles-mêmes le signe de notre abaissement. En osant demander à Dieu, nous montrons que nous sommes petit, faible, comme un enfant. Nous sommes le pauvre qui se reconnaît si faible, et en même temps si confiant envers Dieu, si certains de sa miséricorde. Lui demander, c’est savoir qu’il nous écoute, et qu’il veut notre bonheur. Pourquoi lui demander si on ne croit pas qu’il peut donner ?
La prière est donc déjà un abaissement, en soi. C’est l’attitude humble de l’homme qui reconnaît sa finitude, sa petitesse, son impuissance, et qui reconnaît en même temps la puissance de Dieu. L’homme sûr de lui, auto-suffisant, ne prie pas. Il n’a pas besoin de Dieu. Prier est donc un acte d’humilité, qui ne peut se faire qu’en s’abaissant. C’est se faire petit enfant, confiant dans la bonté d’un père qui peut tout donner.
Alors, frères et sœurs, n’ayons pas peur de demander à Dieu, n’ayons pas honte de nous abaisser devant lui, puisque c’est par cette attitude que Dieu peut nous relever. Même si nous ne savons pas toujours ce que nous demandons, même si nous savons que la réponse de Dieu sera certainement autre que celle que nous imaginons, prions-le dans la confiance. Ainsi, par notre abaissement, Jésus préparera nos cœurs à sa rencontre ; il nous élèvera vers lui et nous rendra peu à peu capables de boire la coupe à laquelle il a bu lui-même.

Amen !

Daniel BICHET, diacre permanent
18 octobre 2015
Clisson et St Hilaire de Clisson.

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